Pharmaciens : la grève des gardes s’organise face à la baisse des remises génériques
Face à la menace d’une division par deux du plafond des remises génériques au 1er juillet, l’USPO a annoncé un mouvement de grève illimitée des gardes. En toile de fond, la crainte d’un séisme économique et social pour le réseau officinal. Retour sur une mobilisation d’envergure, ses enjeux et ses zones d’ombre à lever d’urgence.

Une décision gouvernementale jugée « inacceptable »
C’est un coup de massue pour les officines. Depuis la publication de l’arrêté du 6 mai dernier, officialisant la fin du plafond des remises génériques à 40 % au 1er juillet, la profession est en état de choc. La proposition du gouvernement ? Ramener ce plafond à 20 %, au motif de limiter le déficit de l’Assurance maladie, estimé à plus de 100 millions d’euros.
Pour l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), la pilule ne passe pas. La mesure, présentée sans réelle concertation avant le 20 juin, menace de « briser l’économie officinale », selon les mots de Pierre-Olivier Variot, président de l’organisation. Il évoque une perte estimée à 550 à 600 millions d’euros pour l’ensemble du réseau, impossible à absorber pour des officines déjà fragilisées.
Une grève illimitée des gardes dès le 1er juillet
Face à cette situation, le conseil d’administration de l’USPO a voté lundi dernier le lancement d’une grève illimitée des gardes, à partir du 1er juillet. Une première étape d’un plan d’action plus large. Chaque pharmacien doit déclarer individuellement son préavis auprès de l’ARS, en utilisant un modèle fourni par l’USPO.
Pour les patients, des affiches de sensibilisation seront mises à disposition, expliquant les raisons de cette mobilisation et ses répercussions potentielles : pénuries de médicaments, désorganisation des soins, impact sur les effectifs officinaux.
La profession craint en effet que cette baisse des remises génériques n’entraîne des licenciements massifs et de nouvelles fermetures de pharmacies, déjà confrontées à des difficultés de recrutement.
Coordination et soutien des parlementaires
Au-delà de la grève, l’USPO appelle les pharmaciens à interpeller massivement leurs élus : députés, sénateurs, mais aussi le président de la République et la ministre du Travail. Des courriers-type (voir en bas) ont prêts à être diffusés pour alerter sur les conséquences économiques et sociales de la mesure.
Le syndicat souligne également l’importance de mobiliser les patients, présentés comme les premiers alliés de la profession. Leur compréhension et leur soutien pèseront dans la balance, tant auprès des pouvoirs publics que des médias.
Une mobilisation interprofessionnelle en perspective
Le climat tendu dépasse le seul périmètre des pharmaciens. Alors que l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) a été dépassé, d’autres professions de santé sont également sur le pied de guerre. Une journée de manifestation interprofessionnelle est d’ores et déjà prévue mardi prochain à Paris.
La matinée sera consacrée à un « village des professionnels de santé trahis », pour échanger directement avec les parlementaires et les sensibiliser. L’après-midi, une marche est prévue jusqu’au ministère, où une délégation espère être reçue.
Un calendrier resserré et des négociations sous pression
À quatre jours de l’échéance réglementaire, l’inquiétude monte. L’arrêté transitoire promis par le ministère pour prolonger le plafond actuel des 40 % n’avait toujours pas été publié au moment de la conférence de l’USPO, ce vendredi. Faute de publication, la baisse drastique pourrait s’appliquer dès mardi, plongeant le réseau officinal dans l’inconnu.
Une réunion d’urgence avec le ministère est programmée dans l’après-midi même, sans garantie de débouchés rapides. Pierre-Olivier Variot, lucide, rappelle : « Ce n’est pas une vraie négociation, on nous impose un calendrier intenable et des conditions qui ne sont pas acceptables. »
Des actions « coup de poing » à l’étude
Au-delà de la grève des gardes, certaines actions plus radicales ont été évoquées, à commencer par la procédure de brouillage des statistiques de l’Assurance maladie, consistant à déclarer des prescripteurs fictifs avec un NIR fictif. Validée juridiquement par un pharmacien inspecteur, cette initiative vise à perturber les données de l’Assurance maladie et accroître la pression.
Autre piste soulevée : la menace d’une grève de la vaccination ou du tiers payant. Mais ces options présentent des risques juridiques majeurs et pourraient heurter les patients.
En parallèle, l’USPO continue de défendre un modèle de rémunération plus vertueux, moins dépendant du volume dispensé et davantage centré sur l’honoraire à l’ordonnance. Une évolution profonde qu’il faudra négocier de manière structurée pour éviter d’asphyxier le réseau officinal.
Une unité syndicale à conforter
Dans ce contexte, la question de la coordination syndicale reste sensible. Des divergences ont été relevées, notamment avec des actions annoncées par d’autres syndicats sans concertation préalable. Un défaut d’unité que l’USPO entend corriger, pour peser d’une seule voix face au gouvernement.
Et maintenant ?
Les pharmaciens sont invités à se tenir prêts à intensifier la mobilisation, à la fois cet été et potentiellement à la rentrée. L’USPO l’a rappelé : « Une grève est un fusil à un coup, il ne faut pas se rater ! »
L’avenir immédiat du réseau officinal, déjà mis à rude épreuve par la crise des ruptures de médicaments et la baisse de la rentabilité, se joue dans les prochains jours. Plus que jamais, la cohésion et la réactivité de la profession seront décisives.
Modèle de préavis de grève de l’USPO à envoyer individuellement :