Une étiquette qui colle à la mobilisation !

Depuis quelques jours, certaines boîtes de médicaments sortent de l’officine avec une étiquette inhabituelle : « Soutenez vos pharmaciens. Signez la pétition ». À l’initiative d’Étienne Gatignol, pharmacien titulaire et cofondateur de Phealing, cette action simple vise à sensibiliser patients et grand public dans la crise actuelle des officines. Déjà des dizaines de milliers d’étiquettes circulent. Entretien.

Par Thomas Kassab, publié le 11 septembre 2025

Une étiquette qui colle à la mobilisation !

Vous avez détourné l’étiquette de posologie pour un message militant. Comment vous est venue cette idée ?

Étienne Gatignol : L’idée est venue assez naturellement. Avec Thibault Ozenne, nous avons cofondé Phealing il y a sept ans. Notre métier, c’est d’améliorer l’observance et de limiter les erreurs de délivrance.

Nous avions la conviction que l’étiquette pouvait servir à autre chose : porter un message de santé publique.

Une boîte de médicaments reste en moyenne un mois sur la table de cuisine ; c’est un support visible, quotidien, avec une vraie capacité de viralité.

Quelles ont été les réactions des premiers patients ?

É. G. : Très positivement. Certains savaient que les pharmacies traversaient une période compliquée, mais beaucoup découvraient l’ampleur des difficultés. L’étiquette ouvre le dialogue. On mesure que 90 % des Français font confiance à leur pharmacien : cela facilite l’échange. Bien sûr, il faut cadrer le temps passé au comptoir, mais en général cela permet d’informer sans alourdir la délivrance.

Combien de temps cela prend-il au comptoir ?

É. G. : Coller une étiquette prend quelques secondes. Le vrai sujet, c’est la discussion qui peut suivre. Nous avons demandé à nos équipes de simplement expliquer que la pharmacie est en difficulté et qu’il existe une pétition pour nous soutenir. Cela prend moins d’une minute.

Avez-vous déjà observé des signatures immédiates ?

É. G. : Oui, dès le premier jour ! J’ai vu un patient flasher le QR code directement pendant la facturation de son ordonnance. C’est encourageant. L’objectif est simple : si chaque pharmacie appose 1 000 étiquettes, nous pourrions toucher 20 millions de personnes.

Pourquoi miser sur l’étiquette plutôt que sur des affiches ou des flyers ?

É. G. : Parce qu’une boîte de médicaments, on ne la jette pas. Une affiche, un flyer, finissent souvent à la poubelle. Mais, la boîte reste chez le patient, visible tous les jours.

C’est là que l’étiquette a un vrai pouvoir de mobilisation.

Si des millions de Français signent la pétition, nous aurons beaucoup plus de poids face au gouvernement.

Votre logiciel est-il compatible avec tous les LGO ?

É. G. : Avec la plupart, sauf les deux leaders Winpharma et LGPI. Mais, pour cette opération, nul besoin du logiciel : les confrères qui souhaitent participer peuvent simplement demander des étiquettes toutes prêtes. Nous les envoyons par courrier.

Quelle est l’ampleur de la diffusion aujourd’hui ?

É. G. : Nous avons déjà expédié plusieurs dizaines de milliers d’étiquettes. Rien que dans ma région, près de 200 officines vont être livrées cette semaine. Nous pourrions atteindre 500 à 1 000 pharmacies d’ici peu. Ce qui est intéressant, c’est que même des grossistes nous contactent pour relayer.

Pouvez-vous rappeler le rôle de Phealing et de votre solution Posolog’IA ?

É. G. : Posolog’IA est avant tout un dispositif médical certifié, conçu pour analyser l’ordonnance et générer automatiquement une étiquette de posologie adaptée. Sa fonction première est de sécuriser la délivrance.

Des études menées par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ont montré qu’en moyenne, une pharmacie commet près d’une erreur de délivrance par jour.

Ces erreurs ne sont pas toujours graves, mais elles existent, et notre outil vise précisément à les détecter et à les corriger en temps réel, en alignant ce qui est prescrit avec ce qui est effectivement délivré.

Au-delà de la sécurité, l’objectif est aussi d’améliorer l’observance grâce à des étiquettes claires et personnalisées. C’est cette même technologie qu’il a voulu détourner pour créer un support militant.

Vous êtes aussi titulaire. Au-delà de Phealing, quel est votre moteur personnel ?

É. G. : Je suis directement concerné. C’est mon avenir et celui de mes confrères qui sont en jeu. Nous avons voulu apporter un coup de pouce avec ce que nous savons faire : de la technologie utile, appliquée à une cause professionnelle. La réaction est rapide et massive, cela prouve que la profession a envie de se mobiliser.