Que changerait l’adoption de cet amendement ?
Alain Grollaud : Ce texte reviendrait à interdire tous les groupements dont le capital n’est pas détenu majoritairement par des pharmaciens d’officine, soit près de 80 % des structures existantes. C’est une aberration. Un groupement n’exerce pas la pharmacie : il accompagne les titulaires sur les achats, la communication, la formation, le digital, la prévention… Le confondre avec une société d’exercice officinal traduit une méconnaissance du secteur.
Pourquoi cette proposition refait-elle surface un an après ?
A. G. : Ce n’est pas un hasard. Nous avions rencontré le député Isaac-Sibille pour lui exposer la réalité ; il revient à la charge, manifestement influencé par certains acteurs hostiles au modèle actuel.
Cette initiative mêle revanche politique, incompétence technique et confusion intellectuelle.
Et surtout, elle ne résout en rien la financiarisation du réseau : les groupements n’entrent pas au capital des officines, point final. Ce n’est pas en supprimant les partenaires de la pharmacie qu’on la protégera, bien au contraire.
Faut-il renforcer le cadre juridique existant ?
A. G. : Pourquoi pas, mais sur le bon périmètre. Le dispositif des SPFPL (sociétés de participation financière des professions libérales) encadre déjà l’actionnariat officinal. On peut préciser que leurs obligations doivent être non convertibles pour éviter toute ambiguïté.
Cela n’a rien à voir avec les groupements : leur mission est d’accompagner, pas d’acquérir.
Confondre appui économique et prise de capital est une erreur d’analyse.
Quelle est la place réelle des groupements dans le réseau ?
A. G. : Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 94 % des pharmaciens titulaires adhèrent à un groupement, selon le CNGPO, et l’immense majorité en est satisfaite. Federgy fédère une vingtaine de groupements nationaux, représentant environ une officine sur deux.
Supprimer les groupements, c’est condamner plusieurs milliers d’officines et ouvrir la voie à des acteurs non-pharmaciens.
Cela montre combien les groupements sont devenus essentiels : aucun titulaire ne peut aujourd’hui tout gérer seul — réglementation, achats, communication, prévention…
A. G. : Nous allons agir sur le terrain parlementaire pour obtenir le retrait du texte, comme l’an dernier. Mais surtout, nous voulons expliquer et démontrer : rappeler notre rôle, dissiper les amalgames, et montrer que l’indépendance du pharmacien reste au cœur de notre modèle. Federgy mènera une campagne de communication pour replacer les groupements dans leur fonction : celle d’un partenaire, pas d’un investisseur.
Un débat dans un climat économique tendu
A. G. : Les officines subissent une érosion continue des marges, la menace d’appels d’offres sur les génériques et des réformes de rémunération incertaines. Dans ce contexte, s’en prendre aux groupements est un contresens. Le vrai enjeu, c’est la mission IGAS-IGF ouverte cet été pour examiner la régulation des flux financiers. C’est là que se joue l’avenir du modèle officinal, pas dans un amendement idéologique.
Certains groupements sont-ils spécifiquement visés ?
A. G. : Difficile à affirmer, mais plusieurs enseignes seraient directement concernées.
Et en attaquant les groupements, on fragilise l’ensemble du maillage officinal.
Sans mutualisation, nombre d’officines rurales ou fragiles ne tiendraient pas. Ce serait un désastre économique et territorial.
Un message au législateur ?
A. G. : Ne confondons pas partenariat et financiarisation. Les groupements ont permis à la pharmacie française de rester indépendante, moderne et compétitive. Les interdire reviendrait à affaiblir tout un réseau de santé publique. Tuer les groupements, c’est affaiblir la pharmacie.
Propos recueillis en exclusivité le mercredi 22 octobre.