« Tuer les groupements, c’est affaiblir la pharmacie » - Alain Grollaud (Federgy) dénonce un amendement absurde et dangereux

Relancé dans le PLFSS 2026, un amendement du député Cyrille Isaac-Sibille entend interdire les groupements d’officines dont le capital n’est pas majoritairement détenu par des pharmaciens. Une proposition que Federgy juge “infondée, incompétente et contre-productive”. Son président, Alain Grollaud, alerte sur une confusion persistante entre la structure capitalistique des groupements et celle des pharmacies, et prévient : “c’est la pharmacie de proximité qu’on met en danger”.

Par Thomas Kassab, publié le 22 octobre 2025

« Tuer les groupements, c’est affaiblir la pharmacie » – Alain Grollaud (Federgy) dénonce un amendement absurde et dangereux

Le débat sur la gouvernance des groupements d’officine refait surface à l’Assemblée nationale. Le député du Rhône Cyrille Isaac-Sibille a déposé un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026 visant à interdire les groupements dont le capital n’est pas majoritairement détenu par des pharmaciens.
Une initiative qui suscite la colère de la profession, accusée à tort de dérives financières. Pour Federgy, la fédération représentant une vingtaine de groupements nationaux, le texte traduit une méconnaissance du rôle réel de ces structures, devenues indispensables au fonctionnement des officines.

Son président, Alain Grollaud, revient pour Pharma365 sur les enjeux, les risques et la stratégie de riposte de la fédération.

Alain Grollaud - Président de Federgy et directeur d’Optipharm

Alain Grollaud – Président de Federgy et directeur d’Optipharm

Que changerait l’adoption de cet amendement ?

Alain Grollaud : Ce texte reviendrait à interdire tous les groupements dont le capital n’est pas détenu majoritairement par des pharmaciens d’officine, soit près de 80 % des structures existantes. C’est une aberration. Un groupement n’exerce pas la pharmacie : il accompagne les titulaires sur les achats, la communication, la formation, le digital, la prévention… Le confondre avec une société d’exercice officinal traduit une méconnaissance du secteur.

Pourquoi cette proposition refait-elle surface un an après ?

A. G. : Ce n’est pas un hasard. Nous avions rencontré le député Isaac-Sibille pour lui exposer la réalité ; il revient à la charge, manifestement influencé par certains acteurs hostiles au modèle actuel.

Cette initiative mêle revanche politique, incompétence technique et confusion intellectuelle.

Et surtout, elle ne résout en rien la financiarisation du réseau : les groupements n’entrent pas au capital des officines, point final. Ce n’est pas en supprimant les partenaires de la pharmacie qu’on la protégera, bien au contraire.

Faut-il renforcer le cadre juridique existant ?

A. G. : Pourquoi pas, mais sur le bon périmètre. Le dispositif des SPFPL (sociétés de participation financière des professions libérales) encadre déjà l’actionnariat officinal. On peut préciser que leurs obligations doivent être non convertibles pour éviter toute ambiguïté.

Cela n’a rien à voir avec les groupements : leur mission est d’accompagner, pas d’acquérir.

Confondre appui économique et prise de capital est une erreur d’analyse.

Quelle est la place réelle des groupements dans le réseau ?

A. G. : Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 94 % des pharmaciens titulaires adhèrent à un groupement, selon le CNGPO, et l’immense majorité en est satisfaite. Federgy fédère une vingtaine de groupements nationaux, représentant environ une officine sur deux.

Supprimer les groupements, c’est condamner plusieurs milliers d’officines et ouvrir la voie à des acteurs non-pharmaciens.

Cela montre combien les groupements sont devenus essentiels : aucun titulaire ne peut aujourd’hui tout gérer seul — réglementation, achats, communication, prévention…

Comment Federgy compte-t-elle réagir ?

A. G. : Nous allons agir sur le terrain parlementaire pour obtenir le retrait du texte, comme l’an dernier. Mais surtout, nous voulons expliquer et démontrer : rappeler notre rôle, dissiper les amalgames, et montrer que l’indépendance du pharmacien reste au cœur de notre modèle. Federgy mènera une campagne de communication pour replacer les groupements dans leur fonction : celle d’un partenaire, pas d’un investisseur.

Un débat dans un climat économique tendu

A. G. : Les officines subissent une érosion continue des marges, la menace d’appels d’offres sur les génériques et des réformes de rémunération incertaines. Dans ce contexte, s’en prendre aux groupements est un contresens. Le vrai enjeu, c’est la mission IGAS-IGF ouverte cet été pour examiner la régulation des flux financiers. C’est là que se joue l’avenir du modèle officinal, pas dans un amendement idéologique.

Certains groupements sont-ils spécifiquement visés ?

A. G. : Difficile à affirmer, mais plusieurs enseignes seraient directement concernées.

Et en attaquant les groupements, on fragilise l’ensemble du maillage officinal.

Sans mutualisation, nombre d’officines rurales ou fragiles ne tiendraient pas. Ce serait un désastre économique et territorial.

Un message au législateur ?

A. G. : Ne confondons pas partenariat et financiarisation. Les groupements ont permis à la pharmacie française de rester indépendante, moderne et compétitive. Les interdire reviendrait à affaiblir tout un réseau de santé publique. Tuer les groupements, c’est affaiblir la pharmacie.

Propos recueillis en exclusivité le mercredi 22 octobre.