Interview exclusive – Miguel Mellick (Robotik Technology) : « La PDA, c’est l’avenir du bon médicament au bon patient »

Au cœur d’une actualité brûlante marquée par les grèves de la PDA et les négociations autour de sa rémunération, l’automatisation officinale avance à grands pas. Entre exigences réglementaires, pressions économiques et innovations dopées à l’intelligence artificielle, la préparation des doses à administrer s’impose comme un nouvel horizon stratégique pour les pharmaciens. En exclusivité pour Pharma365, Miguel Mellick, directeur de Robotik Technology, dévoile les coulisses d’une révolution technologique qui redéfinit la pratique au comptoir.

Par Thomas Kassab, publié le 11 octobre 2025

Interview exclusive – Miguel Mellick (Robotik Technology) : « La PDA, c’est l’avenir du bon médicament au bon patient »

De la boîte industrielle à la bouche du patient

Notre mission, c’est de garantir que le bon médicament soit administré au bon patient, à la bonne heure.

Pour Miguel Mellick, la PDA ne se limite plus à un acte technique : elle s’inscrit désormais dans un processus global de sécurisation du parcours médicamenteux, depuis la boîte industrielle jusqu’à l’administration par l’infirmière.

Robotik Technology œuvre à fluidifier la communication entre les différents acteurs : pharmaciens, infirmières, prescripteurs, directeurs d’EHPAD.

L’enjeu est de bien organiser tous les transferts d’informations, y compris la gestion des stupéfiants, les bons de livraison, la récupération des médicaments non utilisés.

L’objectif : un process qualité complet, à la fois réglementairement solide et simple d’usage, pour faire de la PDA une garantie de traçabilité.

Vers une rémunération équitable de la PDA

Les signaux économiques se multiplient pour encourager les pharmaciens à se lancer.

« Les groupes privés du secteur médico-social, tels que Clariane (ex-Korian) ou Emeis (ex-Orpea), se sont accordés sur une prise en charge de 20 centimes par patient et par jour. »

Cette contribution volontaire, précise-t-il, provient du secteur privé, via des accords entre établissements adhérents au SYNERPA, le syndicat du grand âge.

C’est une réponse pragmatique : ils préfèrent financer la PDA plutôt que mobiliser du personnel infirmier sur cette tâche.

Du côté public, les discussions progressent plus lentement.

« L’UNPF propose aujourd’hui une rémunération d’1 euro par patient et par jour, conditionnée à une analyse pharmaceutique permettant de réduire les prescriptions inutiles. »

Selon lui, la Cour des comptes s’est penchée sur ce modèle dans le cadre de son audit sur les médicaments non utilisés (MNU), mené à l’été 2025.

« Nous avons été entendus dans ce cadre », affirme-t-il, convaincu que la PDA constitue une réponse concrète au gaspillage médicamenteux et à la surprescription en EHPAD.

Qualité et formation : deux piliers stratégiques

« Nous investissons simultanément dans la formation et dans les programmes qualité. »

Robotik Technology s’appuie sur un département qualité réunissant pharmaciens, directeurs d’EHPAD et infirmiers, pour produire d’ici 2026 un guide de bonnes pratiques sectoriel.

L’entreprise soutient également la formation des préparateurs en pharmacie :

« Nous avons équipé plusieurs écoles de préparateurs avec nos machines de PDA, dans trois régions pilotes (Toulouse, Sud-Est et Occitanie). Ces 32 heures de formation qualifiante permettent d’obtenir une orientation PDA reconnue comme valorisation du diplôme. »

Ce module, qu’il décrit comme une option qualifiante, familiarise les futurs préparateurs aux logiciels métiers (LGO) et à l’interopérabilité avec les EHPAD et le domicile.

L’assurance qualité intégrée au cœur du robot

La PDA robotisée repose sur un double contrôle humain et automatisé.

Robotik Technology a conçu le système Oculus, capable d’assurer une reconnaissance de forme assistée par intelligence artificielle : chaque comprimé est identifié selon sa couleur, sa taille et sa volumétrie.

Chaque sachet est photographié et archivé. En cas de réclamation, le pharmacien peut prouver son acte de dispensation.

Le pharmacien visualise en temps réel les anomalies (comprimé ébréché, défaut de dosage) et peut valider ou corriger avant libération du lot.

« C’est un gain de temps considérable et une garantie de sécurité », résume Miguel Mellick.

Autre avancée : la prise en charge automatisée des demi et quarts de comprimés.

« Nous gérons désormais ces fractions en cassette, sans manipulation manuelle, y compris pour les spécialités à forte rotation. »

Cette innovation réduit la variabilité liée au trait de sécabilité et limite les erreurs de dosage.

Une technologie évolutive et accessible

Conscient du frein financier que représente l’investissement initial, Robotik Technology propose un modèle locatif évolutif.

Le pharmacien peut louer la machine, l’adapter à la volumétrie de son activité, puis l’acheter quand il le souhaite.

Ce modèle progressif, indique-t-il, permet de tester, adapter, puis capitaliser sur l’activité PDA.

« Certains officinaux constatent une rentabilité très rapide et transforment ensuite la location en achat. »

Quand l’intelligence artificielle devient prescriptive

Après cinq années de R&D sur la reconnaissance optique, Robotik Technology concentre désormais ses efforts sur le logiciel pilotant la machine.

« Nous exploitons les métadonnées anonymisées issues des cohortes de patients pour anticiper les besoins, gérer les stocks et signaler les manquants. »

Ce module d’analyse prédictive doit permettre au pharmacien d’anticiper les ruptures, les écarts de dispensation et les récurrences de prescriptions.

Le pharmacien disposera bientôt d’une vision clinique et logistique en temps réel, parfois avant même le prescripteur.

Une évolution majeure, que l’entreprise prévoit de présenter officiellement à Pharmagora 2026.