Édouard Philippe au CNDP : « L’intelligence du maillage est d’une puissance exceptionnelle »

Invité vedette du Congrès national des pharmaciens à Lyon, Édouard Philippe a captivé la salle par un discours d’une rare franchise. Face à Philippe Besset, il a mêlé souvenirs de Matignon, analyse économique et regard lucide sur les fragilités du système de santé. Réformes des retraites, désertification rurale, maîtrise des dépenses, montée en puissance des pharmaciens : l’ancien Premier ministre a livré une vision structurée, parfois provocante, mais toujours constructive d’un pays qui, selon lui, « ne tiendra que par son maillage ».

Par Thomas Kassab, publié le 11 octobre 2025

Édouard Philippe au CNDP : « L’intelligence du maillage est d’une puissance exceptionnelle »

« Intellectuellement simple, politiquement difficile »

Revenant longuement sur la réforme des retraites, l’ancien Premier ministre a reconnu la complexité du chantier interrompu par le Covid :

Intellectuellement, on sait ce qu’il faut faire : plus de gens qui travaillent jeunes, plus de gens qui travaillent vieux, et que tout le monde travaille un peu plus. Politiquement, c’est une autre histoire.

Selon lui, la France finira, tôt ou tard, par aligner son âge de départ sur ses voisins européens, tout en introduisant « une dose de capitalisation pour que chacun profite de la valorisation du capital ».

Dépenses de santé : « il faut assumer »

Sur la santé, Édouard Philippe s’est montré pragmatique : la part des dépenses dans le PIB ne diminuera pas. Vieillissement, progrès techniques, nouvelles attentes : « Ce n’est pas la peine de se raconter des histoires : il faut l’assumer. »
Mais il a insisté sur trois leviers majeurs pour contenir la progression : la prévention ciblée, la pertinence des soins et la technologie. Il a aussi déploré le faible taux de vaccination antigrippale des soignants, jugeant « incompréhensible qu’elle ne soit pas obligatoire en EHPAD ».

Prévention : « se concentrer sur ce qui a un impact »

L’ancien Premier ministre a rappelé que la prévention ne devait pas se réduire à des campagnes ponctuelles.

Il faut se concentrer sur ce qui produit un vrai impact, pas saupoudrer partout.

Il a salué le rôle des pharmaciens, « en première ligne pendant la crise du Covid », capables de tester, vacciner, dépister et tracer les données de santé. Cette agilité, selon lui, doit servir de modèle pour les prochaines politiques de santé publique.

Ruralité : un modèle à réinventer

Avec émotion, Édouard Philippe a décrit cette « diagonale du vide » où se cumulent désertification, perte de commerces, écoles fermées et sentiment d’abandon. « Quand la boulangerie ou la pharmacie ferme, c’est cuit », a-t-il lancé, soulignant l’urgence de préserver les points d’ancrage de proximité.
Il s’est dit « saisi » par la transformation de certains territoires, plaidant pour un réenchantement de la ruralité et pour le maintien des services de santé de proximité, y compris par des initiatives locales comme les maisons France Services ou les cabines de télémédecine.

Officine : « on n’y arrivera pas sans vous »

Édouard Philippe a reconnu sans détour la place désormais incontournable des pharmaciens dans l’accès aux soins.

Il n’y a pas d’hypothèse où l’on peut se passer d’un recours accru aux professions médicales et paramédicales.

Face à la pénurie médicale, il appelle à une montée en puissance encadrée des officines, en cohérence avec les IPA et les autres acteurs du soin. « Ce n’est pas prendre l’activité des médecins, c’est enrichir la qualité du soin », a-t-il résumé.

Technologie et télémédecine : « un levier d’accès »

L’ancien chef du gouvernement voit dans l’intelligence artificielle, la data et la télémédecine des leviers pour améliorer pertinence et équité d’accès. « Si on s’en sert bien, la technologie peut changer la donne. »
Il a salué les initiatives des pharmacies équipées de cabines connectées : « Ce n’est pas une mauvaise idée, c’est une réponse pragmatique à un vrai besoin. »

Une vision lucide et constructive

En conclusion, Édouard Philippe a rendu hommage à la solidité du réseau officinal :

L’intelligence du maillage est d’une puissance exceptionnelle. Il faut la défendre, la moderniser et la faire évoluer avec le pays.

Il a encouragé les pharmaciens à poursuivre leur rôle pivot dans la prévention, la coordination et la proximité. « Vous êtes un maillon essentiel du système de santé français. À condition d’en avoir conscience et de continuer à le prouver, vous resterez indispensables. »