Baisse des remises génériques : l’USPO dénonce un sacrifice du maillage officinal au profit de l’industrie

Alors que les remises génériques sont menacées, l’USPO tire la sonnette d’alarme. Derrière cette décision technique, c’est un choix politique qui se dessine : préserver les marges des industriels au détriment du réseau officinal. L’Union syndicale annonce une intensification de la mobilisation et appelle à recentrer les politiques de santé sur la pertinence des soins et la sauvegarde du maillage.

Par Thomas Kassab, publié le 11 juillet 2025

Baisse des remises génériques : l’USPO dénonce un sacrifice du maillage officinal au profit de l’industrie

Baisse des remises génériques, une concertation bâclée

Le point de départ de la mobilisation : l’arrêté du mois de mai actant la fin du plafond des remises génériques à 40 %, avec application au 1er juillet 2025. « Dès mi-mai, nous avons alerté les autorités. La première concertation n’a eu lieu que le 20 juin, soit dix jours avant l’échéance. Et ce jour-là, on nous a proposé une division par deux du plafond », résume Charlotte Ribeiro Lopes. L’objectif affiché ? Réaliser 100 millions d’euros d’économies sur les médicaments.

Mais pour l’USPO, la méthode et le fond sont inacceptables. « On ne peut pas compenser la baisse des remises génériques par une hypothétique hausse des remises biosimilaires. Ce sont deux marchés aux dynamiques totalement différentes », rappelle-t-elle. « Le générique, c’est plus de 80 % des volumes délivrés, le biosimilaire est marginal en comparaison. »

Des leviers d’économie… ignorés

Le syndicat refuse le principe même d’un sacrifice économique unilatéral de l’officine. « Nous avons formulé des propositions concrètes, immédiatement mobilisables, pour générer des économies ailleurs dans la chaîne du médicament », souligne Guillaume Racle. Parmi elles : la pertinence des prescriptions, la régulation des médicaments chers, et la fin des blocages réglementaires sur les biosimilaires et médicaments hybrides.

« Aujourd’hui, 0,4 % des volumes médicamenteux représentent 42 % du chiffre d’affaires officinal. Et ces molécules ont une rentabilité record pour l’industrie, avec un retour sur investissement inférieur à deux ans », explique-t-il. « Pendant ce temps, les médicaments matures sont revendus, les génériques abandonnés, et la pharmacie de proximité mise en danger. »

Une régulation défaillante, des textes qui n’arrivent pas

L’USPO pointe également la paralysie administrative qui empêche la substitution de nombreuses molécules pourtant tombées dans le domaine public. « Le brevet du Stelara® est échu depuis plus d’un an, mais toujours aucune mise sur le marché d’un biosimilaire », regrette Guillaume Racle.

« Des dizaines de molécules sont dans ce cas. On a listé ces médicaments à l’administration. Leur réponse ? ‘On va se renseigner’. »

Pire : certains statuts, comme celui de médicament orphelin, sont instrumentalisés pour prolonger artificiellement la protection des brevets. « Le Vendakel® est protégé jusqu’en 2030, alors qu’il ne répond plus aux critères de rareté. L’administration française n’a même pas fait la démarche de demander une révision de ce statut auprès de l’EMA », s’indigne Charlotte Ribeiro Lopes .

Des choix politiques lourds de conséquences

Pour l’USPO, le problème dépasse largement le seul ministère de la Santé. « Ce qu’on constate, c’est une prise de pouvoir de la politique industrielle sur les objectifs de santé publique », dénonce Guillaume Racle. « Le discours du ministère penche désormais clairement du côté de Bercy. »

« Le pharmacien devient une variable d’ajustement. »

Guillaume Racle abonde : « Le plan France 2030 parle de relocalisation des médicaments essentiels, mais en réalité, on assiste à des projets de cession massifs. Pendant que Sanofi vend ses activités matures, l’État continue de protéger ces acteurs, sans exiger de contreparties. »

Impact concret : un minimum de 17 844 € de pertes par officine

L’USPO s’est appuyée sur une étude menée avec Ospharm. Résultat : « La perte moyenne liée à la baisse de remise générique serait d’au moins 17 844 € par officine et par an, et ce n’est qu’un minimum », alerte Guillaume Racle.

« Si on ajoute la baisse de prix des génériques et la dégressivité de la marge réglementée (MDL), on parle d’une triple peine. »

Deux idées reçues doivent être combattues, poursuit-il :

  1. « Non, les remises biosimilaires ne peuvent pas compenser la baisse des remises génériques », à cause d’une très mauvaise corrélation territoriale.

  2. « Non, les laboratoires ne pourront pas absorber la perte » : il faudrait qu’ils divisent par quatre leur marge pour compenser, ce qui est irréaliste.

Mobilisation prolongée, arbitrage attendu

Le syndicat a demandé un arbitrage de Matignon, resté sans réponse. Il a donc adressé un courrier au président de la République.

« Tant que nous n’obtiendrons pas un retrait de la proposition actuelle ou une vraie réunion de négociation, la mobilisation se poursuivra », affirme l’USPO.

Des actions régionales sont déjà engagées, et une grève générale des pharmacies franciliennes est annoncée pour le 22 juillet, suivie d’une grande manifestation à Paris le 14 septembre. « Si le gouvernement ne revient pas à la raison, le mouvement se durcira », préviennent-ils. « On ne recréera pas les pharmacies une fois qu’elles auront disparu », conclut Charlotte Ribeiro Lopes.