Anticiper la contamination des huîtres grâce aux ventes d’antidiarrhéiques en pharmacie
En Loire-Atlantique et Vendée, un dispositif inédit analyse en temps réel les ventes d’antidiarrhéiques pour alerter la filière conchylicole avant toute contamination au norovirus.

Les contaminations à norovirus fragilisent régulièrement la filière conchylicole. En 2023, des restrictions sanitaires ont entraîné des pertes de plusieurs millions d’euros dans les Pays de la Loire, avec des tonnes d’huîtres détruites. Pour agir plus en amont, une expérimentation inédite démarre mi-novembre 2025 : suivre les ventes d’antidiarrhéiques dans les pharmacies afin de détecter précocement la circulation du virus et alerter les ostréiculteurs. Ce dispositif, complémentaire aux analyses existantes comme le programme OXYVIR, repose sur les données collectées par GERS DATA (82 % des officines françaises couvertes). Objectif : protéger la santé publique et l’économie locale, dans l’esprit de la démarche “Une Seule Santé”.

David Syr, Directeur exécutif chez Cegedim Pharma et Directeur Général de GERS Data
Comment fonctionne concrètement cette expérimentation ?
David Syr : L’idée est d’identifier au plus tôt un risque sanitaire pour la filière. L’hypothèse est simple : si la population, en passant en pharmacie, achète des antidiarrhéiques, cela traduit la circulation du virus de la gastro, donc un risque potentiel de pollution des eaux. Nous utilisons cette hausse anormale des ventes comme indicateur avancé pour alerter la filière conchylicole. En prévention, les ostréiculteurs peuvent alors mettre les huîtres en bassin afin de préserver l’élevage.
Quels médicaments sont suivis ?
D.S. : Ce sont les antidiarrhéiques classiques : Imodium®, racécadotril, Smecta®… Ce sont des traitements d’urgence, utilisés en réponse à des symptômes aigus. Cela les rend pertinents comme indicateurs épidémiologiques.
À quelle fréquence les données sont-elles transmises ?
D.S. : En temps réel. Les indicateurs seront envoyés chaque jour, en neutralisant les faux positifs. Les éleveurs de Loire-Atlantique et Vendée recevront ces informations via une solution web, afin d’agir immédiatement si besoin.
Peut-on descendre à l’échelle de la commune ?
D.S. : Oui. L’objectif est d’être au plus près du quotidien de la filière : nos données permettent d’aller au-delà du simple découpage départemental, pour cibler les zones à risque.
Qui reçoit ces alertes ?
D.S. : Les données sont centralisées par le Comité national de la conchyliculture, en lien avec la préfecture et l’ARS. Les éleveurs concernés y ont accès directement.
Comment est née cette idée ?
D.S. : En 2023-2024, de fortes pluies ont entraîné le débordement des eaux usées et contaminé de nombreuses zones, avec des tonnes d’huîtres détruites. La filière disposait déjà de mesures réactives : analyses hebdomadaires de l’eau, mise en quarantaine et retrait des lots contaminés. Mais cela intervenait trop tard. Nous avons voulu un outil prédictif, en utilisant la pharmacie comme sentinelle : si les patients achètent des traitements contre la gastro, c’est que le virus circule déjà.
En quoi est-ce une démarche “One Health” ?
D.S. : “One Health” consiste à considérer ensemble la santé humaine, animale et environnementale. Ici, la donnée officinale devient un indicateur qui protège à la fois la population, l’écosystème et l’économie locale.
Prévoyez-vous d’étendre ce modèle ?
D.S. : Oui. Si l’expérimentation est concluante, nous l’étendrons à toute la filière, puis à d’autres secteurs où un indicateur avancé peut renforcer la prévention. C’est aussi une façon de valoriser le rôle des pharmacies comme acteurs de santé à part entière.
Quand connaîtra-t-on les résultats ?
D.S. : Le déploiement est prévu mi-novembre 2025, avec un bilan au deuxième trimestre 2026. Nous aurons alors le recul nécessaire pour envisager une généralisation.