Dermatologie : l'expertise officinale au service des patients
La peau n'est décidément pas un organe comme les autres. Visible, réactive, parfois douloureuse ou source d'inconfort, elle est au cœur de notre quotidien officinal. Chaque jour, nous devons savoir décrypter précisément des tableaux cliniques variés : apaiser une acné inflammatoire, calmer une poussée d'eczéma, initier un traitement antifongique ou rassurer un patient désemparé par ses rougeurs. De la verrue plantaire bénigne à une poussée débutante de psoriasis, chaque cas exige réflexes cliniques, conseil actualisé et discernement rigoureux. Ce Grand Angle vous propose un éclairage pratique et scientifique des sept pathologies cutanées les plus fréquentes au comptoir, enrichie de l'expertise du Dr Marie Masson-Regnault, dermatologue. L'objectif est clair : conforter notre rôle incontournable de référents dermato de proximité.

- 1. Acné : repérer, accompagner, rassurer
- a.Typologie des lésions
- b.Quels conseils ?
- c.Nettoyage cutané
- d.Hydratation
- e.Photoprotection
- f.Précautions supplémentaires
- 2. Le conseil gagnant : proposer une routine « nettoyant + hydratant + solaire » pour optimiser l'observance.
- a.Traitements disponibles sans prescription
- b.Signes d'alerte
- 3. Eczéma : différencier dermatite atopique et de contact
- a.Questions clés pour orienter le conseil
- 4. L'anamnèse détaillée est primordiale : elle conditionne la pertinence du conseil délivré et évite les erreurs de prise en charge.
- a.Mesures d'hygiène : pierre angulaire du traitement non médicamenteux
- b.Et les dermo-corticoïdes ?
- 5. Psoriasis : accompagner sans banaliser
- a.Reconnaître une plaque psoriasique
- b.Émollients et kératolytiques : des adjuvants essentiels
- c.Les limites du conseil
- 6. Mycoses cutanées
- a.Identifier les mycoses superficielles
- b.Personnaliser le conseil
- c.Modalités de traitement à rappeler
- d.Prise en charge des onychomycoses débutantes
- e.Quand orienter ?
- 7. Urticaire : distinguer urgence et banalité
- a.L'urticaire : une question de forme et de temps
- b.Automédication possible ?
- c.Quand refuser l'automédication ?
- 8. Ne pas confondre urticaire et dermatose
- 9. Rosacée : éduquer sans irriter
- a.Reconnue trop tard, trop souvent
- b.Que conseiller ?
- 1)Nettoyage
- c.Hydratation et apaisement
- d.Photoprotection
- 10. Le conseil doit être personnalisé, sans multiplier les produits : le moindre excès ou ingrédient irritant peut provoquer une poussée.
- a.Ce qu'il faut expliquer au patient
- b.Quand orienter ?
- 11. Dermite séborrhéique : repérer, apaiser, expliquer
- a.Repérer les formes cutanées et cuir chevelu
- b.Forme cutanée
- c.Cuir chevelu
- 12. Nous devons expliquer que la DS n'est ni allergique, ni contagieuse, mais chronique.
- a.Quand orienter vers une consultation ?
Acné : repérer, accompagner, rassurer
Typologie des lésions
L’acné est une pathologie inflammatoire chronique du follicule pilo-sébacé, dont la bonne compréhension est essentielle pour un conseil officinal pertinent. Reconnaître la nature des lésions permet d’orienter efficacement la prise en charge.
Les comédons fermés (« points blancs ») correspondent à une obstruction du canal folliculaire sans signe inflammatoire visible, tandis que les comédons ouverts (« points noirs ») résultent d’une accumulation sébacée exposée à l’air, responsable de son oxydation. Lorsque l’inflammation s’installe, elle se manifeste sous forme de papules – lésions rouges, fermes, légèrement surélevées – ou de pustules, contenant du pus.
La survenue de nodules ou de kystes, profonds, volumineux et douloureux, témoigne d’une acné sévère, nécessitant une orientation vers un dermatologue.
À l’officine, une évaluation visuelle attentive, combinée à quelques questions ciblées, permet de distinguer une acné rétentionnelle (prédominance de comédons) d’une acné inflammatoire (lésions érythémateuses, douloureuses). Il est également important d’interroger sur la localisation des lésions (visage, dos, thorax) et leur ancienneté, afin d’affiner le degré de sévérité et de mieux guider le conseil.
Quels conseils ?
L’éducation du patient sur les soins quotidiens est essentielle pour optimiser l’efficacité des traitements anti-acnéiques :
Nettoyage cutané
Il est recommandé d’utiliser un syndet ou un gel nettoyant non comédogène, respectant le pH cutané, une à deux fois par jour. Cette approche permet d’éliminer l’excès de sébum et les impuretés sans altérer la barrière cutanée. Par exemple, des produits tels que Effaclar Gel Moussant Purifiant de La Roche-Posay ou Sébium Gel Moussant de Bioderma sont adaptés à cet usage.
Hydratation
Même les peaux grasses ou acnéiques nécessitent une hydratation appropriée. L’application quotidienne d’une crème hydratante non comédogène aide à restaurer le film hydrolipidique et à améliorer la tolérance aux traitements topiques. Des formulations telles que Sebium Mat Control de Bioderma ou Keracnyl Matifiant de Ducray offrent une hydratation adaptée tout en régulant la production de sébum.
Photoprotection
En cas d’utilisation de traitements photosensibilisants ou d’exposition solaire, une photoprotection est indispensable. Il est conseillé d’appliquer quotidiennement une protection solaire à large spectre, non comédogène, tel que Cleanance Solaire SPF 50+ de Avène. Cette mesure prévient notamment l’hyperpigmentation.
Précautions supplémentaires
Il convient de déconseiller l’utilisation de produits contenant de l’alcool ou des antiseptiques, car ils peuvent être irritants et sensibilisants. De même, l’utilisation excessive de gommages mécaniques peut aggraver l’inflammation et altérer la barrière cutanée.
Le conseil gagnant : proposer une routine « nettoyant + hydratant + solaire » pour optimiser l’observance.
Traitements disponibles sans prescription
Le peroxyde de benzoyle reste l’agent de référence, disponible à 5 % dans Curaspot Aqua Gel de Galderma. Ses propriétés antibactériennes et kératolytiques réduisent l’inflammation et la charge bactérienne.
L’acide salicylique, kératolytique, favorise la désobstruction des pores et prévient la formation des comédons. Il est présent dans des produits tels que Keracnyl Matifiant de Ducray.
Certains soins enrichis en zinc, comme Sébium Mat Control de Bioderma, offrent une action séborégulatrice et en limitant la brillance cutanée.
Les soins kératolytiques doivent être introduits progressivement pour limiter les risques d’irritation. Il est également indispensable d’associer ces soins à une hydratation adaptée.
Comme le précise la dermatologue Dr Marie Masson-Regnault : « Pour les acnés légères, le pharmacien peut proposer des cosmétiques adaptés : gel moussant et crème traitante. » En revanche, « pour les acnés modérées à sévères, les dermocosmétiques ne seront pas suffisants. Un avis médical est nécessaire, mais certains traitements asséchants comme les rétinoïdes topiques, le peroxyde de benzoyle ou les rétinoïdes oraux seront volontiers associés à des cosmétiques hydratants adaptés à l’acné. »
Signes d’alerte
Certains signes doivent immédiatement faire renoncer à l’automédication et motiver une consultation médicale, comme la présence de nodules profonds ou de kystes douloureux, une atteinte psychologique ou une atteinte étendue.
« Les acnés modérées à sévères sont définies par une atteinte de plus de la moitié du visage, avec parfois des nodules », explique le Dr Masson-Regnault. Elle rappelle également que « les patients présentent souvent une hyperséborrhée, des comédons, des papules inflammatoires ou des pustules, localisés sur le front, les joues et parfois le dos. »
Il est également important de penser aux effets secondaires médicamenteux (ex : acné cortisonée) et d’orienter sans tarder.
Pour l’orientation médicale, la spécialiste précise : « Le médecin traitant peut tout à fait prendre en charge une acné légère en échec de cosmétiques ou une acné modérée. » Il disposera alors de « traitements locaux (peroxyde de benzoyle, rétinoïdes), plus ou moins associés à une cure de doxycycline, per os, sur 3 à 4 mois. » Mais, « le dermatologue sera surtout indispensable en cas d’échec de ces traitements, pour discuter de la place de l’isotrétinoïne ou en cas d’acné nodulaire sévère ou très sévère. »
Eczéma : différencier dermatite atopique et de contact
Le cercle vicieux de l’eczéma
D’après « La dermatite atopique, les symptômes ». LILLY DERMATOLOGIE.
Questions clés pour orienter le conseil
Face à un patient présentant des lésions érythémateuses prurigineuses, il est fondamental d’orienter rapidement l’interrogatoire afin de différencier eczéma atopique et eczéma de contact. Le Dr Marie Masson-Regnault rappelle : « L’eczéma atopique est l’eczéma classique, non allergique. Il va typiquement être localisé dans des zones dites classiques : plis des coudes, des genoux, zones rétro-auriculaires… Il se présente comme des plaques rouges, suintantes, croûteuses, prurigineuses, avec souvent des bordures émiettées. »
À l’inverse, « l’eczéma de contact va être suspecté devant une localisation particulière, comme les pourtours d’une plaie nettoyée par des antiseptiques, ou une zone couverte par des pansements, mais également les mains, les pieds, les paupières, les lobes d’oreilles, le décolleté ou encore les branches de lunettes. Ces formes sont plus résistantes aux dermocorticoïdes et rythmées par le contact avec l’allergène. »
Les questions essentielles à poser sont :
- « Existe-t-il un terrain atopique personnel ou familial ? »
- « Depuis combien de temps les lésions sont-elles apparues ? »
- « Quelle est la localisation initiale des lésions ? »
- « Avez-vous été exposé récemment à de nouveaux allergènes ou irritants ? »
- « Y a-t-il une évolution vers une chronicité ou une récidive rapide après arrêt de l’exposition suspectée ? »
L’anamnèse détaillée est primordiale : elle conditionne la pertinence du conseil délivré et évite les erreurs de prise en charge.
Mesures d’hygiène : pierre angulaire du traitement non médicamenteux
Dans la dermatite atopique, la restauration de la fonction barrière cutanée est une priorité. Le nettoyage doit être réalisé à l’aide de syndets ou de pains surgras formulés sans savon, pour éviter la xérose et les irritations. « Il faut conseiller une toilette avec un pain ou une huile lavante sans savon et sans parfum. Plusieurs marques proposent des produits de ce type », précise le Dr Masson-Regnault. Elle insiste également sur l’importance de l’hydratation : « Hors des poussées, on préconise l’application de crèmes ou baumes émollients adaptés aux peaux atopiques. » En revanche, « évitez les émollients sur les plaques, qui sont généralement mal tolérés, ainsi que les applications d’huiles essentielles allergisantes. »
Et les dermo-corticoïdes ?
L’automédication par dermocorticoïdes est à proscrire, car leur utilisation expose à des effets indésirables et peut masquer des diagnostics différentiels. « L’hydrocortisone et les antihistaminiques H1 n’apportent pas de bénéfice au patient », précise la spécialiste avant de rajouter : « En cas de doute diagnostique, de surface atteinte >10 %, d’extension rapide, ou de signes de surinfection comme des croûtes jaunâtres ou des vésicules, il faut consulter un médecin. »
Psoriasis : accompagner sans banaliser
Psoriasis
Reconnaître une plaque psoriasique
Nous devons savoir reconnaître une plaque typique de psoriasis. La lésion élémentaire est une plaque érythémato-squameuse bien circonscrite, de taille variable, au fond érythémateux vif, recouvert de squames blanches nacrées superficielles. « Le psoriasis se présente généralement sous forme de plaques érythémateuses et squameuses, le plus souvent situées sur les zones dites bastions : coudes, genoux, lombes, plis interfessiers, cuir chevelu. Il peut parfois être prurigineux », confirme le Dr Marie Masson-Regnault. Restons vigilants devant toute atteinte atypique : psoriasis des plis, psoriasis unguéal, atteinte du visage ou du siège, qui imposent une prise en charge dermatologique.
Émollients et kératolytiques : des adjuvants essentiels
En dehors des poussées, l’application quotidienne d’un émollient adapté reste indispensable. Elle permet de compenser la sécheresse de la peau, de restaurer le film hydrolipidique, de freiner le renouvellement épidermique et d’apaiser le prurit. Ces soins sont également utiles pour limiter l’irritation provoquée par certains traitements topiques.
« Comme pour l’eczéma, il faut rappeler que la base de la maladie est souvent liée à un problème de barrière cutanée. Il faut donc restaurer cette barrière au maximum, en utilisant un pain ou une huile lavante sans savon pour la toilette, et des émollients », recommande le Dr Masson-Regnault.
En cas d’hyperkératose, l’ajout d’un kératolytique doux favorise l’élimination des squames épaisses et optimise la pénétration des traitements locaux. « On peut parfois utiliser des agents kératolytiques, mais attention à l’effet Koebner, c’est-à-dire l’activation de la maladie sur les zones irritées », avertit-elle. Exemples de spécialités que l’on peut conseiller :
- Kertyol PSO Concentré de Ducray : polidocanol (antiprurigineux) et acide glycolique (kératolytique),
- Xerial PSO de SVR : urée 5 % et acide lactique pour une kératoréduction douce et une hydratation,
- Xémose PSO Concentré Apaisant de Uriage : LFA3+ (anti-inflammatoire) et beurre de karité pour agir sur l’inflammation de fond et restaurer la fonction barrière.
Avant tout kératolytique, vérifier l’absence de fissures profondes et privilégier une introduction progressive pour éviter l’irritation des zones sensibilisées. Le rôle officinal inclut aussi un accompagnement pratique. « Pensez à bien réexpliquer comment utiliser le clobétasol en shampoing : à appliquer sur cuir chevelu sec, 15 minutes, avant de rincer », conseille la dermatologue.
Les limites du conseil
Certaines formes cliniques de psoriasis dépassent le cadre officinal et nécessitent une orientation médicale urgente :
- Psoriasis érythrodermique : érythrodermie diffuse touchant plus de 90 % de la surface corporelle, accompagnée de desquamations abondantes, fièvre, frissons et altération de l’état général.
- Psoriasis pustuleux généralisé : apparition de pustules stériles sur fond érythémateux, associées à une fièvre élevée et des douleurs diffuses.
- Arthropathie psoriasique : douleurs articulaires inflammatoires, en particulier au niveau des doigts, des poignets ou des genoux, parfois avec dactylite.
Un retard diagnostique ou thérapeutique peut entraîner des séquelles articulaires irréversibles. Le pharmacien doit aussi rappeler qu’ « il existe aujourd’hui des traitements oraux ou injectables disponibles, dont les patients peuvent discuter avec leur médecin », conclut le Dr Masson-Regnault.
Mycoses cutanées
Identifier les mycoses superficielles
Toute lésion érythémateuse, prurigineuse, desquamative ou suintante d’évolution chronique impose d’évoquer une étiologie fongique. Les teignes du cuir chevelu touchent préférentiellement les enfants et se présentent par des zones d’alopécie partielle ou totale, souvent squameuses, parfois inflammatoires avec formation d’un kérion. Les intertrigos candidosiques, localisés aux plis (sous-mammaires, inguinaux, …), se traduisent par un érythème vif, suintant, à bord festonné avec satellites pustuleux. Le pied d’athlète est caractérisé par des fissures, une macération, un prurit intense, souvent entre le 4ᵉ et le 5ᵉ orteil. Les onychomycoses manifestent une décoloration jaunâtre, un épaississement et un décollement distal de l’ongle. Le Dr Marie Masson-Regnault rappelle que « toute suspicion de teigne, de dermatophytie de la barbe, ou une atteinte unguéale proximale ou de plusieurs ongles doit faire l’objet d’un prélèvement local pour examen mycologique, car ces formes peuvent nécessiter un traitement antifongique oral. »
Personnaliser le conseil
En automédication, la prise en charge des mycoses cutanées repose sur un arsenal ciblé, limité aux antifongiques disponibles sans ordonnance, et adapté à la localisation des lésions :
- L’éconazole reste une référence pour traiter efficacement les dermatophyties. Son spectre large et ses différentes galéniques permettent de couvrir la majorité des situations.
- Le ciclopirox olamine constitue une alternative en cas d’intolérance aux imidazolés.
- La terbinafine est indiquée principalement pour le pied d’athlète.
La dermatologue souligne l’importance du choix galénique : « On conseille de ne pas utiliser d’antifongique en poudre, à réserver à la prévention dans les chaussures ou les plis. La forme crème est à privilégier pour les pieds, les plis et le tronc, appliquée une à deux fois par jour pendant 2 à 4 semaines selon la molécule. »
Modalités de traitement à rappeler
Nous devons insister sur plusieurs règles de bonne pratique :
- Appliquer la crème sur toute la lésion et au moins 1 à 2 cm au-delà de la peau visible atteinte,
- Poursuivre 1 à 2 semaines après la disparition des signes cliniques,
- Sécher parfaitement les espaces inter-orteils et tous les plis cutanés après la toilette,
- Utiliser un linge de toilette personnel, changé chaque jour.
La durée minimale du traitement topique est de 2 à 4 semaines, parfois davantage pour les zones épaisses ou kératosiques. « Toute automédication doit être réévaluée à 15 jours : en l’absence d’amélioration, il faut reconsidérer le diagnostic », précise le Dr Masson-Regnault. Elle insiste également sur l’importance de la prévention des récidives : « Il faut éviter toute macération, bien sécher entre les orteils, laver les chaussettes et les tapis de bain à 60 °C, mettre de la poudre antifongique dans les chaussures et les laisser sécher entre deux utilisations. »
Prise en charge des onychomycoses débutantes
Lorsque l’atteinte unguéale est limitée, une prise en charge officinale peut être proposée.
Le traitement repose sur l’application hebdomadaire de vernis antifongique à base d’amorolfine 5 %, après limage et nettoyage de la surface unguéale. À poursuivre jusqu’à repousse complète, soit 6 à 12 mois selon la localisation. « Un traitement topique n’est adapté qu’en cas d’atteinte distale de l’ongle », rappelle la dermatologue.
« On débute alors par une destruction chimique de la tablette malade à l’urée (ex. Amycor Onychoset®), avant d’appliquer un vernis antifongique sur la tablette restante deux fois par semaine, et une crème antifongique sur le lit unguéal jusqu’à repousse complète. »
Sans ordonnance, certains dispositifs médicaux peuvent être proposés pour des formes superficielles :
- Excillor® : solution acidifiante du lit unguéal, à base d’acide acétique et lactate.
- Urgo Filmogel® Ongles abîmés : à base d’urée 10 %, sans action antifongique, mais utile pour améliorer l’aspect esthétique.
Quand orienter ?
L’orientation médicale est requise dans les cas suivants :
- Échec du traitement topique correctement suivi au-delà de 14 jours,
- Suspicion de kérion (inflammation marquée, suppuration),
- Atteinte de plusieurs ongles, atteinte proximale de l’ongle (matrice touchée),
- État général altéré ou pathologie sous-jacente favorisant une infection sévère (diabète non contrôlé, immunodépression).
Urticaire : distinguer urgence et banalité
L’urticaire : une question de forme et de temps
La lésion élémentaire de l’urticaire est la papule œdémateuse, prurigineuse, fugace (disparaît en < 24 h), bien limitée, parfois confluente. Elle peut s’accompagner de sensations de brûlure, rarement de douleur. Deux critères permettent de s’orienter dès l’interrogatoire :
- Durée d’évolution : aiguë (< 6 semaines) ou chronique (> 6 semaines).
- Contexte de survenue : prise médicamenteuse récente, stress, effort physique, infection virale récente, allergène suspect, friction, froid ou chaleur.
À l’officine, toute urticaire aiguë, localisée, non récidivante, sans signes généraux relève d’un conseil officinal adapté. À l’inverse, toute manifestation généralisée, récidivante ou associée à un angio-œdème doit alerter.
Automédication possible ?
Dans les cas d’urticaire aiguë limitée, chez un adulte sans antécédent allergique sévère, une prise en charge peut être envisagée à l’aide de différents H1. La réponse au traitement est attendue dans les 24 à 48 h. En l’absence d’amélioration après trois jours, ou en cas de récidive rapide à l’arrêt, l’orientation médicale s’impose.
Quand refuser l’automédication ?
Certaines situations imposent une orientation urgente :
- Angio-œdème (lèvres, paupières, langue, larynx) : urgence absolue, car risque d’obstruction des voies aériennes.
- Urticaire généralisée avec symptômes systémiques : dyspnée, malaise, fièvre, atteinte digestive… suspicion d’anaphylaxie.
- Urticaire post-médicamenteuse : nécessite une déclaration pharmacovigilance et une évaluation médicale.
- Urticaire chronique récidivante : évoquer une étiologie auto-immune, thyroïdienne ou infectieuse…
Ne pas confondre urticaire et dermatose
Il faut également savoir éliminer les diagnostics différentiels :
- Piqûres d’insectes : lésions plus persistantes, souvent centrées par un point rouge, non migratrices.
- Eczéma aigu : lésions vésiculeuses, suintantes, prurigineuses, mais fixes, avec un contexte évocateur.
- Toxidermies : lésions fixes, parfois purpuriques ou bulleuses, souvent médicamenteuses, qui imposent un arrêt immédiat du traitement en cause et une consultation urgente.
Rosacée : éduquer sans irriter
Rosacée
Reconnue trop tard, trop souvent
La rosacée est une dermatose inflammatoire chronique, souvent confondue avec une acné ou une dermite séborrhéique. Son expression typique associe érythème centro-facial, flushs répétés, télangiectasies, et parfois papulo-pustules sans comédons. « En théorie, la rosacée se présente sans comédons et avec un aspect de télangiectasies des joues, associés à des papules et pustules », précise le Dr Marie Masson-Regnault.
À l’inverse, « une dermite séborrhéique va plutôt se manifester par des fines squames sur fond érythémateux, au niveau de la glabelle et des sillons nasogéniens, avec souvent des squames au cuir chevelu ou à sa lisière, et un prurit associé. »
La rosacée évolue par poussées, favorisées par certains facteurs déclenchants (chaleur, UV, alcool, stress…). Il est essentiel, au comptoir, de savoir reconnaître les formes typiques, mais également de repérer les signaux d’alerte, comme :
- Forme oculaire (yeux rouges, sensation de sable, sécheresse),
- Forme hypertrophique (rhinophyma débutant, surtout chez l’homme),
- Douleurs, œdème persistant, aggravation rapide.
Que conseiller ?
Nettoyage
Préférer un nettoyant ultra-doux, sans savon ni tensioactifs agressifs, adapté aux peaux réactives ou à tendance couperosique. Exemples : Sensibio H2O AR de Bioderma ou encore Toleriane Dermo-Nettoyant de La Roche-Posay.
Hydratation et apaisement
L’utilisation quotidienne d’une crème hydratante non comédogène, sans parfum, enrichie en actifs anti-rougeurs (ex. : ruscus, ambophénol, enoxolone…) est un axe prioritaire. Exemples : Rosaliac AR Intense de La Roche-Posay ou encore Créaline AR de Bioderma.
Photoprotection
Les photodermatoses sont fréquentes dans la rosacée, ainsi un SPF quotidien est important, même en hiver.
Le conseil doit être personnalisé, sans multiplier les produits : le moindre excès ou ingrédient irritant peut provoquer une poussée.
Ce qu’il faut expliquer au patient
Informer, rassurer, responsabiliser : tel est le triptyque du conseil officinal dans la rosacée.
Le message clé : « Il ne s’agit pas d’une acné ni d’une allergie, mais d’une maladie inflammatoire chronique qui se contrôle, mais ne guérit pas complètement. »
Autres messages essentiels à dire :
- La régularité des soins est plus efficace que leur puissance,
- Éviter les produits abrasifs, huiles essentielles, alcool, cosmétiques couvrants mal tolérés,
- Identifier ses propres facteurs déclenchants (café, vin, chaleur, sport intense, stress) en les notant.
Quand orienter ?
On doit systématiquement orienter vers un dermatologue :
- En cas de rosacée oculaire ou de douleurs persistantes,
- Si le patient rapporte un échec des soins cosmétiques bien conduits,
- En présence de papules douloureuses, pustules inflammatoires, ou de signes d’aggravation rapide.
« Lorsque les patients se plaignent de flushes altérant leur qualité de vie, une consultation peut permettre une prescription de bêtabloquants. Les formes érythémateuses-télangiectasiques relèvent parfois du laser vasculaire, bien que non remboursé. Pour les formes papulo-pustuleuses, une prescription de tétracyclines par un médecin est souvent nécessaire », conclut la spécialiste.
Dermite séborrhéique : repérer, apaiser, expliquer
Repérer les formes cutanées et cuir chevelu
La DS est une dermatose inflammatoire chronique, liée à la prolifération excessive de Malassezia spp., sur un terrain séborrhéique. Elle touche 1 à 3 % de la population générale, avec deux pics : jeunes adultes et sujets âgés. On distingue deux formes principales, souvent associées :
- Forme cutanée : plaques érythémateuses squameuses siégeant dans les zones riches en glandes sébacées,
- Forme cuir chevelu : pellicules grasses, prurigineuses, diffuses, associées ou non à un érythème périphérique.
Aussi, la DS évolue par poussées et rémissions, favorisées par le stress, la fatigue, les variations hormonales ou climatiques.
Forme cutanée
La DS du visage repose sur un double axe : traitement antifongique ciblé lors des poussées et soin cosmétique adapté pour prévenir les récidives et apaiser les inflammations diffuses. Le traitement de référence est le ciclopirox olamine, en crème, à appliquer 1 à 2 fois par jour en cure de 2 à 4 semaines. En parallèle, certains produits peuvent être recommandés en complément ou en entretien comme Kelual DS Crème de Ducray. L’utilisation d’un nettoyant ultra-doux sans savon est indispensable.
Cuir chevelu
Les shampooings traitants sont la clé, à l’image de Kelual DS de Ducray ou du ciclopirox, en shampoing, en application 2 à 3 fois/semaine en cure (3-4 semaines), puis une fois/semaine en entretien. Il est recommandé d’associer un shampooing doux pour les lavages intermédiaires.
Nous devons expliquer que la DS n’est ni allergique, ni contagieuse, mais chronique.
Quand orienter vers une consultation ?
Certaines situations doivent alerter comme des lésions fissurées, suintantes ou surinfectées, une extension au visage complète ou aux paupières, ou encore une absence d’amélioration malgré un traitement bien conduit pendant trois semaines.