Puis-je me soustraire à mon obligation d’assurer les services de garde et d’urgence ?

Assurer une permanence pharmaceutique en dehors des jours et horaires habituels est une obligation légale et déontologique pour les officines. Cette obligation d’ouverture est strictement appliquée et les manquements, qu’ils soient volontaires ou non, sont susceptibles de conduire à des sanctions disciplinaires.

Mathieu Da Silva, Avocat au Barreau de Paris / www.dasilva-avocat.com, publié le 30 mai 2025

Puis-je me soustraire à mon obligation d’assurer les services de garde et d’urgence ?

L’organisation concertée des services obligatoires de garde et d’urgence

L’article L. 5125-17 du Code de la santé publique (le « CSP ») impose à toutes les officines, sauf exceptions limitées, de participer aux services de garde et d’urgence afin de garantir la continuité des soins en dehors des jours et heures d’ouverture généralement pratiqués :

« Un service de garde est organisé pour répondre aux besoins du public en dehors des jours d’ouverture généralement pratiqués par les officines dans une zone déterminée.

Un service d’urgence est organisé pour répondre aux demandes urgentes en dehors des heures d’ouverture généralement pratiquées par ces officines.

Toutes les officines de la zone, […], sont tenues de participer à ces services ».

Il s’agit également d’une obligation déontologique pour tous les pharmaciens aux termes de l’article R. 4235-49 du CSP, dont la méconnaissance est susceptible de conduire à une sanction disciplinaire :

« Les pharmaciens sont tenus de participer aux services de garde et d’urgence prévus à l’article L. 5125-17 ou organisés par les autorités compétentes pour les soins aux personnes hospitalisées ».

Ces services de garde et d’urgence sont organisés par les organisations représentatives de la profession dans chaque département.

En cas de désaccord, il revient au directeur général de l’ARS de régler ces services.

Ce dernier peut également, avec l’avis du représentant régional désigné par le syndicat représentatif, exonérer certaines zones de cette obligation, en fonction des circonstances et particularités locales qui rendent impraticable ou non nécessaire la participation de l’ensemble des officines aux services.

En outre, l’information sur l’organisation des services de garde et d’urgence devra être affichée dans l’officine. Là encore, le manquement pourra être sanctionné disciplinairement au titre des articles R. 4235-8 et R. 4235-49 du CSP.

L’obligation de respecter un tour de garde

Lorsque vient le tour de l’officine, le service de garde ou d’urgence doit être intégralement assuré par un pharmacien qu’il soit titulaire, adjoint ou remplaçant.

En cas de désaccord du pharmacien sur l’organisation des services mise en place, il ne pourra pas refuser son tour de garde.

Le pharmacien s’expose à une sanction disciplinaire s’il ne respecte pas son obligation, par exemple une interdiction d’exercer pour une durée de deux mois, peu important que le professionnel de santé ait formuler des critiques contre l’organisation retenue.

Le pharmacien qui critiquerait cette organisation devra saisir officiellement le directeur de l’ARS et respecter, dans le même temps, l’organisation mise en place ou ouvrir son officine sur l’intégralité des services de garde ou d’urgence considérés.

Cette obligation s’impose même si une autre officine non inscrite au tableau des services de garde et d’urgence était habituellement ouverte sur ces mêmes périodes.

Ce n’est que dans des cas très limités et strictement appréciés qu’un pharmacien pourra être exonéré de son obligation.

Des sanctions disciplinaires graduées

Le non-respect d’un tour de garde expose le pharmacien à des sanctions disciplinaires.

Le niveau de la sanction sera fixé en fonction des circonstances de chaque cas :

  • un avertissement en cas de défaut de réponse au téléphone par un pharmacien pendant son service de garde ou d’urgence, le commissariat ayant été contraint de rediriger un patient vers une autre pharmacie de garde,
  • une interdiction d’exercer pendant une semaine en cas de non-respect d’une garde, peu important que trois pharmacies aient été volontairement ouvertes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 dans la même agglomération,
  • une interdiction temporaire d’exercer pendant 15 jours s’agissant d’un pharmacien qui n’a pas pu être joint par un patient recherchant des produits antibiotiques prescrits pour un enfant le jour même par un médecin,
  • un blâme voire une interdiction d’exercer de quatre semaines dont trois avec sursis, s’agissant d’un pharmacien ayant quitté l’officine pendant la période de garde.

Les circonstances personnelles ne suffisent généralement pas à justifier une absence ou une indisponibilité, bien qu’elles puissent conduire à une atténuation de la sanction.

Ont ainsi été écartées les arguments opposés par des pharmaciens pour justifier l’absence de respect de leur service de garde tenant à :

  • un épuisement professionnel, même lié à la crise de la COVID-19,
  • un problème technique de renvoi d’appel,
  • ou encore des difficultés de recrutement.

Ouvrir sur une période de garde ou d’urgence sans être désigné : une faculté rendue obligatoire

Un pharmacien peut décider d’ouvrir son officine pendant un service de garde ou d’urgence, sans être tenu d’en informer les officines de garde.

Attention toutefois, le pharmacien qui ouvrirait son officine sans que son tour de garde ne soit venu, devra maintenir l’officine ouverte pendant toute la période du service de garde ou d’urgence.

A défaut, il encourt une sanction disciplinaire :

  • une interdiction d’exercer pendant quatre semaines dont trois avec sursis s’agissant d’horaires d’ouverture empiétant sur des services de garde et d’urgence, sans que l’officine n’ait assuré les services pendant toute leur durée. Il importait ici peu que cette situation soit survenue en raison du départ d’un pharmacien adjoint et de problèmes de recrutement,
  • une interdiction d’exercer pendant deux mois assortie d’un sursis, en cas d’empiètement sur les horaires des services de garde et d’urgence, sans maintenir l’officine ouverte sur l’intégralité de ces services. Il importait peu ici qu’un désaccord ait été exprimé sur l’organisation des services.

Attention toutefois, cette possibilité, en principe à l’appréciation du pharmacien, ne peut pas être mobilisée dans certains cas, par exemple lorsqu’un arrêté préfectoral interdit l’ouverture des officines le dimanche (hors services de garde et d’urgence évidemment).