Matières premières : l'ombre d'une pénurie

De nombreuses organisations représentatives sont de plus en plus préoccupées par les tensions et les pénuries en matériaux et réactifs nécessaires aux activités de production pharmaceutique.

, publié le 02 juin 2022

Matières premières : l’ombre d’une pénurie

Les effets conjugués des crises sanitaire, économique et géopolitique impactent fortement la production de médicaments et de DM. L’inquiétude grandit chez les professionnels de santé, au premier rang desquels les pharmaciens hospitaliers qui s’alarment de l’indisponibilité progressive de matériaux de base, réactifs et autres composants entrant dans la fabrication des médicaments et des DM.

Les producteurs tirent également la sonnette d’alarme et dénoncent l’attitude des principaux fournisseurs de matières premières qui considèrent les industries pharmaceutiques et de DM comme des marchés trop petits pour être considérés comme prioritaires par rapport aux autres industries consommatrices des mêmes matériaux.

 

Approvisionnements menacés

L’Académie nationale de Pharmacie dresse la liste des matériaux concernés et des conséquences de leur rareté grandissante.

La pénurie d’acier pourrait impacter l’approvisionnement en aiguilles nécessaires à l’injection des médicaments (seringues – stylos injecteurs de médicaments) ainsi que le renouvellement du matériel de production (cuve ou mélangeurs en acier) au risque de menacer la maintenance et/ou la capacité industrielle de certains opérateurs.

La pénurie d’aluminium menace l’approvisionnement des médicaments administrés par voie orale majoritairement conditionnés en blister renforcé d’aluminium (PVC ou PVDC/Alu), voire en blister tout aluminium (Alu/Alu).

La pénurie de verre présente déjà un risque pour l’approvisionnement en ampoules et flacons pour administration par voie injectable et la disponibilité de nombreux équipements nécessaires à la production/purification d’anticorps monoclonaux essentiels. Les retards prévus d’approvisionnement (plus d’un an, voire deux) ne manqueront pas de se faire sentir dans les tout prochains mois sur la disponibilité des médicaments biologiques concernés.

Les matériaux d’emballage sont en tension du fait de l’augmentation des besoins en emballage carton due à l’explosion générale des ventes en ligne des biens de consommation et du remplacement écologique des matériaux plastiques par la cellulose, avec des impacts pour les producteurs pharmaceutiques et de DM.

À cela s’ajoute une très forte hausse des coûts de production d’énergie qui rend difficile, pour certains médicaments, la poursuite de leur production et de leur commercialisation. Des entreprises envisagent déjà l’arrêt de la fabrication et de la commercialisation de certaines de leurs spécialités. Ceci a pour conséquence une absence de garantie des délais de livraison à court et moyen termes.

L’infléchissement de la courbe des signalements de ruptures ou de tensions d’approvisionnement constaté en 2021 par l’ANSM et la diminution des ruptures d’approvisionnement en pharmacie risquent de ne pas durer. Il faut donc craindre une reprise de leur augmentation.

 

Recommandations de l’Académie

L’Académie nationale de Pharmacie observe qu’il n’existe aucune instance administrative susceptible de coordonner effectivement la surveillance, la gestion et la coordination relatives à la disponibilité ou la pénurie en matériaux indispensables à la production des médicaments et des DM. Elle recommande donc qu’aux côtés de l’ANSM, chargée de surveiller l’étape finale d’approvisionnement des médicaments et des DM et de veiller à la mise en place de mesures palliatives en cas de rupture d’approvisionnement, soit désignée une instance interministérielle. Celle-ci aurait un rôle de coordination entre les diverses administrations et les secteurs industriels concernés afin de mutualiser et d’optimiser tous les efforts nécessaires dans le but de maintenir un approvisionnement aussi fluide que possible en prévenant en amont les aléas et autres situations de crise.