Reflux gastro-œsophagien : que conseiller ?
En France, le reflux gastro-œsophagien (RGO) touche environ 20 % de la population, révélant un défi majeur pour la santé publique. Entre symptômes digestifs gênants et impacts extradigestifs variés, le RGO compromet la qualité de vie et requiert une prise en charge spécifique qui combine des ajustements de mode de vie et une pharmacothérapie ciblée pour soulager les symptômes et prévenir les complications.
Le RGO en bref
Symptômes digestifs
Le RGO se manifeste par un ensemble de symptômes caractéristiques, dont le pyrosis, une sensation de brûlure intense qui va de l’épigastre jusqu’à derrière le sternum, et des régurgitations gastriques où le contenu acide ou amer de l’estomac remonte vers le pharynx sans entraîner de nausées ou d’efforts vomitifs. Ces manifestations peuvent être accompagnées par des douleurs de brûlure localisées à l’épigastre. Ces symptômes s’intensifient souvent après les repas, particulièrement ceux riches en graisses, épicés ou contenant de l’alcool, ainsi que dans certaines positions du corps, comme la position allongée, exacerbant l’inconfort ressenti par les patients affectés.
Symptômes extradigestifs
Le RGO est souvent impliqué dans divers symptômes au-delà du système digestif. Les manifestations respiratoires incluent principalement une toux persistante et des crises ressemblant à de l’asthme, souvent la nuit. Du côté ORL, les symptômes englobent des douleurs pharyngées chroniques, des dysphonies dues à une inflammation du pharynx et des cordes vocales et des laryngites. Les douleurs thoraciques font également partie des symptômes. Enfin, le RGO peut perturber le sommeil, causant des réveils fréquents la nuit.
Quels facteurs de risque ?
Les facteurs de risque associés au développement du RGO sont multiples et variés, avec des éléments liés au mode de vie, à l’alimentation et à certains traitements médicamenteux :
- L’excès de poids augmente le risque de RGO, en raison d’une pression accrue dans l’abdomen.
- Les aliments gras, les repas volumineux, la consommation de chocolat, de café, ainsi que l’alcool et le tabac sont reconnus pour leur capacité à déclencher ou aggraver les RGO.
- Certains médicaments peuvent contribuer à l’apparition ou à l’aggravation du RGO en relaxant le sphincter œsophagien inférieur, comme les inhibiteurs calciques, les dérivés nitrés et les anticholinergiques. Les AINS peuvent également exacerber un RGO existant.
- Les RGO sont fréquents durant le dernier trimestre de grossesse, touchant près d’une femme enceinte sur deux, en raison de l’élévation de la pression intra-abdominale et des effets de la progestérone qui relaxe le sphincter œsophagien inférieur.
- Enfin, la chirurgie bariatrique peut induire ou aggraver un RGO.
Quelles stratégies thérapeutiques ?
La prise en charge du RGO vise à atténuer les symptômes disruptifs, favoriser la guérison de l’œsophagite le cas échéant, et prévenir les rechutes. Les interventions incluent principalement des changements hygiéno-diététiques et une pharmacothérapie adaptée.
Prévention et mode de vie
La surélévation de la tête du lit et l’espacement des repas et du coucher se sont avérés efficaces. En parallèle, la perte de poids est recommandée chez les patients en surpoids pour diminuer la pression intra-abdominale. L’identification et la correction des habitudes pouvant exacerber le RGO (efforts physiques intenses, positions favorisant le reflux, consommation d’aliments gras ou épicés, et de boissons telles que le café ou l’alcool) sont conseillées.
À court terme
Pour des symptômes occasionnels, l’adoption de mesures comportementales et diététiques, complétées au besoin par des traitements à effet immédiat comme les alginates, les antiacides ou les antagonistes H2 à faible dose, peut suffire. En présence de symptômes plus fréquents (plus d’une fois par semaine), un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) à faible dose, exception faite de l’oméprazole qui est administré à dose complète, est suggéré pour une durée de 4 semaines.
À long terme
Pour un RGO sans œsophagite ou avec une œsophagite non sévère et des récidives espacées, un traitement intermittent ou à la demande par IPP est indiqué. Face à des récidives précoces et fréquentes, une thérapie continue avec la dose minimale efficace d’IPP est recommandée. En situation d’œsophagite sévère et de symptômes récurrents, un traitement prolongé par IPP à la dose minimale efficace devient nécessaire. En cas d’échec du traitement médicamenteux, un geste chirurgical peut se discuter : la fundoplicature ou Nissen.
Quelle place ont les IPP dans le RGO ?
La HAS recommande que l’utilisation des IPP pour le RGO soit limitée à quatre semaines en cas de pyrosis et brûlures gastriques postprandiales. Pour une première approche du RGO sans œsophagite, la posologie suggérée est une demi-dose d’ésoméprazole, lansoprazole, pantoprazole ou rabéprazole, et une dose complète pour l’oméprazole.
La HAS souligne l’absence de preuves cliniques soutenant l’efficacité des IPP dans le traitement du pyrosis fonctionnel et des symptômes extradigestifs isolés (troubles ORL, toux chronique, asthme, douleurs thoraciques non cardiaques), déconseillant leur prescription dans ces situations.
Pour les nourrissons de plus d’un mois avec RGO persistant et complications, les IPP ne devraient être envisagés qu’après consultation spécialisée, conformément aux préconisations de la HAS.
IPP, vitamines et minéraux
Les IPP peuvent perturber l’absorption de vitamines et minéraux importants : vitamine B12, calcium, fer et magnésium. Cette altération peut augmenter le risque d’anémie par carence en B12, et réduire l’absorption du calcium et du magnésium, liés à un risque accru d’ostéoporose et de fractures de 25 % chez les utilisateurs à long terme. Une surveillance nutritionnelle et une supplémentation peuvent être nécessaires pour les patients sous IPP prolongés.