« J'ai les jambes lourdes » : que conseiller en officine ?

Avec près de huit millions de personnes touchées en France, représentant plus de 30 % de la population, l'insuffisance veineuse chronique constitue un enjeu majeur de santé publique. Cette affection est marquée par une prépondérance chez les femmes, où une sur deux est concernée, contre un homme sur dix, une différence attribuable en partie aux récepteurs d'œstrogènes dans le système veineux. Devant cette réalité épidémiologique, la prise de mesures exacte des dispositifs de compression veineuse est fondamentale pour un traitement adéquat.

Thomas Kassab, DU d'orthopédie et petit appareillage, publié le 23 mai 2024

« J’ai les jambes lourdes » : que conseiller en officine ?

Parle-t-on de « compression » ou de « contention » veineuse ?

En phlébologie, le concept de contention fait référence à l’application de matériaux peu ou pas élastiques qui fournissent une résistance passive, optimale durant les périodes d’activité, créant une pression dite de « travail ». Cette résistance passive est réduite au repos, transformant la pression en une « pression de repos », ce qui justifie l’utilisation des dispositifs de contention, comme les bandes à élasticité limitée, uniquement pendant la journée. À l’opposé, la compression phlébologique est assurée par des matériaux hautement élastiques qui exercent une pression constante et adaptative, essentielle à la gestion des affections veineuses, que le muscle soit en action ou non. Cette caractéristique permet aux bas de compression, dotés de bandes à allongement long, d’accompagner le patient en fournissant une aide thérapeutique continue indispensable à la circulation veineuse et au traitement des maladies veineuses.

L’importance du tricotage

Un dispositif de compression orthopédique est confectionné via un tissage sophistiqué, intégrant des fils en configuration de « maille » pour l’élasticité longitudinale et de « trame » pour une compression précise et adaptative (voir illustration ci-contre). La structure en maille, essentielle, forme des boucles imbriquées offrant extensibilité et souplesse. La trame, orientée perpendiculairement, enrichit le tissu d’une résistance et d’une capacité de pression thérapeutique ajustée au contour du membre. Cette synergie entre maille et trame assure un support orthopédique optimal, crucial pour le conseil et pour l’application pharmaceutique, visant une efficacité maximale et une personnalisation du traitement.

Comment prendre les mesures ?

Pour une adaptation médicale précise de dispositifs de compression, la mesure idéale s’effectue sur une jambe exempte d’œdèmes, préférablement le matin ou après un repos avec les jambes surélevées. La technique requiert un mètre ruban appliqué directement sur la peau, sans compression, pour ne pas fausser les dimensions. Les mesures doivent être bilatérales, même en absence de différences anatomiques entre les deux membres. On détermine d’abord les points de mesure par niveau, puis on enregistre les circonférences au niveau de ces repères (voir illustration ci-contre). Cette procédure assure la conception d’un dispositif de compression personnalisé, adéquat pour le traitement et le confort du patient.

Quelles classes conseiller ?

En phlébologie, on distingue quatre classes de compression, graduées selon la pression exercée à la cheville : la classe I (10-15 mmHg) assure une compression légère, la classe II (15-20 mmHg) est moyenne, la classe III (20-36 mmHg) est forte et la classe IV (plus de 36 mmHg) très forte, cette dernière étant rarement utilisée et souvent remplacée par la superposition de dispositifs de compression de classes inférieures. La compression doit être dégressive, c’est-à-dire diminuer depuis la cheville vers le haut de la jambe, conformément à la loi de Laplace, qui stipule que la pression exercée est inversement proportionnelle au rayon de courbure du membre, offrant ainsi une pression optimisée et physiologiquement adaptée aux besoins de la circulation veineuse.

L’art de l’enfilage

Un enfilage correct des bas de compression est primordial pour assurer leur efficacité. Le processus d’enfilage doit être réalisé avec soin, en respectant la taille et la classe de compression adéquates. Plus la compression est élevée, plus l’enfilage peut s’avérer complexe. Dans certains cas, il est conseillé d’opter pour deux bas de compression de classes inférieures superposés. Pour les patients éprouvant des difficultés, voici quelques astuces : enfilez les bas avant de vous lever, utilisez des gants en silicone pour mieux saisir le tissu, restez assis ou couché durant l’opération, retournez le bas jusqu’au talon avant de l’enfiler, et ajustez-le soigneusement sans tirer. Une bonne technique d’enfilage contribue à l’efficacité thérapeutique et au confort du patient.

Puis-je substituer ?

En présence d’une prescription où le prescripteur a spécifié une marque de médicament, la substitution par un autre produit n’est pas autorisée sans l’accord explicite du prescripteur, à moins d’une situation d’urgence. Cette règle assure le respect de la décision clinique du médecin.

Plantes et insuffisance veineuse

Les allégations de santé liant la consommation de flavonoïdes à des bienfaits cardiovasculaires et circulatoires ont été interdites par les autorités sanitaires européennes en 2012. Cela concerne spécifiquement les compléments alimentaires contenant des catéchines, des oligoproanthocyanidines (OPC), de la rutine ou de la diosmine. Cette décision a été motivée par l’absence de preuves scientifiques concluantes démontrant leur efficacité dans la prévention ou l’amélioration de la circulation sanguine et la prise en charge de l’insuffisance veineuse chronique.

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