Focus ordo', hémorroïdes : soulager, traiter et prévenir

Douleur aiguë, saignements, prolapsus... la crise hémorroïdaire, fréquente, mais souvent banalisée, est pourtant source de gêne importante pour nos patients. En tant que professionnels de premier recours, nous devons savoir évaluer la gravité, conseiller avec justesse et orienter quand cela s'impose. Quels traitements proposer ? Quelles spécialités recommander ? Quels signaux doivent alerter ? Tour d'horizon précis et actualisé pour un conseil officinal éclairé et sécurisé.

Thomas Kassab, DU de Pharmacie clinique, publié le 03 juin 2025

Focus ordo’, hémorroïdes : soulager, traiter et prévenir

Une pathologie fréquente et souvent taboue

Affection bénigne, mais handicapante, la maladie hémorroïdaire est à l’origine de deux tiers des consultations proctologiques. Elle touche un adulte sur deux après 50 ans et regroupe deux entités distinctes : les hémorroïdes externes, veineuses et inflammatoires, et les hémorroïdes internes, endocanalaires, d’origine dégénérative. La prise en charge, symptomatique ou curative, varie selon la localisation, le grade, les symptômes et les complications.

Ordonnance type

Mme Armelle H., 48 ans, 1,72 m, 64 kg

Prescripteur : généraliste

Ultraproct® pom. : 1 app. matin et soir + après chaque selle, pendant 5 jours

Daflon® 1 000 mg : 3 cp/jour pendant 4 jours, puis 2 cp/jour pendant 3 jours

Doliprane® 1 000 mg cp : 1 cp 3 fois par jour, si besoin, 6 h entre deux prises

Quand traiter et quand orienter ?

La prise en charge de la maladie hémorroïdaire se justifie uniquement en présence de symptômes : douleur (souvent brutale en cas de thrombose externe), saignements rouges lors de la défécation (formes internes), gêne locale ou prolapsus. Elle s’impose aussi en cas de complications : thrombose douloureuse, prolapsus irréductible ou anémie ferriprive secondaire à des saignements chroniques.

Les objectifs thérapeutiques sont triples :

  • Soulager la douleur et la gêne fonctionnelle,
  • Prévenir les récidives et les complications,
  • Préserver les structures anatomiques essentielles à la continence.

En officine, nous devons évaluer l’intensité et la nature des symptômes pour adapter le conseil et orienter si nécessaire. On oriente systématiquement vers une consultation médicale dans les cas suivants :

  • Première crise sévère ou tableau inhabituel,
  • Douleur anale aiguë intense (risque de thrombose ou d’abcès),
  • Saignements abondants ou persistants, notamment après 50 ans,
  • Prolapsus irréductible ou thrombosé,
  • Échec du traitement symptomatique après 7 jours,
  • Contexte particulier : grossesse, allaitement, immunodépression, antécédents digestifs ou vasculaires.

La crise hémorroïdaire externe : douleur et œdème

Elle se manifeste par une douleur brutale et constante, associée à une excroissance œdémateuse ou thrombosée. Le traitement associe :

AINS ou antalgiques de palier II

Efficaces sur la douleur, en l’absence de contre-indication digestive ou cardiovasculaire. L’aspirine est proscrite en raison du risque hémorragique.

Topiques cortisonés

Sur ordonnance et utilisables en cure courte (5 à 7 jours) sur la composante inflammatoire douloureuse. Ils peuvent être associés à un anesthésique local. Exexemples : Ultraproct® pommade/suppositoires (fluocortolone + cinchocaïne) ou encore Deliproct® pommade/suppositoires (prednisolone + cinchocaïne).

Topiques non cortisonés

Ils peuvent être utilisés seuls dans les formes peu inflammatoires ou en relais des corticoïdes. Certains contiennent un anesthésique local ; d’autres jouent un rôle protecteur, lubrifiant ou anti-inflammatoire. Exemples : Sedorrhoïde®, Titanoreïne®, Cicatridine® suppositoire ou encore la Crème Hémorroïdes Biogaran Conseil®, à base, notamment, d’acide hyaluronique, d’Aloe vera, de Fragon petit-houx, de Marron d’Inde et de propolis.

Produits d’hygiène adjuvants

Pour apaiser localement et éviter les irritations mécaniques, exemple : Calmorrhoïdes® lingettes (à base de marron d’Inde, d’hamamélis et de camomille).

Veinotoniques oraux

Utilisés dans les formes internes symptomatiques (saignements, prolapsus modéré), en cure courte à posologie élevée. Leur efficacité n’est pas démontrée au long cours. Ils sont contre-indiqués pendant la grossesse et l’allaitement (sauf diosmine seule, possible sur courte période avec précaution). Exemples : Daflon® 1 000 mg (fraction flavonoïque purifiée micronisée), Diosmine 600 mg, Cyclo 3 Fort® gélules (ruscus + acide ascorbique + hespéridine méthyl chalcone) ou encore Ginkor Fort® gélules (ginkgo biloba + heptaminol + troxérutine).

Laxatifs de lest

Indispensables en cas de constipation associée, et pour prévenir les récidives. Ils facilitent l’émission de selles molles, sans efforts de poussée. Exemples : Spagulax®, Transilane®, etc. (à base de mucilages ou fibres alimentaires).

A savoir

Grossesse et allaitement

  • Crises fréquentes au 3e trimestre et après l’accouchement. AINS contre-indiqués.
  • Diosmine et corticoïdes per os possibles en cure courte sous avis médical.
  • Laxatifs de lest autorisés. Topiques locaux et thrombectomie envisageables en cas de crise sévère.

Chez l’enfant

Rare avant l’adolescence. Penser en priorité à une fissure, une oxyurose ou une rectite. Pas de topiques hémorroïdaires et toujours orienter.

Automédication : rester vigilant

Anesthésiques locaux : risque allergique sur muqueuse fragilisée. Suppositoires déconseillés en cas de lésions, douleurs ou prolapsus. Rectorragie isolée après 50 ans : signal d’alerte, penser au dépistage du cancer colorectal.

Les conseils à prodiguer

Conseils hygiéno-diététiques

Invitez le patient à limiter les aliments vasodilatateurs (alcool, café, épices, plats gras) et à privilégier une hydratation régulière ainsi qu’une alimentation riche en fibres (légumes, fruits, céréales complètes).

Régularité du transit

L’objectif est une selle molle quotidienne, sans effort de poussée.

Hygiène de vie

Recommander d’éviter la station assise prolongée, les efforts de poussée aux toilettes, le port de charges lourdes, et de maintenir une activité physique douce. Le stress, facteur aggravant, doit également être identifié et pris en compte.