GENOUILLÈRE ET ATTELLE

L'art du maintien : les conseils clés au comptoir

Douleurs, instabilités, traumatismes ou arthrose du genou sont des motifs fréquents de passage au comptoir. En tant que pharmacien, nous avons un rôle essentiel à jouer dans le choix et la délivrance d'une orthèse adaptée. Entre genouillère et attelle, il ne s'agit pas d'un simple accessoire, mais bien d'un acte de conseil structurant.

Par Thomas Kassab, DU d'Orthopédie et petit appareillage, publié le 15 septembre 2025

L’art du maintien : les conseils clés au comptoir

Les pathologies les plus fréquentes

Le genou constitue une articulation synoviale complexe, portante et hautement sollicitée. Sa stabilité est assurée par :

  • Quatre ligaments majeurs (ligament croisé antérieur, ligament croisé postérieur, ligament collatéral médial, ligament collatéral latéral),
  • Deux ménisques fibro-cartilagineux (médial et latéral),
  • L’appareil extenseur comprenant la rotule,
  • Et diverses structures musculo-tendineuses périarticulaires.

En pratique officinale, nous observons fréquemment :

  • Des entorses ligamentaires (grade I-II pour le LCM, ruptures complètes du LCA plus invalidantes),
  • Des lésions méniscales traumatiques ou dégénératives avec épanchement articulaire,
  • Des dysplasies fémoro-patellaires avec subluxation latérale, prédominantes chez les adolescentes,
  • Le syndrome fémoro-patellaire avec douleurs antérieures et crépitements.
  • Des gonarthroses bi ou tricompartimentales, prévalentes après l’âge de 50 ans.

L’accompagnement orthopédique optimal en pharmacie nécessite l’évaluation précise du tableau clinique et des limitations fonctionnelles.

Une orthèse ne peut pas être substituée de la même façon qu’un médicament générique. Si une marque est précisée sur l’ordonnance, nous devons la respecter, sauf urgence ou indisponibilité avérée.

Genouillère ou attelle ?

On distingue deux grandes familles de dispositifs orthopédiques au niveau du genou, dont les usages sont complémentaires selon la nature et la phase de la pathologie.

La genouillère

La genouillère, classée comme orthèse fonctionnelle, accompagne le mouvement tout en exerçant une contention plus ou moins souple de l’articulation. Elle stabilise le genou sans en restreindre totalement la mobilité. Elle est indiquée dans les cas d’entorses bénignes, d’instabilités chroniques modérées, ou encore en prévention chez les sportifs sollicitant fortement l’articulation fémoro-tibiale. Certaines genouillères sont rotuliennes, avec un anneau de centrage pour guider la patella.

L’attelle

L’attelle, quant à elle, est une orthèse de contention rigide ou semi-rigide. Elle peut être monobloc ou articulée, selon qu’on souhaite totalement immobiliser le genou ou autoriser une mobilisation partielle. Elle est indiquée en phase aiguë post-traumatique (entorse grave, fracture, rupture ligamentaire), après chirurgie (ligamentoplastie, suture méniscale) ou en cas de douleur inflammatoire intense nécessitant un repos articulaire strict.

Critères de choix

Le choix entre ces deux dispositifs dépend de plusieurs paramètres : l’objectif thérapeutique (mobilisation encadrée ou repos), le niveau de contention recherché, le stade évolutif de la pathologie, et le contexte d’utilisation (curatif ou préventif). Un bilan médical préalable est essentiel pour orienter la décision et garantir une prise en charge efficace.

Les appareillages possibles à l’officine

Attelle d’immobilisation en extension

Indiquée après entorse grave ou en post-opératoire immédiat, elle maintient le genou à 0° d’extension. Exemple : Ligaflex® Immo (Thuasne)

Attelle articulée post-opératoire

Permet une reprise progressive de la flexion, avec cadran de réglage d’amplitude. Exemple : TROM® (DJO – Donjoy)

Attelle de genou TROM® Advance de DJO - DonJoy

Attelle de genou TROM® Advance de DJO – DonJoy

Genouillère proprioceptive

Modèle souple de classe II, utile en cas d’entorse bénigne ou pour prévenir une récidive. Exemple : Genuaction® (Thuasne)

Genouillère rotulienne

Recommandée en cas d’instabilité rotulienne ou de syndrome fémoro-patellaire. Exemple : Genouillère ligamentaire rotulienne Rotulig® (Orliman) – avec anneau de recentrage rotulien, tricot AirFresh® et baleines souples.

Genouillère rotulienne à armature souple Rotulig® de Orliman

Genouillère rotulienne à armature souple Rotulig® de Orliman

Genouillère ligamentaire semi-rigide

Elle apporte un maintien renforcé en cas d’entorse modérée, ou en reprise de sport. Exemple : Genouillère ligamentaire Salva® (Cooper) – effet strapping, anneau rotulien, baleines latérales et contention de classe III.

Genouillère ligamentaire et rotulienne avec tricot avec technologie Air Fresh® de Cooper

Genouillère ligamentaire et rotulienne avec tricot avec technologie Air Fresh® de Cooper

Genouillère de décharge (arthrose)

Indiquée dans les gonarthroses unicompartimentales, elle décharge le compartiment lésé. Exemple : Action Reliever® (Thuasne) – à effet valgisant ou varisant.

Questions clés à poser :

« Quel est le contexte ? » : traumatisme récent (entorse, chute) ou pathologie chronique (arthrose, instabilité).

« Quel est le diagnostic ? » : rupture ligamentaire, lésions méniscales, syndrome rotulien ; pour orienter vers le choix du modèle

« Quelle est votre gêne ? » : douleur au repos, instabilité, blocage du genou, …

« Qu’avez-vous comme activité ? » : reprise sportive, marche, sédentarité ? Cela influence le niveau de contention.

Prise de mesures : 

  • Tour du genou semi-fléchi (genou plié à ~15°), au niveau de la rotule, en position debout.
  • Compléments selon le modèle : tour de cuisse ou mollet pour certaines genouillères à renforts latéraux.
  • Référer au guide des tailles du fabricant.

Une orthèse ne se délivre pas à la légère

Au comptoir, notre démarche ne se limite pas à « juste choisir une taille ». Il nous faut :

  • Interroger le patient sur le contexte clinique (traumatisme, diagnostic posé, antécédents),
  • Évaluer la mobilité, la douleur, le niveau d’activité physique,
  • Exclure les signes d’alerte (œdème massif, suspicion de fracture, douleur incohérente).

Nous devons systématiquement procéder à un essayage, vérifier la bonne adaptation, la stabilité, le confort, et donner des explications claires sur :

  • Le temps de port (dans la journée, au repos, à l’effort),
  • L’entretien (lavage à la main, séchage à plat, pas de sèche-linge),
  • Les signes d’alerte : effet garrot, rougeurs, augmentation de la douleur, inconfort.