Finastéride : quand traiter la calvitie fait courir un risque suicidaire
Une nouvelle alerte de l’ANSM met en lumière les effets psychiatriques graves liés au finastéride 1 mg, prescrit dans l’alopécie androgénétique masculine. Les pharmaciens doivent redoubler de vigilance au comptoir.

Un signal confirmé pour les formes orales
En mai 2025, l’Agence européenne du médicament (EMA) a confirmé que le finastéride oral (1 mg et 5 mg) est associé à un risque d’idées suicidaires. Les notices et RCP vont donc être modifiés avec l’ajout de cet effet indésirable. Une nouvelle mise en garde précise également que les troubles sexuels liés au traitement peuvent contribuer à des modifications de l’humeur, parfois jusqu’à des pensées suicidaires.
Chaque boîte de finastéride 1 mg comprendra désormais une carte d’information patient. Une lettre a été envoyée en septembre aux professionnels de santé pour préciser les conduites à tenir.
Le cas particulier du spray Fincrezo®
Commercialisé depuis mars 2025, Fincrezo® (solution cutanée de finastéride 2,275 mg/mL – Bailleul) est bien listé parmi les spécialités à base de finastéride en France.
Mais l’EMA a précisé que les données disponibles ne montrent pas d’association entre la forme spray et les idées suicidaires. Aucune modification spécifique de ses informations produit n’a donc été décidée.
En clair : l’alerte concerne surtout les formes orales, utilisées sur le long terme chez de jeunes hommes en bonne santé.
La France demande plus de protection
En parallèle, une expertise du CRPV de Limoges a recensé 110 cas de troubles psychiatriques et/ou sexuels liés au finastéride depuis 1985, dont 1 suicide et 4 tentatives. La plupart concernaient des hommes jeunes (âge médian : 30 ans) traités en moyenne 6 ans. Les deux tiers des cas étaient graves, et certains symptômes persistaient plus de 8 ans après l’arrêt. Depuis mai 2024, deux nouveaux suicides ont encore été signalés.
Pour l’ANSM, le rapport bénéfice/risque du finastéride 1 mg oral est défavorable dans l’alopécie. L’agence estime que les mesures européennes ne suffisent pas et prépare un renforcement de l’information au niveau national.
Conseils pratiques à l’officine
- Questionner systématiquement les patients jeunes traités pour alopécie : humeur, anxiété, troubles sexuels.
- Repérer les signaux d’alerte : tristesse, fatigue, difficultés de concentration, perte de libido, troubles de l’érection ou de l’éjaculation.
- Orienter sans délai : en cas de plainte psychique ou sexuelle, recommander l’arrêt du traitement et la consultation médicale.
- Rappeler le suivi médical : tout traitement par finastéride doit être réévalué régulièrement.
Finastéride et risque suicidaire : pourquoi ?
Le mécanisme exact reliant le finastéride aux troubles psychiatriques reste encore mal compris. Ce traitement inhibe la 5-alpha-réductase, enzyme qui convertit la testostérone en dihydrotestostérone (DHT). Or, cette enzyme intervient aussi dans la synthèse de neurostéroïdes cérébraux, comme l’alloprégnanolone, qui jouent un rôle clé dans la régulation de l’humeur et de l’anxiété. Une diminution de ces neurostéroïdes pourrait contribuer à des symptômes dépressifs ou anxieux, et dans certains cas à des idées suicidaires. À cela s’ajoutent les troubles sexuels persistants (dysfonction érectile, baisse de libido) souvent vécus comme un fardeau psychologique majeur chez de jeunes hommes, renforçant le risque psychiatrique.
À retenir
Le finastéride oral 1 mg, prescrit dans la chute de cheveux masculine, est associé à des effets psychiatriques graves et persistants. À l’officine, notre vigilance doit aller bien au-delà de l’esthétique : interroger, écouter et orienter peut sauver des vies.