Endométriose à l'officine : quels conseils prodiguer ?

Encore insuffisamment connue, l'endométriose touche 10 % des femmes en âge de procréer. À l'officine, le pharmacien a un rôle central à jouer, entre détection, information et soutien thérapeutique. Comment optimiser cet accompagnement ?

Thomas Kassab, DU de Pharmacie clinique, publié le 20 mai 2025

Endométriose à l’officine : quels conseils prodiguer ?

Comprendre l’endométriose : une maladie inflammatoire complexe

L’endométriose, maladie gynécologique chronique, se définit par la présence de tissu semblable à l’endomètre hors de la cavité utérine. Cette anomalie déclenche une inflammation persistante, source de douleurs intenses, de troubles digestifs ou urinaires, et parfois d’infertilité. Sa présentation est hautement variable : certaines patientes souffrent intensément malgré des lésions discrètes, tandis que d’autres, porteuses d’atteintes étendues, restent étonnamment asymptomatiques.

À l’officine, chaque mot compte : écouter sans minimiser, soutenir sans juger. L’endométriose ne détruit pas que le corps, elle fragilise aussi le moral.

Dysménorrhées majeures résistantes aux AINS, dyspareunies (avant, pendant ou après les rapports), douleurs pelviennes chroniques, troubles digestifs ou urinaires cycliques : autant de signes qui doivent nous alerter sans attendre. Longtemps, le diagnostic d’endométriose arrivait avec sept ans de retard en moyenne. Aujourd’hui encore, l’errance médicale persiste, alimentée par la méconnaissance des symptômes et la banalisation culturelle de la douleur menstruelle.

À l’officine : détecter et orienter

En officine, nous sommes souvent le premier maillon face à des douleurs gynécologiques inexpliquées. Notre rôle est clé : soupçonner l’endométriose devant des règles intenses, récurrentes et insensibles aux antalgiques classiques, être attentifs aux douleurs digestives ou urinaires cycliques, et surtout légitimer la souffrance en brisant la banalisation habituelle. Certaines situations doivent immédiatement nous alerter : recours répété à des antalgiques puissants, plaintes digestives cycliques, dyspareunies profondes.

Écoute attentive, vigilance active et posture proactive au comptoir sont nos meilleurs outils pour repérer tôt et raccourcir l’errance diagnostique qui, aujourd’hui encore, pénalise tant de patientes.

Un arsenal thérapeutique à maîtriser

La prise en charge de l’endométriose repose principalement sur des traitements médicaux visant à soulager la douleur et à limiter la progression des lésions. Le choix thérapeutique dépend de plusieurs facteurs, notamment le désir de grossesse, la sévérité des symptômes et la localisation des lésions.

Traitements hormonaux

Contraceptifs œstroprogestatifs (COP)

Les COP, administrés en continu sans interruption entre les plaquettes, sont souvent prescrits en première intention pour réduire les douleurs liées à l’endométriose. Ils induisent une atrophie de l’endomètre et suppriment les menstruations, réduisant ainsi les douleurs menstruelles. Les pilules de 2ᵉ génération sont privilégiées en raison de leur profil de tolérance favorable.

Progestatifs seuls

Les progestatifs, tels que le diénogest à 2 mg/jour (Sawis® et Endovela®), sont efficaces pour réduire les douleurs pelviennes associées à l’endométriose. Le diénogest agit en réduisant la production d’estradiol, entraînant une atrophie des lésions endométriosiques.

Dispositifs intra-utérins (DIU) au lévonorgestrel

Le DIU hormonal (par exemple, Mirena®) libère localement du lévonorgestrel, réduisant la croissance de l’endomètre et les douleurs associées. Il constitue une option intéressante pour les patientes ne souhaitant pas de grossesse à court terme.

Agonistes de la GnRH

Les analogues de la GnRH, tels que la triptoréline (Décapeptyl®), induisent une ménopause artificielle en supprimant la production d’œstrogènes. Ils sont réservés aux cas où les traitements de première intention sont insuffisants. En raison des effets secondaires (bouffées de chaleur, ostéoporose), une « add-back therapy » associant œstrogènes et progestatifs est recommandée pour prévenir les effets indésirables.

Antagonistes de la GnRH

Le rélugolix, associé à l’estradiol et à l’acétate de noréthistérone (Ryeqo®), est une trithérapie orale indiquée dans le traitement symptomatique de l’endométriose chez les femmes ayant déjà reçu un traitement médical ou chirurgical.

Et les AINS ?

Les AINS, tels que l’ibuprofène et le kétoprofène, sont utilisés pour soulager les douleurs pelviennes. Cependant, leur utilisation au long cours est déconseillée en raison des risques gastro-intestinaux et rénaux.

Chirurgie : une option en cas d’échec

La chirurgie est envisagée lorsque les traitements médicaux sont inefficaces ou en cas de complications. Elle peut être conservatrice (ablation des lésions) ou radicale (hystérectomie avec ou sans ovariectomie). La décision chirurgicale doit être prise en concertation avec une équipe pluridisciplinaire.

Quels compléments proposer ?

Phytothérapie

• Bourgeon de framboisier, gattilier : régulation hormonale

• Curcuma : action anti-inflammatoire

Compléments alimentaires

• Oméga-3 : réduction de l’inflammation

• NAC (N-acétylcystéine) : soutien anti-inflammatoire

• PEA (Palmitoylethanolamide) : modulation de la douleur

Aromathérapie

Massages aux huiles essentielles de lavande officinale ou camomille romaine (toujours diluées) : apaisement des douleurs pelviennes