Cas de comptoir : « J'ai une verrue ! »

Banale mais parfois rebelle, la verrue cutanée est un motif fréquent de conseil en officine. Entre reconnaissance clinique, choix du traitement et limites du conseil, petit tour d'horizon pour délivrer une prise en charge à la hauteur.

Laurent Desbarres, publié le 23 mai 2025

Cas de comptoir : « J’ai une verrue ! »

Les verrues : étiologie et physiopathologie

Les verrues cutanées sont des lésions bénignes de la peau dues à une infection par des papillomavirus humains (HPV), majoritairement des types 1, 2, 4, 27 et 57. La contamination se fait par contact direct ou indirect, favorisée par des microtraumatismes cutanés (égratignures, pieds nus sur sols humides…). La période d’incubation varie de quelques semaines à plusieurs mois.

On distingue plusieurs types de verrues en fonction de leur localisation et de leur aspect clinique :

  • Verrues vulgaires : saillantes, kératosiques, souvent sur les mains et les doigts.
  • Verrues plantaires : douloureuses à la pression, plates ou en relief, parfois en mosaïque.
  • Verrues planes : petites papules lisses, fréquentes chez l’enfant sur le visage ou le dos des mains.
  • Verrues anogénitales (condylomes) : hors champ du conseil officinal.

Facteurs de risque : immunodépression, humidité, macération, traumatismes cutanés répétés.

Reconnaître les signes d’alerte

Il est important de savoir reconnaître les situations évocatrices d’une verrue simple et, surtout, d’identifier les éléments d’alerte justifiant une orientation médicale.

Certaines lésions d’aspect voisin peuvent prêter à confusion :

  • Cors et durillons : formations kératosiques épaisses, développées aux points de pression (plante des pieds, zones d’appui). Contrairement aux verrues, il n’y a pas de papillomatose (absence de petits points noirs centraux) ni de douleur majorée par pression latérale.
  • Kératoacanthomes : nodules d’apparition rapide, kératosiques, parfois ombiliqués en leur centre. Ils ressemblent à une verrue mais leur croissance est rapide (en quelques semaines) et doivent être systématiquement orientés vers un dermatologue.
  • Molluscum contagiosum : petites papules ombiliquées, lisses, de couleur chair ou nacrée, sans kératose marquée. Elles ne présentent ni surface rugueuse, ni points noirs caractéristiques des verrues.
  • Carcinomes épidermoïdes débutants : lésions ulcérées, saignantes ou indurées. Toute lésion persistante, évolutive, douloureuse, hémorragique ou au relief irrégulier doit immédiatement être adressée à un médecin.

En pratique, une verrue typique présente :

  • une surface rugueuse ou verruqueuse,
  • des points noirs centraux visibles (capillaires thrombotiques),
  • une douleur accentuée par pression latérale (particulièrement pour les plantaires).

À l’inverse, en cas de :

  • lésion d’aspect atypique (ulcérée, hémorragique, pigmentée),
  • croissance rapide,
  • douleur intense,
  • localisation inhabituelle (visage, muqueuses, région péri-unguéale),
  • terrain à risque (immunodépression),

alors, il faut orienter vers une consultation dermatologique sans retard.

Solutions en officine : un arsenal diversifié

L’objectif est double : détruire les cellules infectées et stimuler l’immunité locale. Les dispositifs médicaux disponibles reposent principalement sur :

La cryothérapie

Inspirée de la technique médicale, elle utilise des sprays à base de diméthyléther, seul ou associé à du propane ou de l’isobutane.

Exemples : Wartner® CryoPharma Verrues (Perrigo France) ou ExpertTreatment® Traitement Verrues (Scholl).

Mode d’action : congélation de la verrue à environ -50 °C à -80 °C, provoquant une nécrose contrôlée. Plusieurs applications sont parfois nécessaires, espacées de 2 à 3 semaines.

Les agents kératolytiques

Basés sur l’acide salicylique, parfois combiné à l’acide lactique, ils dégradent progressivement la couche cornée jusqu’à élimination de la verrue.

Exemples : Duofilm® (EG Labo) ou Kerafilm® (Pierre Fabre).

Mode d’utilisation : application quotidienne après ponçage léger, en protégeant la peau saine autour de la lésion.

Les formules à base d’acide trichloroacétique (TCA)

Le TCA est un agent caustique puissant qui agit en profondeur sur la verrue.

Exemples : Urgo Verrues Résistantes ou Wartner by Cryopharma stylo Acide anti-verrues.

Mode d’utilisation : application précise sur la verrue, généralement une fois par jour pendant plusieurs jours, selon les recommandations du fabricant.

Les formules combinées

Certains dispositifs associent cryothérapie et action chimique pour maximiser l’efficacité dès la première application.

Exemple : Excilor® Traitement des verrues DuoPower qui associe cryothérapie (-45 °C) et gel à base de TCA pour une action synergique.

Conseils clés à la délivrance

Lors de la dispensation d’un traitement contre les verrues, les conseils suivants sont essentiels :

  • Hygiène : éviter de manipuler ou gratter la verrue pour limiter la dissémination du virus. Lavage soigneux des mains.
  • Protection : couvrir la verrue avec un pansement occlusif lors des contacts à risque (piscines, vestiaires, sports collectifs).
  • Patience : rappeler que la guérison peut prendre plusieurs semaines à plusieurs mois, même avec un traitement adapté.
  • Respect des protocoles : suivre rigoureusement les modalités d’application (temps d’exposition pour la cryothérapie, rythme d’application pour les kératolytiques).
  • Surveillance : vérifier régulièrement l’évolution de la lésion ; toute aggravation doit entraîner une consultation médicale.