Naali - Safranothérapie : “Une filière maîtrisée et des extraits standardisés pour garantir l’efficacité”
Portée par des données scientifiques solides, la safranothérapie suscite un intérêt croissant à l’officine. Mais qu’en est-il réellement des extraits, de leur stabilité, de leur biodisponibilité ou des interactions possibles ? Estelle Enaud, docteur en biotechnologies et directrice scientifique de Naali, revient sur les points clés que se posent les pharmaciens au comptoir.
Pourquoi avoir choisi le safran comme actif central ?
Estelle Enaud : À l’origine, c’est une rencontre entre une histoire personnelle et un constat scientifique. L’un de nos cofondateurs, Abderrahmane Nour Ebad, a grandi en Afghanistan dans une région productrice de safran. En parallèle, il a découvert la littérature scientifique : dès le début des années 2000, des essais cliniques menés chez des personnes souffrant d’épisodes dépressifs légers à modérés montraient des résultats comparables à ceux de certains antidépresseurs. Ensuite, les recherches se sont étendues à l’humeur, au stress et à la cognition. Ce faisceau d’éléments a construit l’orientation scientifique de Naali.

Estelle Enaud, docteur en biotechnologies et directrice scientifique de Naali
Quel type d’extrait utilisez-vous ?
E. E. : Le safran utilisé provient exclusivement des trois stigmates rouges de Crocus sativus. Ce sont eux qui concentrent les molécules d’intérêt : les crocines, responsables de la couleur, et le safranal, principal composé aromatique.

Safranal
Les premiers travaux cliniques reposaient sur des extraits hydroalcooliques. Nous avons conservé cette technologie d’extraction, mais en l’optimisant : moins d’éthanol, une meilleure concentration en crocines et en safranal. L’extrait est ensuite stabilisé sur maltodextrines. Cela permet d’obtenir une poudre homogène, manipulable et parfaitement adaptée à la formulation en gélules ou en gummies.
Les dosages sont-ils alignés avec les études scientifiques ?
E. E. : Oui. La littérature converge largement vers une dose efficace autour de 30 mg/jour. Nous avons choisi de nous conformer à ce niveau, car il est le mieux étayé scientifiquement. Nos extraits contiennent plus de 4 % de crocines garanties, souvent plus proches de 5 %, ce qui correspond à ce qui est observé dans les études cliniques.

Comment garantir la stabilité d’un extrait aussi fragile dans des gummies ?
E. E. : C’est un enjeu majeur. Les crocines sont sensibles à la chaleur, à la lumière et à l’oxydation. Nous avons donc conçu un procédé de fabrication à basse température, plus doux que les procédés traditionnels utilisés pour les gummies. Pour vérifier la pertinence de cette approche, nous avons titré les extraits avant fabrication, puis titré les gummies finies. Les concentrations obtenues montrent que les crocines et le safranal sont bien préservés. Cette étape de vérification était indispensable.
La matrice “gummy” impacte-t-elle la biodisponibilité ?
E. E. : La matrice gommeuse se délite facilement, à la fois dans la bouche et dans le tube digestif, ce qui facilite la libération des actifs. Nous n’avons pas encore conduit d’étude comparative formalisée entre gélules et gummies, mais la cinétique théorique est favorable.
Un point important tient à la mastication : elle permet un début de passage sublingual, particulièrement intéressant pour le safranal, dont la biodisponibilité orale est limitée par le premier passage hépatique. La perception aromatique contribue également à l’expérience d’usage, ce qui favorise l’observance.
Les gummies sont-elles un phénomène durable ?
E. E. : Elles répondent à une demande réelle, mais ne constituent pas une solution universelle. Nous adaptons la galénique au public et aux actifs :
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pour la ménopause, la gélule est plus appropriée car certains actifs ont un goût difficilement compatible avec une gomme,
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chez les enfants, les gummies ou les poudres aromatisées sont mieux acceptées,
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pour le magnésium, le collagène ou la digestion, la poudre à diluer reste la forme la plus pertinente.
La gummy est avant tout un format pratique, nomade, qui favorise la prise régulière.
Quid des interactions avec les médicaments comme les anti-dépresseurs ?
E. E. : Nous indiquons clairement qu’en cas de traitement antidépresseur, notamment par ISRS ou IMAO, un avis médical est indispensable. Le safran agit en partie via la modulation de la sérotonine. Cette particularité impose une vigilance accrue. Il existe des travaux sur l’association safran + antidépresseur, parfois encourageants, mais cela ne justifie en aucun cas une recommandation officinale. La prudence reste la règle.
Comment rester dans le cadre du complément alimentaire alors que vous agissez sur l’humeur ?
E. E. : Tout repose sur deux paramètres : la dose et la fréquence. À des doses adaptées, le safran peut également être consommé via l’alimentation. Nous nous en tenons strictement au domaine du bien-être émotionnel. À aucun moment nous ne revendiquons le traitement d’un trouble dépressif. Le positionnement réglementaire est donc respecté.
Quel délai d’action observez-vous ?
E. E. : Les effets ne sont pas immédiats. Dans nos études consommateurs, les premières améliorations apparaissent en général à partir d’une semaine, puis se renforcent au fil des prises. Après deux semaines, environ 70 % des utilisateurs rapportent une amélioration de l’humeur. Nous recommandons des cures de plusieurs semaines, toujours autour de 30 mg/jour.
Associer le safran à d’autres actifs, comme le magnésium, est-il pertinent ?
E. E. : Oui, et nous le faisons déjà. Dans notre produit magnésium, l’association magnésium + safran permet d’agir à la fois sur la relaxation et sur l’humeur de fond. Dans notre anti-stress, nous ajoutons des vitamines B3, B6, B9 et B12, afin de soutenir la sphère neurologique et de réduire la fatigue. L’objectif est de proposer des combinaisons cohérentes, avec une logique physiologique claire.
Importer du safran depuis l’Afghanistan : qu’en est-il de l’impact carbone ?
E. E. : Les cultures sous serre en Europe sont souvent chauffées, parfois au gaz, ce qui peut fortement augmenter leur empreinte carbone. Le safran que nous utilisons représente des volumes modestes, et toute la transformation est réalisée en France. Les zones afghanes où pousse le safran sont arides et naturellement adaptées à cette culture.
Il serait pertinent d’affiner ce bilan, mais à ce stade, l’importation n’est pas nécessairement plus impactante qu’une culture sous serre.