Winlevi arrive en Europe : un nouvel anti-androgène topique contre l’acné
C’est une petite révolution dermatologique : pour la première fois depuis près de quarante ans, un traitement topique à mécanisme inédit obtient le feu vert européen contre l’acné. La clascotérone (Winlevi® 10 mg/g crème) vient d’obtenir un avis favorable de l’EMA après un premier refus. Reste à franchir les étapes françaises avant de voir le produit disponible en officine.

Une deuxième chance réussie à l’EMA
Le 25 août 2025, le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA a finalement recommandé l’AMM de Winlevi® crème (clascotérone 10 mg/g).
En avril dernier, le même comité avait rendu un avis défavorable, pointant un rapport bénéfice/risque jugé insuffisant chez l’adolescent en raison d’incertitudes sur la sécurité hormonale. Après réexamen du dossier et engagement du laboratoire Cassiopea à renforcer les mesures de minimisation du risque, l’EMA a cette fois estimé que les bénéfices l’emportaient.
Une indication différenciée selon l’âge
La subtilité de l’avis tient dans l’indication précise retenue :
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chez l’adulte, Winlevi est indiqué dans l’acné vulgaire sans restriction particulière de localisation ;
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chez l’adolescent de 12 à 18 ans, l’indication est limitée à l’acné vulgaire du visage.
Le traitement devra en outre être prescrit par des médecins expérimentés dans la prise en charge de l’acné et utilisé sous surveillance adaptée.
Un mécanisme d’action inédit en dermatologie
Winlevi appartient à la classe d’anti-androgènes topiques. Son principe actif, la clascotérone, bloque localement les récepteurs aux androgènes cutanés, impliqués dans la sécrétion de sébum et la prolifération cellulaire.
Contrairement aux traitements classiques – antibiotiques topiques ou oraux, rétinoïdes, peroxydes – qui ciblent les bactéries ou la kératinisation, Winlevi agit directement sur l’influence hormonale locale.
Données cliniques : deux essais pivotaux
La demande d’AMM repose sur deux études de phase III ayant inclus environ 1 440 patients, adultes et enfants dès 9 ans.
Pendant 12 semaines, les patients ont appliqué Winlevi ou un placebo deux fois par jour sur les lésions faciales. Les résultats ont montré une réduction significative des lésions inflammatoires et non inflammatoires, ainsi qu’une amélioration de l’évaluation globale (IGA).
Vigilance accrue chez l’adolescent
La grande question concernait la sécurité endocrinienne. Un anti-androgène topique, même faiblement absorbé, peut en théorie perturber l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) et interférer avec la croissance ou la maturation sexuelle.
Pour limiter ce risque, l’EMA a imposé :
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une limitation de la zone d’application au visage chez l’adolescent,
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une dose maximale à respecter,
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la mise en place d’outils d’information pour les professionnels de santé,
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un suivi pharmacovigilance renforcé.
Un long chemin avant les officines
L’avis du CHMP n’est qu’une recommandation. La Commission européenne doit encore octroyer l’AMM centralisée. Ensuite, chaque pays, dont la France, définira les conditions nationales :
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l’ANSM pourra préciser les conditions de prescription et de délivrance,
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la HAS évaluera le service médical rendu (SMR) et éventuellement l’ASMR,
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le CEPS fixera le prix.
Autant d’étapes qui retardent une disponibilité en officine, probablement pas avant 2026.
Une innovation attendue par les dermatologues
L’acné touche près de 80 % des adolescents et une part non négligeable d’adultes. Face à une bactériorésistance croissante et aux contraintes des rétinoïdes oraux, l’arrivée d’un anti-androgène topique est saluée comme une première innovation de mécanisme depuis quatre décennies.
Pour les officinaux, il faudra se tenir prêts à expliquer aux familles :
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que Winlevi n’est pas un “nouvel antibiotique” mais un traitement hormonal local,
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qu’il doit être appliqué strictement selon prescription,
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et que son emploi est limité au visage chez l’adolescent.