Pénuries de médicaments : le décret du 4 août change la donne
Préparations spéciales en officine, transfert d’AMM à des structures publiques, pouvoirs étendus pour l’ANSM : le décret du 4 août 2025 renforce l’arsenal réglementaire pour anticiper et gérer les ruptures de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Un tournant attendu pour mieux sécuriser l’accès aux traitements essentiels.

Un décret d’application très attendu
Publiée au Journal Officiel le 5 août 2025, l’entrée en vigueur du décret n° 2025-760 marque une étape majeure dans la lutte contre les pénuries de médicaments. Pris en application des articles 71, 72 et 77 de la LFSS 2024, ce texte vise à combler des vides juridiques pour mieux prévenir les ruptures, assurer la continuité des traitements et renforcer le rôle de l’État dans la sécurisation de la chaîne du médicament.
Préparations officinales spéciales : une réponse dérogatoire
Lorsqu’un médicament industriel n’est plus disponible, le ministre de la Santé peut désormais autoriser, à titre exceptionnel et temporaire, la fabrication en officine de préparations officinales spéciales (article R. 5121-222 CSP). Cette décision est prise sur avis du DG de l’ANSM et assortie d’une monographie publiée sur le site de l’agence.
Les préparations sont destinées uniquement aux patients du prescripteur, et les officines concernées doivent adresser un bilan mensuel des fabrications à l’ARS et à l’ANSM. Cette mesure restaure un levier réactif au niveau local, en cas de défaillance de l’industrie.
L’ANSM dotée de pouvoirs de police sanitaire renforcés
En cas de rupture avérée ou à venir concernant un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) ou un vaccin, le DG de l’ANSM peut désormais prendre des mesures de police sanitaire (article R. 5121-206-1 CSP).
Cela inclut la possibilité de :
- suspendre ou restreindre l’exploitation ou l’exportation du produit,
- conditionner sa distribution ou son conditionnement,
- ou autoriser l’importation de traitements alternatifs.
Ces mesures doivent rester proportionnées au risque et cesser immédiatement dès que la situation est stabilisée.
Arrêts de commercialisation : des obligations renforcées
Lorsqu’un laboratoire décide de cesser ou suspendre la commercialisation d’un MITM non protégé par brevet, il doit désormais :
- notifier formellement cette décision à l’ANSM (R. 5124-73-1),
- indiquer les mesures prises pour assurer une transition thérapeutique,
- chercher activement un repreneur pour maintenir la disponibilité du médicament.
Si aucune alternative pérenne n’est identifiée, l’ANSM peut exiger que l’exploitation soit transférée gratuitement à un établissement pharmaceutique public (R. 5124-73-5), avec un renouvellement possible tous les deux ans. Ce transfert ne décharge pas le titulaire de l’AMM de ses obligations.
🧷 Une vigilance accrue à l’officine
Ce décret a un impact opérationnel direct : face à une tension d’approvisionnement, on peut désormais se tourner vers une autorisation ministérielle de préparation spéciale, permettant de dépanner ponctuellement un patient en situation critique. Il faut cependant anticiper les besoins et maintenir un lien étroit avec les prescripteurs pour que ces solutions restent sécurisées et pertinentes.
Il devient aussi crucial de signaler systématiquement les ruptures constatées, car c’est à partir de cette veille que l’ANSM pourra enclencher ses pouvoirs de régulation.
À savoir !
Les préparations officinales spéciales ne peuvent être réalisées que par des pharmacies ayant déjà reçu une autorisation préfectorale de préparation, et uniquement dans le cadre d’un arrêté ministériel publié par l’ANSM.