Ticket modérateur : vers un coût accru pour les patients et des défis pour les pharmaciens

Face à la proposition d'augmenter le ticket modérateur, la part non remboursée par l'Assurance Maladie, les pharmaciens se retrouvent en première ligne. Cette réforme pourrait alourdir la facture des patients, mais aussi accentuer les inégalités d’accès aux médicaments. Entre les frais de gestion élevés des complémentaires santé et le risque d’un système de santé à deux vitesses, les professionnels de santé devront redoubler d'efforts pour accompagner les patients dans leurs choix thérapeutiques, tout en gérant les défis financiers que cette réforme pourrait apporter​.

Par Thomas Kassab, publié le 28 octobre 2024

Ticket modérateur : vers un coût accru pour les patients et des défis pour les pharmaciens

Impact prévu sur la prise en charge des médicaments

L’augmentation du ticket modérateur, bien que centrée sur les consultations médicales, pourrait avoir des répercussions directes sur la prise en charge des médicaments. Actuellement, les remboursements de médicaments de la liste des spécialités sont généralement fixés à 70 %, laissant 30 % à la charge de l’assuré ou de sa complémentaire santé. Avec la proposition d’augmenter cette part non remboursée, la couverture par l’Assurance Maladie pourrait diminuer à 60 %, impliquant un transfert de charge vers les complémentaires. Cette révision du système de remboursement pourrait significativement modifier l’accessibilité financière aux traitements pour les patients sans couverture optimale​.

Les frais de gestion des complémentaires en question

Les complémentaires santé, avec des frais de gestion atteignant 19,4 %, sont beaucoup plus coûteuses à gérer que l’Assurance Maladie, dont les frais se limitent à 4 %. Ce différentiel se traduit par des cotisations plus élevées pour les assurés et un reste à charge plus lourd pour les patients sans complémentaire, notamment ceux ayant des ressources modestes ou des assurances aux garanties limitées. Les pharmaciens pourraient alors être confrontés à des situations de non-paiement ou de retards de règlement, surtout pour les médicaments coûteux, accentuant les difficultés financières des officines face à l’augmentation des impayés.

Vers une augmentation des inégalités d’accès aux médicaments ?

En transférant davantage de frais vers les complémentaires, la réforme pourrait exacerber les inégalités d’accès aux traitements médicamenteux, notamment pour les patients atteints de pathologies nécessitant des traitements réguliers, mais ne bénéficiant pas du statut d’affection longue durée (ALD). Si les ALD restent couvertes à 100 % pour les soins liés à la pathologie, les autres patients pourraient être tentés de renoncer à certains traitements ou de se tourner vers des médicaments génériques moins coûteux. Cette évolution amène un risque accru de renoncement aux soins et pourrait nécessiter davantage de sensibilisation de la part des pharmaciens pour expliquer les alternatives de traitement disponibles​.

Exemple concret

Prenons le cas d’une consultation chez un médecin généraliste conventionné secteur 1, facturée 26,50 €. Aujourd’hui, le remboursement standard de l’Assurance Maladie couvre 70 % de cette consultation, soit 16,55 €, tandis que le patient prend en charge le reste via le ticket modérateur, qui s’élève à 7,95 €, plus la participation forfaitaire de 2 €, soit un total de 9,95 € à la charge du patient.

Avec la réforme envisagée, le taux de remboursement de l’Assurance Maladie passerait de 70 % à 60 %, laissant aux complémentaires santé et aux patients un ticket modérateur de 10,60 € au lieu de 7,95 €. Si le patient dispose d’une complémentaire santé, celle-ci pourrait couvrir cette hausse, mais cela se traduirait par une probable augmentation de ses cotisations mensuelles, en raison des frais de gestion des complémentaires, bien plus élevés que ceux de l’Assurance Maladie. En revanche, pour les patients sans complémentaire santé ou ceux dont la couverture est limitée, cette augmentation pourrait signifier un reste à charge accru, rendant l’accès aux soins moins abordable.

Un système de santé à deux vitesses ?

Certains observateurs craignent que cette réforme n’entraîne un glissement vers un système de santé à deux vitesses, où l’Assurance Maladie se concentrerait sur les “gros risques” (pathologies lourdes), laissant aux complémentaires le soin de couvrir les soins courants et les pathologies bénignes. Ce glissement pourrait accentuer la pression sur les pharmacies, notamment dans le cadre de la gestion des tiers payants et du conseil pour des options de traitement plus abordables. Dans ce contexte, les pharmaciens se retrouvent au centre de l’accompagnement financier et thérapeutique des patients, un rôle crucial face aux inégalités potentielles que pourrait générer la réforme​.