Franchise, ALD, IA… Bayrou impose sa cure d’austérité, avec les officines en première ligne

Avec près de 44 milliards d’euros d’économies à trouver en 2026, François Bayrou engage une réforme d’ampleur du système de santé. Franchises doublées, statuts ALD resserrés, arrêts de travail simplifiés, recours accru à l’intelligence artificielle… Le virage est assumé. Dans cette nouvelle équation budgétaire, le pharmacien devient un acteur clé — à condition d’être correctement armé.

Par Thomas Kassab, publié le 15 juillet 2025

Franchise, ALD, IA… Bayrou impose sa cure d’austérité, avec les officines en première ligne

Un budget sous haute tension

Le gouvernement s’est fixé un objectif clair : ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029. Pour 2026, la trajectoire prévoit déjà 43,8 milliards d’euros d’économies, dont une part substantielle proviendra du champ de la santé. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté de « responsabilisation » des assurés et de maîtrise ciblée des dépenses. François Bayrou n’a pas mâché ses mots : selon lui, la France surconsomme certains soins, notamment les antibiotiques, bien au-delà de ses voisins européens. Dans ce contexte, plusieurs mesures structurantes ont été annoncées. Elles vont directement impacter les pratiques des professionnels de santé, notamment celles des pharmaciens.

Une franchise médicale doublée et assumée

La mesure phare concerne le doublement du plafond annuel des franchises médicales : il passera de 50 à 100 euros par assuré, dès l’année prochaine. Cette disposition devrait rapporter à elle seule près de 5 milliards d’euros. Officiellement, l’objectif est d’encourager un usage plus raisonné des soins. Mais sur le terrain, cette hausse du reste à charge risque d’exacerber les inégalités d’accès aux traitements, en particulier chez les patients polymédiqués ou précaires. À l’officine, les tensions pourraient se multiplier et exiger une vigilance accrue. Le pharmacien devra expliquer, rassurer, proposer des alternatives économiques, mais aussi identifier les signes de renoncement aux soins.

Vers un recentrage du statut ALD

Autre levier d’économies : la révision du statut des affections de longue durée. Aujourd’hui, près de 20 % des Français bénéficient d’une prise en charge à 100 %, contre seulement 5 % en Allemagne. Le gouvernement entend réserver ce remboursement intégral aux seuls traitements directement liés à l’affection reconnue. De plus, une sortie du dispositif ALD pourrait être envisagée en cas de rémission ou de stabilisation. Concrètement, cela signifie un changement profond dans les habitudes de prescription, de dispensation et de compréhension des droits des patients. À l’officine, les demandes d’explication risquent de se multiplier, et les incompréhensions sur la nature des remboursements devront être anticipées. La communication pharmaceutique devra gagner en précision et en empathie.

Médecine du travail contournée, IA plébiscitée

Pour fluidifier le retour à l’emploi après un arrêt maladie, le gouvernement propose de ne plus exiger l’avis du médecin du travail après 30 jours d’arrêt, sauf en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Le médecin traitant pourra seul autoriser la reprise. Cette mesure vise à pallier la pénurie de médecins du travail, mais elle interroge sur le suivi médico-social des patients de retour en activité.

Parallèlement, l’État lance un vaste plan de promotion de l’intelligence artificielle, notamment dans le secteur hospitalier. Le Dossier Médical Partagé (DMP) deviendrait obligatoire pour tous les professionnels de santé. En théorie, cette intégration du pharmacien au cœur du parcours de soin est une bonne nouvelle. Mais elle suppose des outils numériques robustes, sécurisés, interopérables. À défaut, l’objectif d’efficience pourrait rapidement se heurter à la réalité technique du terrain.

Entre ambitions politiques et réalité officinale

Plusieurs syndicats ont salué certaines intentions du plan, notamment le renforcement du rôle des officinaux dans les zones sous-dotées, avec la clarification du régime des gardes et l’ouverture d’antennes plutôt que de nouvelles officines concurrentes. En revanche, d’autres professionnels, notamment les paramédicaux, s’inquiètent du risque de désorganisation et de report de charge. Le monde officinal, lui, reste vigilant : les revendications portent notamment sur l’amélioration des outils de traçabilité, le renforcement de la prévention à l’officine et la reconnaissance effective des nouvelles missions dans le cadre du prochain PLFSS.

Enjeux et impacts officinaux

Enjeux Impacts officine
Reste à charge accru Plus de conseils sur les génériques, vigilance accrue sur le bon usage, gestion des refus de remboursement
Revalorisation du rôle du pharmacien Positionnement renforcé dans le parcours de soin, développement des missions de prévention et d’éducation
Complexité administrative Adaptation aux nouvelles règles de prise en charge des ALD, anticipation des réclamations et contestations
Digitalisation croissante Intégration au DMP, montée en compétences sur les outils numériques, sécurisation des données
Renfort territorial Évolution du maillage officinal, implication dans les gardes, rôle accru en zone de désert médical

Ce qu’il faut retenir

Le plan de redressement budgétaire porté par François Bayrou marque une inflexion majeure dans la gestion du système de santé. Derrière la logique de maîtrise des coûts se joue une recomposition profonde du parcours de soin.Pour les pharmaciens, ce tournant est autant une contrainte qu’une opportunité : celle de réaffirmer leur rôle d’acteurs de proximité, de pédagogues et de pivots du soin coordonné. Encore faut-il que les moyens soient à la hauteur des responsabilités.