Préparations magistrales de sertraline : les préparatoires disent non
Face à des prix imposés jugés intenables, les préparatoires français ont décidé à l’unanimité de ne pas produire de sertraline en 2025. Fabien Bruno, titulaire du préparatoire Delpech à Paris, dénonce un simulacre de concertation et alerte sur l’effondrement du système face aux pénuries.

Depuis le 13 mai, les pharmaciens sont autorisés à dispenser des préparations magistrales de sertraline pour pallier la pénurie de Zoloft® et de ses génériques. Trois formes sont concernées : 7 gélules à 25 mg, 28 gélules à 25 mg, et 28 gélules à 50 mg. Mais, les prix arrêtés par les autorités — de 15,72 € à 17,59 € TTC — provoquent un tollé dans la profession. À tel point que les 40 sous-traitants officiels ont décidé de ne pas produire. Fabien Bruno, titulaire du Préparatoire Delpech à Paris, revient pour nous sur cette décision radicale.
« Nous avons dit non. Collectivement. »
« La DSS nous avait proposé 8 € au départ », explique Fabien Bruno. « On leur a démontré que rien que la main-d’œuvre coûte déjà 9 €. Nous avions proposé 23 €, ils ont arbitrairement fixé 15 €. C’est intenable. On ne peut pas produire à ce prix sans perdre de l’argent. »
Même pour un gros préparatoire comme le sien, le calcul est vite fait : « 15 €, moins les 2 € de frais de transport qu’on ne peut facturer, ça revient à 13 € nets. J’ai 9 € de main-d’œuvre, 4 € de matières premières, gélules, électricité… C’est une vente à perte. Pour les plus petits préparatoires, c’est pire. »
Une concertation de façade ?
« Ils ont simulé une concertation, mais ils savaient très bien qu’on ne pourrait pas produire à ce tarif. C’est une façon de respecter la loi sans donner les moyens d’agir. L’ANSM pousse les préparations en cas de pénurie, mais la DSS fait tout pour qu’on ne puisse pas les fabriquer », fustige-t-il.
Cette contradiction révèle, selon lui, une stratégie de blocage : « Ils préfèrent que les préparations ne se fassent pas, quitte à laisser les patients sans traitement. C’est une décision politique, pas sanitaire. »
Une décision au détriment des patients
Le résultat est sans appel : « Aucun préparatoire ne produira de sertraline à ce tarif. Ce sont des milliers de patients qui resteront sans solution. »
Et le pharmacien de souligner l’absurdité économique : « Un patient sans traitement, c’est un passage à l’hôpital, donc un coût bien plus élevé que le surcoût marginal d’une préparation officinale. Tout cela est insensé. »
Un climat de défiance
La matière première, déjà achetée par certains, sera détruite. « On a commandé 60 kg à 500-600 € le kilo. On préfère perdre cette somme plutôt que de valider un modèle qui nous ruine. »
Pour les prochaines tensions, la prudence domine : « Pour la venlafaxine, par exemple, on n’a rien commandé. On attendra l’arrêté de prix. Mais, ça veut dire plus de délais, plus de rigidité. »
« C’est l’année de la santé mentale, vraiment ? »
« On pourrait fournir ces traitements pour un prix à peine plus élevé que les spécialités, et on nous en empêche », déplore Fabien Bruno. « On compare avec les prix français, mais dans d’autres pays, nos préparations sont au prix des spécialités. En France, on s’appauvrit à une vitesse phénoménale. »
Et de conclure, amer : « Si rien ne change, la France médicale deviendra un pays du tiers-monde ! »
Tarifs officiels des préparations de sertraline
Forme préparée | Frais de préparation | Frais de dispensation | Prix public TTC |
---|---|---|---|
7 gélules 25 mg | 14,00 € | 1,72 € | 15,72 € |
28 gélules 25 mg | 15,49 € | 1,98 € | 17,47 € |
28 gélules 50 mg | 15,66 € | 1,93 € | 17,59 € |
Arrêté publié au Journal officiel du 14 mai 2025.