PLFSS 2026 : pourquoi l’article 7 bis secoue le réseau officinal
Inséré à l’Assemblée nationale puis vivement critiqué, l’article 7 bis du PLFSS 2026, consacré à un avantage fiscal destiné à certaines coopératives de pharmaciens, s’est imposé comme l’un des sujets les plus sensibles du moment. Contesté par le gouvernement, réinterrogé par le Sénat, il révèle surtout les profondes lignes de tension qui traversent l’économie officinale.
Un amendement devenu un point de rupture
L’article 7 bis est né dans un contexte où toutes les structures du réseau officinal cherchent à consolider leur modèle. Le texte prévoyait l’instauration d’un dispositif fiscal et social spécifique, exclusivement réservé à certaines coopératives de pharmaciens. Pour ses promoteurs, il s’agissait d’un outil pour sécuriser l’avenir de l’officine. Pour ses opposants, une initiative ciblée, insuffisamment évaluée et susceptible d’introduire une distorsion entre acteurs.
Sa formulation, jugée par certains comme trop limitée et sans chiffrage public clair, a immédiatement suscité un débat interne au réseau : la profession doit-elle accepter des dispositifs réservés à une forme particulière d’organisation, au risque de créer des disparités entre officines, ou exiger des réformes globales et transversales ?
Une critique politique inhabituelle
L’amendement n’a pas seulement divisé la profession. Il a été explicitement critiqué sur le terrain politique. La ministre aurait qualifié le dispositif de « mal ciblé », tandis que la commission des Affaires sociales du Sénat l’a décrit comme « peu opérationnel ». Ces positions, rarement aussi directes sur un sujet touchant à l’économie officinale, montrent à quel point le texte a été perçu comme fragile, voire inapproprié dans la méthode.
Derrière ces formulations se dessine une lecture plus large : l’idée que les réformes d’envergure pour l’officine doivent s’appuyer sur un cadre argumenté, objectivé, chiffré et pensé pour tous. Le reproche adressé à l’article 7 bis ne porte donc pas uniquement sur son contenu, mais sur sa philosophie.
Le rapport IGAS-IGF de 2025, un point d’appui contesté
Les défenseurs de l’amendement ont invoqué le rapport IGAS-IGF de mai 2025. Ce document, encore partiellement public, évoque la nécessité d’une modernisation structurelle du réseau : évolution du modèle économique, adaptation de la distribution, renforcement des marges, transformation digitale. Néanmoins, aucun élément connu ne laisse penser que les auteurs recommandaient la création d’un avantage fiscal réservé à certaines coopératives.
L’usage de ce rapport pour justifier un dispositif ciblé, plutôt que des réformes transversales, a alimenté une incompréhension dans une partie du réseau. Plusieurs acteurs ont exprimé le sentiment que le texte ne s’inscrivait pas dans l’intérêt collectif de l’officine, mais dans une logique segmentée.
Un contexte économique qui amplifie les tensions
L’affrontement autour de l’article 7 bis ne peut être compris sans analyser la situation économique dans laquelle évoluent les pharmacies. Les marges se resserrent, les missions se multiplient, le maillage territorial est fragilisé et la pression sur la trésorerie est croissante. Dans ce cadre, chaque mesure du PLFSS est scrutée comme une potentielle menace ou un levier de survie.
Cette tension générale explique la sensibilité extrême de la profession sur toute mesure susceptible de favoriser un groupe plutôt qu’un autre. Le débat ne porte pas seulement sur un amendement technique mais sur la cohésion du réseau et la possibilité, ou non, de réformes différenciées.
Le Sénat s’oriente vers une suppression
La commission du Sénat a recommandé la suppression pure et simple de l’article 7 bis dans son rapport sur le PLFSS 2026. Ce positionnement n’équivaut pas à une suppression définitive, car le texte reste à l’étude dans le cadre de la navette parlementaire, mais il constitue un signal politique net : la mesure n’a pas convaincu.
Pour l’instant, l’article figure toujours dans les documents transmis au Sénat, mais sa probabilité d’être retiré ou profondément remanié est désormais forte. Le dossier reste néanmoins ouvert, et ses évolutions dépendront des arbitrages gouvernementaux et de la majorité parlementaire.
Ce que révèle réellement l’affaire du 7 bis
Au-delà de la question technique de l’avantage fiscal, l’article 7 bis met en lumière une fracture plus profonde : celle de la gouvernance du réseau officinal. La profession se trouve face à une alternative stratégique. Soit elle accepte une logique de dispositifs ciblés, adaptés à certains modèles économiques ; soit elle réaffirme la nécessité de réformes globales, pensées pour toutes les officines, quels que soient leur taille, leur statut ou leur appartenance.
Dans une période marquée par la recherche d’un nouveau modèle économique, les tensions autour du 7 bis illustrent une exigence forte : chaque réforme doit être lisible, chiffrée, transparente et défendue selon une logique collective, et non segmentée.
Un appel à un débat plus structuré
Beaucoup de représentants du réseau jugent que l’épisode du 7 bis doit servir de rappel méthodologique. Une réforme concernant l’officine doit être construite sur des bases solides, documentées, et élaborées avec l’ensemble des parties prenantes. Les annonces rapides, les dispositifs ciblés ou les références approximatives à des rapports administratifs sont désormais perçus comme des sources d’instabilité.
Le débat autour de cet amendement pourrait finalement devenir une opportunité : celle de redéfinir la manière dont la profession souhaite aborder sa transformation économique. Une transformation qui ne pourra se faire qu’avec des réformes partagées, claires et objectivées.