Interview exclusive - Julien Chauvin (FSPF) clarifie la polémique : « Nous ne voulons pas d’un tout honoraire »

Face aux réactions virulentes de l’UDGPO et de l’UNPF après les propos de Philippe Besset sur le “tout honoraire”, Pharma365 a recueilli les explications de Julien Chauvin, président de la commission Études et stratégie économiques de la FSPF. Il revient sur la genèse du débat, la position réelle du syndicat, les relations avec les groupements et les menaces économiques du PLFSS 2026.

Par Thomas Kassab, publié le 16 octobre 2025

Interview exclusive – Julien Chauvin (FSPF) clarifie la polémique : « Nous ne voulons pas d’un tout honoraire »

Les propos de Philippe Besset ont suscité des réactions très vives, certains évoquant un “tout honoraire suicidaire”. Quelle est votre lecture de cette polémique ?

Julien Chauvin : Il faut remettre les choses dans leur contexte. Philippe Besset n’a jamais proposé de passer à un modèle tout honoraire. Il a simplement expliqué que, dans un monde idéal, il serait logique de se déconnecter des baisses de prix qui fragilisent les pharmaciens, notamment sur les génériques. Mais, il a précisé dans la même phrase que ce scénario n’était pas réalisable. Cette nuance n’a pas été reprise partout.

Le tout honoraire n’est pas viable.

Aujourd’hui, il est évident que le tout honoraire n’est pas viable. Un honoraire fixe ne permet aucune perspective de croissance, alors que notre économie doit pouvoir absorber la hausse des charges. Nous avons besoin d’un levier de marge sur le médicament.

Quelle serait la bonne répartition entre marge et honoraires ?

J.C. : C’est une question complexe, à laquelle nous ne voulons pas répondre à la légère. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons lancé une grande concertation nationale auprès de tous nos adhérents, pour recueillir les avis du terrain. L’objectif est clair : réduire l’impact des baisses de prix sur les génériques tout en maintenant l’équilibre économique des groupements.

La marge dégressive lissée est porteuse de croissance.

Supprimer totalement la marge commerciale serait une erreur, car les groupements font partie intégrante du modèle officinal. Mais, un honoraire seul ne permettrait pas de dégager de croissance. Il faut trouver un compromis, un système mixte où la marge ne soit pas écrasée par les baisses de prix.

C’est un levier qui nous permet encore d’évoluer positivement, même dans un contexte économique tendu. La supprimer reviendrait à se couper de toute perspective d’amélioration.

Certains reprochent à la FSPF de ne pas associer les groupements aux discussions économiques. Que leur répondez-vous

J.C. : La réflexion sur le modèle économique doit être collective, et elle l’est.

Il faut ne pas confondre négociation et réflexion.

De nombreux responsables de groupements – qui sont eux-mêmes pharmaciens – participent déjà à nos échanges et font remonter des propositions. En revanche, la négociation conventionnelle est encadrée par la loi : elle relève des syndicats représentatifs et de l’Assurance maladie.

Cela ne veut pas dire que nous fermons la porte aux groupements, bien au contraire. Certains d’entre eux se sont récemment rapprochés de la FSPF pour une réflexion partagée sur les futurs équilibres économiques.

Que pensez-vous de la création d’un troisième syndicat de pharmaciens avant le 20 ou 21 octobre ?

J.C. : Créer un syndicat en quelques jours paraît peu crédible. Cela ressemble davantage à une réaction de protection exagérée, ou à un projet déjà en gestation depuis quelque temps.

Une réaction de protection exagérée.

Nous ne changerons pas notre ligne sous pression. Il est hors de question de signer un engagement symbolique “anti-honoraire”. Ce n’est pas ainsi que nous travaillons.

Encore une fois, il n’a jamais été question pour la FSPF de passer au « tout honoraire ». Ce n’est ni souhaitable, ni applicable dans l’état actuel de notre économie.

Comment expliquez-vous la montée des tensions entre syndicats et groupements ?

J.C. : C’est une situation regrettable. Les groupements ont permis au réseau officinal de se renforcer, d’améliorer ses conditions d’achat et de structuration.

Nous ne sommes pas ennemis des groupements, bien au contraire.

Mais, il ne faut pas être naïf : une partie du modèle économique des groupements repose sur les remises génériques, et il est normal qu’ils se sentent menacés dès qu’on évoque une remise à plat de ce système.
Ce réflexe défensif est compréhensible, mais il ne doit pas se transformer en fracture. L’ennemi n’est pas la FSPF. L’ennemi, ce sont les décisions publiques qui fragilisent notre modèle économique, comme le plafonnement des remises, les appels d’offres ou les baisses de prix successives.

Le PLFSS 2026 inquiète la profession. Quelles sont vos lignes rouges ?

J.C. : Nous sommes fermement opposés au doublement des franchises médicales, qui passeraient de 1 à 2 € par boîte et de 50 à 100 € de plafond annuel. Ensuite, il est hors de question que les pharmaciens soient chargés de les collecter. Ce serait une source de tension au comptoir, d’injustice pour les patients en ALD, et un frein à l’observance.
Autre sujet : les appels d’offres pour les génériques et biosimilaires. Ce type de mécanisme serait la mort assurée des groupements et, à terme, une déstructuration du maillage officinal. Nous nous y opposerons avec la même détermination.

Peut-on encore espérer une unité de la profession face à ces menaces ?

J.C. : Oui, j’en suis convaincu. Nous avons deux forces : nos patients et les parlementaires.
L’opinion publique est de notre côté : les Français tiennent à leur pharmacie de proximité. Ensuite, le soutien que nous avons reçu des parlementaires cet été a été exceptionnel. Nous devons nous appuyer sur cet élan pour défendre un modèle équilibré et durable.

Peut-on encore « vivre du médicament » ?

J.C. : Bien sûr. C’est dans l’ADN de notre profession. Les nouvelles missions ne représentent encore qu’environ 1 % de notre rémunération, mais elles contribuent déjà à 30 % de la progression de notre marge. Elles doivent continuer à se développer, notamment la vaccination. Mais c’est bien la marge dégressive lissée qui reste aujourd’hui le moteur de croissance de notre économie. La supprimer serait une erreur stratégique majeure. Nous devons simplement trouver un mécanisme pour la protéger des baisses de prix.

Un dernier mot ?

J.C. : Nous ne voulons pas opposer les syndicats aux groupements. Nous voulons sauvegarder l’économie du médicament et la diversité du réseau officinal. Le tout honoraire n’est pas viable, la suppression de la marge serait une catastrophe, et la division de la profession ne profiterait à personne.
Notre combat, c’est celui de la pérennité du métier.