FSPF–Almerys : un avenant pour assainir les flux et répondre à l’exaspération des officines
La FSPF annonce un avenant structurant avec Almerys pour fiabiliser les flux de tiers payant. Derrière les éléments officiels, ce texte répond à un malaise bien réel : la persistance des rejets injustifiés et la charge administrative qu’ils génèrent en officine.
Un avenant très politique dans un contexte de saturation des officines
Le partenariat entre la FSPF et Almerys semblait déjà solide depuis 2023, mais l’avenant signé cette semaine lui donne une nouvelle portée. En apparence, il s’agit d’un simple ajustement technique. Dans les faits, l’accord tombe à un moment où les officinaux expriment un ras-le-bol croissant face à des rejets qu’ils jugent incompréhensibles et à une complexité administrative devenue disproportionnée.
Les échanges avec les groupements ces derniers mois l’ont montré : le tiers payant n’est plus seulement un “service” offert aux patients, c’est un irritant organisationnel qui pèse directement sur le temps médical disponible au comptoir.
Visiodroits, un outil efficace…
L’avenant repose sur le pilier instauré en 2023 : la consultation des droits en ligne via la norme Visiodroits. Dans les officines qui l’utilisent réellement — et dont les LGO l’ont intégré de façon fluide — le retour est globalement positif : moins de mauvaises surprises, moins d’appels aux organismes, et moins de rejets liés à des droits résiliés non mis à jour.
Cependant, la réalité est plus nuancée. Tous les logiciels ne proposent pas une expérience aussi directe, et certains pharmaciens confient qu’ils doivent encore jongler entre plusieurs écrans, attendre que le serveur réponde, ou refaire une tentative lorsque le flux tarde à s’actualiser. Autrement dit, Visiodroits est un progrès, mais pas encore un standard parfaitement uniforme.
L’avenant a probablement pour objectif caché d’accélérer cette uniformisation en rendant l’accréditation Visiodroits incontournable dans le dialogue technique entre l’officine et Almerys.
L’indemnisation des rejets à tort
La mesure la plus commentée est évidemment l’indemnité d’un euro pour chaque facture rejetée à tort alors qu’elle comporte une accréditation Visiodroits.
Ce n’est pas tant le montant qui retient l’attention — dérisoire au regard du temps perdu lors d’un rejet — mais le symbole. Pour la première fois, un opérateur reconnaît explicitement que certains rejets ne sont pas imputables à l’officine et qu’ils doivent être traités comme tels.
Dans un écosystème où chacun se renvoie souvent la responsabilité des anomalies (LGO, mutuelles, opérateurs TP, bases non mises à jour…), la démarche a le mérite de clarifier les torts lorsque la pharmacie a fait la vérification correcte.
Plusieurs observateurs du secteur y voient également un moyen pour Almerys de se distinguer face à la concurrence, dans un marché où la fiabilité des flux devient un critère central pour les groupements et les pharmaciens indépendants.
Fin de l’indemnité de télétransmission
En contrepartie, l’indemnité de télétransmission est abandonnée.
Cette indemnité existait depuis des années, parfois perçue comme un vestige d’une époque où la télétransmission nécessitait une expertise technique plus lourde. Dans les faits, elle représentait une recette régulière mais modeste pour les officines.
Le choix de la supprimer n’est pas anodin. Il marque le passage d’un système de rémunération fondé sur le simple envoi de flux à un modèle centré sur la qualité réelle de ces flux. C’est exactement l’axe que la FSPF avait déjà défendu dans d’autres conventions avec d’autres opérateurs.
Autrement dit, l’écosystème glisse vers une logique : “on ne paye plus pour télétransmettre, on paye pour télétransmettre juste”.
Pourquoi cet avenant ?
Le calendrier interroge, mais plusieurs éléments permettent de comprendre la temporalité.
D’abord, la montée en puissance de l’Identité Nationale de Santé (INS) impose une rigueur accrue dans la transmission des données. Les rejets liés à des identités incohérentes ont augmenté dans plusieurs départements depuis le déploiement massif de l’INS dans les logiciels de gestion.
Ensuite, les complémentaires santé ont, ces dernières années, complexifié leurs offres : options modulaires, renforts, exclusions spécifiques, fusions de mutuelles.
Chaque changement non synchronisé dans les systèmes augmente le risque de rejet au comptoir, souvent sans que le patient lui-même ne soit au courant de la modification.
Enfin, la pression sur les équipes officinales n’a jamais été aussi forte : vaccination, prévention, missions nouvelles, e-prescription… Dans ce contexte, un litige TP de plus est littéralement “la goutte de trop”.
Cet avenant tente donc d’absorber une partie de cette tension systémique.
Des gains concrets, mais qui devront se confirmer dans les faits
Pour les équipes, l’impact le plus immédiat devrait être une diminution des rejets réellement injustifiés, et donc une réduction du temps passé à les gérer. La rétroactivité au 1ᵉʳ janvier 2025 est un autre phénomène notable : elle montre que la discussion ne date pas d’hier et que les deux parties ont anticipé un besoin d’ajustement depuis plusieurs mois.
Toutefois, la réussite dépendra largement de deux éléments que le communiqué ne dit pas :
la capacité des LGO à intégrer pleinement Visiodroits, et la réactivité d’Almerys lorsqu’un rejet se voit contesté sur la base de l’accréditation.
C’est là que se jouera la différence entre un avenant théorique et une réelle amélioration du quotidien officinal.