En direct du CNDP - “Mon Bilan Prévention” à l’officine : simple, utile… et rentable

Comment transformer le bilan de prévention en levier officinal sans alourdir le quotidien ? Lors du CNDP, David Pérard livré une méthode concrète, fondée sur la pédagogie, l’organisation et la conviction que la prévention peut devenir à la fois un outil de santé publique et un moteur économique pour la pharmacie.

Par Thomas Kassab, publié le 12 octobre 2025

En direct du CNDP – “Mon Bilan Prévention” à l’officine : simple, utile… et rentable

Créer une vraie culture de la prévention

« On ne fera pas de prévention si on ne comprend pas pourquoi on la fait », a d’abord rappelé David Pérard. Le Bilan de Prévention (MBP) n’est ni une consultation ni un diagnostic : c’est un temps d’écoute et de repérage pour responsabiliser le patient, l’aider à adopter de nouvelles habitudes et prévenir les maladies chroniques. L’enjeu est majeur : 80 % des maladies cardiovasculaires et des diabètes de type 2, et 40 % des cancers, pourraient être évités en agissant sur les facteurs de risque modifiables (tabac, alcool, sédentarité, surpoids, alimentation, stress environnemental…).
Autrement dit, prévenir plutôt que guérir devient enfin possible au comptoir. Le bilan permet d’adapter les messages à chaque individu, loin des injonctions impersonnelles du type « mangez moins sucré » ou « faites du sport ». Pour la première fois, la profession dispose d’un outil structuré pour ancrer la prévention dans le quotidien officinal.

Le pharmacien, carrefour de la prévention

Le MBP valorise pleinement la mission de santé publique du pharmacien. Accessible, disponible, capable d’une vision à 360° sur le traitement et les habitudes du patient, l’officine est le point d’entrée idéal pour créer une culture de prévention. David Pérard a souligné :

Pour une fois, on n’a rien à vendre : seulement à s’intéresser à la santé de nos patients

L’intérêt est aussi collectif : développer ces bilans, c’est renforcer les compétences de l’équipe, redonner du sens à l’acte officinal et participer activement à la réduction des inégalités d’accès à la prévention.

Une porte d’entrée élargie : l’âge

Jusqu’à présent, les accompagnements officinaux reposaient sur le médicament (AOD, AVK, corticoïdes, asthme) ou sur l’ordonnance (polymédication). Désormais, le critère d’éligibilité est l’âge, ce qui multiplie le potentiel : environ 1 000 patients par officine. Le MBP devient ainsi la pierre angulaire d’un parcours global : on commence par la prévention, on poursuit avec le dépistage, la vaccination, un entretien asthme ou AOD, voire un bilan de médication.
Selon les simulations de l’intervenant, un seul bilan par semaine peut générer plus de 16 000 € de marge annuelle, soit environ 65 000 € de chiffre d’affaires TTC. De quoi montrer que la prévention a aussi un impact économique tangible, au-delà de la mission de santé publique.

Le déroulé type d’un bilan de prévention

Le MBP dure 20 à 30 minutes en moyenne. Trois étapes clés structurent l’entretien : repérer, prioriser, planifier.
On commence par le repérage : à l’aide de l’auto-questionnaire rempli par le patient en amont (idéalement, mais non obligatoire), on identifie les “warnings” : sédentarité, excès alimentaires, consommation d’alcool, sommeil perturbé, tabagisme… Le professionnel s’appuie ensuite sur la fiche de repérage pour creuser un ou deux thèmes ciblés.
Deuxième étape : la priorisation. Le patient choisit le domaine sur lequel il souhaite agir : « Parmi ce qu’on a évoqué, qu’est-ce qui vous préoccupe le plus ? » L’idée est d’éviter les injonctions (“il faut que”) pour adopter la posture motivationnelle : écouter, reformuler, encourager le changement à son rythme.
Troisième étape : la planification. Ensemble, on rédige le Plan Personnalisé de Prévention (PPP) : un document synthétique, co-construit, avec des étapes simples et concrètes. Exemple : se garer dix minutes plus loin du travail, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, participer à “Mois sans tabac”, activer le podomètre du téléphone et viser 1 000 pas de plus par jour.
Ce PPP, seule pièce à tracer et à téléverser dans le DMP ou Mon Espace Santé, formalise l’engagement du patient.

Des outils clés… mais à utiliser avec discernement

Les autorités de santé ont mis à disposition de nombreux supports : auto-questionnaires, fiches de repérage, tests cliniques optionnels (IMC, TA, audition, vue), fiches thématiques et ressources complémentaires. David Pérard a précisé :

Il ne faut pas se noyer dans la paperasse : trois outils bien maîtrisés suffisent

Dans 95 % des cas, les échanges portent sur quatre thèmes : alimentation, activité physique, sommeil et vaccination. Le reste (addictologie, santé sexuelle, ménopause, etc.) est plus occasionnel. L’essentiel est de personnaliser le conseil et d’orienter si besoin vers les ressources existantes : Maisons Sport-Santé, mangerbouger.fr, tabac-info-service.fr, associations ou professionnels de santé.

En pratique, comment s’organiser ?

La mise en place doit être progressive, collective et bienveillante. Tout commence par l’inscription de l’officine comme effecteur sur Santé.fr, puis par une courte phase de familiarisation avec les outils. On propose systématiquement le MBP à chaque patient entrant dans une tranche d’âge concernée, que ce soit au moment d’un conseil, d’une vaccination, d’un TROD ou d’une délivrance d’ordonnance.
L’accroche doit être engageante : « On peut faire ensemble un bilan de prévention, pris en charge par l’Assurance maladie, pour vous aider à rester en forme plus longtemps ». Ensuite, on fixe des créneaux dédiés ou un pharmacien référent, on identifie deux patients motivés pour débuter, et on échange en équipe sur les bonnes pratiques : phrases qui engagent, retours d’expérience, difficultés rencontrées.

L’idée n’est pas de tout révolutionner, mais de faire du bilan un réflexe

 insiste l’intervenant. D’après lui, les objections tombent vite : le médecin n’a pas le temps de le faire, le patient est souvent demandeur, et le format 25 minutes reste compatible avec l’activité quotidienne.

Un acte valorisé et traçable

Le MBP est facturé 30 € (code RDP), un seul par patient et par tranche d’âge. Pour les pharmaciens, il peut se cumuler avec une vaccination ou la remise du kit de dépistage colorectal lorsque ces actes découlent du bilan. La seule traçabilité obligatoire concerne le PPP, à transmettre via messagerie sécurisée, DMP ou Espace Santé.
En interne, la tenue d’un tableau de bord simplifié (nombre de bilans, thèmes traités, orientation réalisée) permet de suivre l’activité et de fédérer l’équipe autour d’un objectif commun. « Le retour d’expérience est essentiel : on apprend en faisant », a insisté David Pérard.

De la théorie à l’action

Il n’est pas nécessaire d’être grand pour commencer, mais il faut commencer pour devenir grand

, a conclu le conférencier, citant Zig Ziglar.
Le message est clair : inutile de viser la perfection dès le premier jour. Mieux vaut faire un premier bilan, en tirer des enseignements, puis enchaîner. Très vite, la durée diminue, la fluidité s’installe, et l’équipe prend confiance.
Le MBP n’est pas une contrainte administrative supplémentaire : c’est une opportunité — pour les patients, pour la profession, et pour l’économie officinale. Une manière concrète de replacer la prévention au cœur du métier, là où l’officine démontre chaque jour sa valeur ajoutée : écouter, orienter, accompagner.