Asthme d’orage : quand la météo déclenche la crise

Phénomène rare mais spectaculaire, l’« asthme d’orage » survient brutalement lors d’épisodes orageux. Pour le Dr Vincent Nguyen, pneumologue à Bordeaux et membre de Santé Respiratoire France, il s’agit de « crises massives et simultanées, déclenchées par l’inhalation de particules ultrafines issues de pollens fragmentés par l’orage ». Un sujet encore méconnu, qui doit pourtant alerter et mobiliser l’officine.

Par Thomas Kassab, publié le 26 août 2025

Asthme d’orage : quand la météo déclenche la crise

Docteur Laurent Nguyen, pneumologue à Bordeaux et membre de l’association Santé respiratoire France

Un mécanisme contre-intuitif

À rebours de l’idée reçue selon laquelle la pluie nettoie l’air, l’orage agit comme un catalyseur. Sous l’effet combiné de l’électricité, de l’humidité, des variations de pression et des rafales descendantes, les grains de pollen se fragmentent en microparticules de moins de 5 µm.

« C’est un véritable cocktail explosif : chute brutale de température, foudre, humidité et concentration de particules à hauteur d’inhalation », résume le Dr Nguyen.

Ces particules pénètrent profondément dans l’arbre bronchique et déclenchent un bronchospasme aigu.

Des patients pas toujours asthmatiques

La particularité de l’asthme d’orage est de frapper bien au-delà des asthmatiques connus. Dans la majorité des cas hospitalisés, les patients souffrent simplement d’une rhinite pollinique, le plus souvent liée aux graminées.

« Dans 70 à 90 % des hospitalisations, il s’agit de patients qui n’avaient jamais été diagnostiqués asthmatiques », rappelle le pneumologue.

Une toux récurrente, des sifflements ou une conjonctivite saisonnière peuvent suffire à révéler un terrain allergique méconnu, exposant à des crises graves en cas d’orage violent.

Les signes d’alerte à reconnaître

La toux inhabituelle, la dyspnée, l’oppression thoracique et les sifflements doivent être considérés comme des signaux d’alerte, surtout lorsqu’ils apparaissent brutalement dans un contexte orageux. Les signes de gravité – essoufflement majeur, gêne à la parole, désaturation, balancement thoraco-abdominal – imposent une réaction immédiate. « La règle, insiste le Dr Nguyen, est simple : face à des signes de gravité, il faut agir vite, utiliser le traitement de secours et appeler le 15. »

Prévenir et anticiper à l’officine

Pour les patients déjà asthmatiques ou allergiques, le suivi thérapeutique et la bonne utilisation des dispositifs d’inhalation constituent la première ligne de prévention. Le pharmacien doit veiller à la présence d’un traitement de fond, rappeler l’importance de l’observance, et s’assurer que la gestuelle des inhalateurs est bien maîtrisée.

« L’apprentissage et la répétition sont fondamentaux, souligne le pneumologue. Le patient doit être pleinement en capacité d’utiliser ses dispositifs. »

Lorsqu’un orage est annoncé, il est recommandé de fermer les fenêtres, d’éviter les activités en extérieur et de privilégier une ventilation mécanique. Le masque chirurgical ou FFP2 peut réduire l’exposition aux pollens, même s’il reste contraignant en période chaude.

Une charge sanitaire et climatique croissante

Si les épisodes restent rares, leur impact peut être massif. L’Australie a connu en 2016 une vague d’asthme d’orage avec 10 000 personnes touchées et 10 décès. En France, plusieurs épisodes ont été documentés, à Nantes en 2013, en Île-de-France en 2023, et en Normandie en juin 2025. Avec le réchauffement climatique, la saison pollinique s’allonge, la charge allergénique des pollens augmente et les épisodes météorologiques extrêmes se multiplient.

« Pollution, pollens et orages forment un triptyque redoutable », alerte le Dr Nguyen.

Quels réflexes avoir à l’officine ?

En officine, on doit repérer les patients rhinitiques allergiques, vérifier l’usage répété d’un bronchodilatateur sans traitement de fond, et proposer un entretien confidentiel pour réexpliquer la technique d’inhalation. Il faut également rappeler l’intérêt d’une trousse d’urgence (bronchodilatateur, antihistaminique, corticoïdes si prescrits) et orienter sans délai vers le médecin ou le SAMU en cas de symptômes sévères.