Acte réalisé par un préparateur : quelles conséquences pour le titulaire et le préparateur en cas de manquement ?

Le préparateur en pharmacie exerce sous la responsabilité et la surveillance du pharmacien titulaire d’officine qui est l’acteur central du fonctionnement de l’officine. En tant que chef d’entreprise et pharmacien, il est ainsi soumis à diverses obligations tenant tant à la vérification des conditions d’exercice des préparateurs qu’à l’organisation de son officine. Si le préparateur demeure en partie responsable de ses actes lorsqu’une faute ou un dommage en découle, la responsabilité disciplinaire, civile, mais également pénale du pharmacien est également susceptible d’être engagée.

Mathieu Da Silva, Avocat au Barreau de Paris / www.dasilva-avocat.com, publié le 03 octobre 2025

Acte réalisé par un préparateur : quelles conséquences pour le titulaire et le préparateur en cas de manquement ?

Le pharmacien titulaire, acteur central du fonctionnement de l’officine

Le pharmacien titulaire exerce personnellement la pharmacie en s’entourant de pharmaciens adjoints, d’étudiants en pharmacie ainsi que de préparateurs en pharmacie.

En sa qualité de pharmacien, il est seul habilité à réaliser les actes prévus par le code de la santé publique (art. L. 5125-1 et R. 5125-33-5 et suivants du CSP) :

  • La dispensation au détail de certains médicaments, produits et objets (médicaments destinés à l’usage de la médecine humaine, préparation des objets de pansements, vente de plantes médicinales… ; art. L. 4211-1 et L. 5125-24 du CSP) ;

  • La dispensation de certains médicaments expérimentaux ou auxiliaires,

  • L’exécution de préparations magistrales ou officinales,

  • Le conseil pharmaceutique,

  • L’exercice de missions spécifiques (soins de premiers recours, permanence des soins, éducation thérapeutique, prescription de certains vaccins, délivrance de certains médicaments sans ordonnance… ; art. L. 5125-1-1 Adu CSP).

En raison des impératifs de santé publique et de sécurité des patients, ces missions ne peuvent être exercées que par des pharmaciens, à l’exclusion notamment des préparateurs en pharmacie, sauf exception prévue par la loi ou le règlement (telle que l’autorisation désormais abrogée qui permettait aux préparateurs en pharmacie de réaliser des tests antigéniques).

Dans ce cadre, les missions qui relèvent des préparateurs en pharmacie sont limitativement énumérées par le code de la santé publique. Ils ont ainsi pour mission de seconder le pharmacien titulaire de l’officine et les pharmaciens qui l’assistent dans la délivrance de médicaments destinés à la médecine humaine (art. L. 4241-1 du CSP). Ils peuvent également administrer certains vaccins sous la supervision du pharmacien, et réaliser les actes limitativement énumérés par les textes qui les visent.

Les préparateurs ne peuvent nullement se substituer au pharmacien pour la réalisation des missions attachées au diplôme de pharmacien, et doivent donc strictement respecter les limites des missions qui leur sont confiées par la loi(art. L. 4241-3 du CSP).

Mathieu Da Silva, Avocat au Barreau de Paris

Mathieu Da Silva, Avocat au Barreau de Paris

Responsabilité du pharmacien titulaire d’officine en cas d’emploi d’un préparateur en situation d’exercice illégal

En premier lieu, lorsque le pharmacien titulaire s’associe les compétences d’un préparateur en pharmacie, il est tenu de vérifier que celui-ci satisfait aux conditions d’exercice requises par le code de la santé publique.

Le pharmacien titulaire est tenu de s’assurer du respect de ces conditions préalablement et tout au long de leur exercice.

En effet, à défaut par exemple de justifier du diplôme requis, l’exercice illégal de la profession de préparateur en pharmacie sera caractérisé et puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (art. L. 4243-1 du CSP).

Cette infraction a des conséquences directes pour le pharmacien titulaire d’officine, qui est responsable pénalements’il emploie, même occasionnellement, en qualité de préparateur en pharmacie une personne qui ne satisfait pas aux conditions légales et réglementaires (art. L. 4243-3 du CSP). La sanction prévue est d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Ainsi, dans ce cas, la responsabilité du pharmacien titulaire pourra être engagée même en l’absence de tout dommagecausé à un patient par son personnel.

Responsabilité personnelle du préparateur pour la réalisation de ses actes

En deuxième lieu, les préparateurs demeurent responsables de leurs actes, sous certaines limites.

D’une part, en sa qualité de salarié, tout manquement aux directives de l’employeur, à l’organisation de l’officine, ou encore à ses missions légales est susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire pouvant aller d’un avertissement à un licenciement pour faute lourde.

L’employeur doit pour cela engager des poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance du fait fautif (art. L. 1332-4 du code du travail) et respecter la procédure disciplinaire applicable.

D’autre part, sa responsabilité civile – qui a vocation à réparer les dommages causés à autrui – est en principe écartée lorsqu’il agit sans excéder les limites de sa mission (agissement hors de ses fonctions, absence d’autorisation de l’employeur, intention étrangère aux attributions) ou sans commettre de faute pénale intentionnelle. C’est alors la responsabilité civile du pharmacien titulaire qui indemnisera les conséquences des actes du préparateur.

Par ailleurs, sa responsabilité pénale est susceptible d’être engagée en cas d’infractions pénales (art. L. 4241-1 du CSP). Il pourra en être ainsi en cas d’erreur de vérification, s’il n’alerte pas le pharmacien sur une erreur flagrante de posologie.

Enfin, les préparateurs en pharmacie ne relevant pas d’un ordre professionnel, aucune sanction ne peut être prise à leur encontre par la chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens.

Responsabilité du pharmacien titulaire en raison des actes du préparateur

En troisième et dernier lieu, si la responsabilité personnelle des préparateurs en pharmacie peut être engagée à plusieurs titres, ils exercent néanmoins sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un pharmacien titulaire d’officine.

Ce dernier est ainsi susceptible d’engager sa responsabilité en raison des conditions d’exercice des préparateurs ainsi que des erreurs qu’ils commettraient.

D’une part, nous avons vu qu’en sa qualité d’employeur il demeure civilement responsable des fautes et dommagescausés par son personnel.

D’autre part, le code de la santé publique lui impose une obligation de contrôle effectif des tâches réalisées par les préparateurs. Cette obligation découle notamment de l’obligation d’exercer personnellement sa profession (75 000 euros d’amende en cas de manquement ; art. L. 5424-13 du CSP) qui lui impose de préparer lui-même les médicaments ou de surveiller directement leur préparation (art. L. 5125-15, al. 3 du CSP) et, plus généralement, d’exécuter lui-même les actes professionnels ou d’en surveiller l’exécution (art. R. 4235-13 du CSP).

À ce titre, le pharmacien titulaire doit donc contrôler les préparations réalisées par les préparateurs, mais il doit également pouvoir justifier d’instructions claires adressées à ces derniers et de la mise en place d’une organisation de nature notamment à garantir le respect de leurs obligations pour assurer la qualité de tous les actes (art. R. 4235-55 du CSP). Ainsi, un pharmacien titulaire pourrait difficilement s’exonérer de sa responsabilité, qu’elle soit disciplinaire, civile ou pénale, s’il ne parvient pas à démontrer qu’il a mis en place des mesures suffisantes pour contrôler le respectde ses instructions.

En substance, il appartient donc notamment au pharmacien titulaire :

  • De vérifier le respect des conditions d’exercice de la profession de préparateur en pharmacie,

  • De contrôler et surveiller les tâches accomplies par les préparateurs,

  • Ou encore d’organiser son officine et à ce titre de donner des instructions claires et d’en assurer le respect.

Responsabilité civile

Comme précédemment indiqué, le pharmacien titulaire est susceptible de voir sa responsabilité civile professionnelleengagée en cas de dommage causé par un préparateur à un patient.

On relèvera que son assureur pourrait refuser de le garantir en cas de manquement aux obligations légales et réglementaires, eu égard aux conditions du contrat.

Responsabilité disciplinaire

Une erreur commise par un préparateur est également susceptible d’engager la responsabilité disciplinaire du pharmacien titulaire, la sanction pouvant aller d’un avertissement à l’interdiction définitive d’exercer la pharmacie(art. L. 4234-6 du CSP).

Il peut s’agir d’une erreur dans la réalisation d’un acte que le préparateur est habilité à réaliser mais pour lequel un contrôle insuffisant a été mis en place, mais également d’une erreur qui traduirait le dépassement par le préparateurde ses attributions, sans que le pharmacien ne puisse justifier d’un contrôle effectif ou d’une organisation pertinente.

On relèvera des exemples d’engagement de la responsabilité disciplinaire de pharmaciens titulaires en raison d’actes réalisés par des préparateurs :

  • Délivrance par un préparateur de médicaments en dehors de tout contrôle pharmaceutique, entraînant une interdiction d’exercice pendant un mois avec sursis d’un mois (CNOP, 16 déc. 2018, n°495-D : lien),

  • Délivrance par une préparatrice d’une préparation magistrale défectueuse à un nourrisson, ayant conduit à un début d’étouffement de l’enfant lors de l’administration, entraînant une interdiction d’exercice pendant six moisdont cinq avec sursis (CNOP, 26 janvier 2016 : lien),

  • Réalisation d’une préparation défectueuse par une préparatrice remplaçante sans que le pharmacien titulairen’ait examiné le mode opératoire élaboré et sans qu’il n’ait personnellement veillé au contrôle final de la préparation, entraînant une interdiction d’exercer de deux mois dont un avec sursis (CNOP, 17 mars 2011, n°74-D),

  • Délivrance de médicaments par une préparatrice en pharmacie sans contrôle du pharmacien titulaire, entraînant une interdiction d’exercice pendant 15 jours (CNOP, 26 janvier 2010, n°100-D),

  • Délivrance par une préparatrice d’une spécialité en lieu et place d’une autre, sans vérification par le pharmacien titulaire, sans dommage durable pour le patient, entraînant un blâme (CNOP, 26 janvier 2010, n°92-D : lien),

  • Délivrance par une préparatrice d’un médicament en lieu et place d’un autre, sans vérification de l’ordonnancepar le pharmacien titulaire et des produits sortis, sans dommage grave pour le patient, entraînant un blâme(CNOP, 15 décembre 2009, n°108-D : lien).

La chambre disciplinaire prendra généralement en compte :

  • les conséquences concrètes pour le patient,

  • la diversité des manquements constatés,

  • leur récurrence et leur ancienneté,

  • ou encore la rapidité à apporter des mesures correctives.

Responsabilité pénale

Enfin, la responsabilité pénale du pharmacien titulaire peut être engagée en raison des actes réalisés par le préparateur, mais également des manquements personnels du pharmacien vis-à-vis du préparateur.

D’une part, sa responsabilité peut être engagée en cas de manquement commis par un préparateur constitutif d’une infraction pénale imputable au pharmacien. Il en est par exemple ainsi en cas de mise en danger de la vie d’autrui en raison du défaut d’organisation de l’officine ou de défaut de contrôle effectif des actes du préparateur.

D’autre part, sa responsabilité pénale peut être engagée en cas de manquement aux obligations portant sur les préparateurs qu’il emploie.

Tel serait le cas dans l’hypothèse de la préparation d’un médicament sans surveillance du pharmacien (deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende ; art. L. 5424-6 du CSP).

Dans cette hypothèse, on distinguera notamment le cas où le pharmacien n’aurait fixé aucune règle d’organisation, de la situation où des règles auraient été fixées et assorties d’un contrôle effectif, mais que le préparateur aurait outrepassées.

Enfin, il importe de noter qu’en présence de l’un de ces manquements, l’officine peut également être fermée temporairement ou définitivement (art. L. 5424-19 du CSP).