Sortir de l’impasse réglementaire : la téléconsultation veut passer à l’échelle
À l’occasion des Assises de la télémédecine, Pharma365 a interrogé le Dr Dominique Souvestre, président de la Fédération des Médecins Téléconsultants (FMT), et Elie-Dan Mimouni, co-fondateur de MEDADOM. Tous deux appellent à lever les blocages réglementaires pour permettre une pratique encadrée, territorialisée et de qualité.

Un livre blanc pour sortir de l’impasse
Créée en 2024, la Fédération des Médecins Téléconsultants (FMT) regroupe plusieurs centaines de praticiens issus de plateformes agréées comme TESSAN ou MEDADOM. Lors des Assises de la télémédecine, elle a présenté un livre blanc structurant autour de trois propositions : supprimer le plafond des 20 % d’actes en téléconsultation, créer une convention dédiée, et intégrer ces actes dans l’organisation territoriale des soins.
« Ce livre blanc est le fruit de nos constats de terrain. Nous voyons des patients qui n’ont plus d’accès au soin, et des médecins disponibles que nous empêchons d’exercer. C’est absurde ! », déplore le Dr Dominique Souvestre.
Et de compléter : « Nous voulons répondre à la demande, mais on nous dit : vous avez dépassé les 20 % autorisés. Or, il n’y a personne d’autre pour voir ces patients. C’est une règle comptable, pas une règle de soin. »
Il plaide aussi pour une gouvernance adaptée :
« Aujourd’hui, la convention médicale est négociée par des syndicats souvent hostiles à la téléconsultation. Nous avons besoin d’une convention spécifique, avec une représentation dédiée. »
L’officine, point d’ancrage de la téléconsultation
Acteur majeur du secteur, MEDADOM équipe aujourd’hui plus de 3 000 officines. Son co-fondateur, Elie-Dan Mimouni, plaide pour une approche rigoureuse et territorialisée :
« L’officine est le point d’accès de référence. Il y a un espace dédié, un accompagnement, une confidentialité, des dispositifs de qualité et beaucoup sont connectés… Cet environnement permet de réaliser une téléconsultation de qualité. »
Il insiste sur le rôle structurant du pharmacien dans le parcours : « Dans bien des cas, c’est le pharmacien qui oriente, accompagne, rassure. Nous devons travailler main dans la main. »
Il ajoute : « L’installation en officine permet une relation de proximité et de confiance avec les patients. Ce n’est pas seulement une question de technologie, mais de contexte humain. »
Des cabines tout-en-un pour un vrai examen clinique
Cabine Phénix de Medadom
La cabine Phénix, conçue par MEDADOM, est installable en 30 minutes et occupe moins d’un mètre carré. Elle embarque six dispositifs médicaux, dont plusieurs sont connectés :
- un stéthoscope numérique,
- un otoscope avec caméra,
- un dermatoscope pour l’imagerie cutanée,
- un tensiomètre,
- un saturomètre,
- et un thermomètre frontal.
« Grâce à cette cabine et à ces équipements, nous pouvons mener une véritable consultation clinique, avec un niveau de précision qui répond aux standards d’un cabinet physique », souligne Elie-Dan Mimouni.
Le Dr Souvestre valide ce modèle :
« Nous redirigeons les patients vers les officines équipées. L’examen y est plus complet, nous prenons moins de risques. C’est un vrai gain de qualité, de sécurité et de temps. »
Il précise également : « Nous avons pu diagnostiquer à distance des pathologies ORL, dermatologiques ou respiratoires avec une fiabilité qui n’aurait pas été possible sans ces dispositifs. »
Une organisation favorable à la coordination et à la continuité des soins
Les professionnels insistent sur la complémentarité entre téléconsultation et parcours structuré.
« Nous avons conçu nos dispositifs pour s’intégrer dans l’écosystème de santé. Cela suppose des liens avec les médecins traitants, une coordination avec les officines, et une orientation possible vers des examens ou des spécialistes si nécessaire », explique Elie-Dan Mimouni.
Il poursuit : « Nous voulons que chaque téléconsultation soit un maillon du parcours, pas un acte isolé. Cela passe par des comptes-rendus partagés, une traçabilité claire et une logique de suivi. »
Des garde-fous pour encadrer les usages
Certaines limitations sont pleinement assumées :
« Nous ne délivrons pas d’arrêts de travail de plus de trois jours, ni d’antalgique de palier II. C’est notre ligne rouge. Cela permet d’éviter toute forme de dérive », affirme Elie-Dan Mimouni.
Le Dr Souvestre en reconnaît la nécessité, mais appelle à des assouplissements médicaux ciblés :
« Ces restrictions garantissent un exercice responsable. Mais, nous devons pouvoir faire preuve de discernement, par exemple, il serait judicieux de pouvoir prolonger un arrêt de travail existant chez un patient déjà connu du médecin notamment. »
Des chiffres qui appellent à l’action
- 29 000 communes sur 35 000 sont en zone sous-dotée,
- 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant,
- 42 % des téléconsultations en officine ont lieu en zone prioritaire, contre 26-27 % en médecine libérale,
- Les plateformes accueillent trois fois plus de patients sans médecin traitant (20 % contre 7 %).
Un changement de cadre, pas une dérégulation
Les acteurs interrogés ne réclament pas un assouplissement incontrôlé, mais une évolution structurée.
« La téléconsultation n’est pas une médecine au rabais. C’est un outil d’accès, pas de contournement. Mais, encore faut-il que nous soyons autorisés à l’utiliser ! », insiste le Dr Souvestre.
Et Elie-Dan Mimouni de conclure :
« Nous ne pouvons pas, d’un côté, constater qu’il manque des médecins, et de l’autre, refuser de libérer les outils qui permettent d’y remédier. Notre approche, c’est une téléconsultation ancrée dans les territoires, qualitative et encadrée. »
Phénix, la cabine de téléconsultation qui réinvente la téléconsultation en officine