GERS Data et JumO+ : David Syr décrypte l’avenir des données en pharmacie

Dans un contexte où les marges des officines sont fragilisées et les missions des pharmaciens toujours plus étendues, GERS Data s’impose comme un acteur clé pour valoriser et exploiter les données en pharmacie. Avec l’application JumO+, David Syr, directeur général de GERS Data, nous dévoile comment les données peuvent transformer le quotidien des pharmaciens et optimiser leurs performances. Une interview exclusive.

Par Thomas Kassab, publié le 25 novembre 2024

GERS Data et JumO+ : David Syr décrypte l’avenir des données en pharmacie

L’univers officinal évolue à une vitesse fulgurante, porté par des missions élargies comme la vaccination, les TROD ou encore la prévention. Cependant, cette transformation s’accompagne de nombreux défis, notamment sur le plan économique. Dans ce contexte, les données apparaissent comme un levier essentiel pour guider les décisions stratégiques des pharmaciens, optimiser leurs marges et répondre aux attentes des patients. C’est là qu’intervient GERS Data, expert dans la collecte et l’analyse des données officinales, avec des outils comme JumO+ qui rendent ces informations accessibles et exploitables. Pour mieux comprendre ces enjeux et explorer l’avenir des données en pharmacie, nous avons rencontré David Syr, directeur général de GERS Data.

David Syr, Directeur exécutif chez Cegedim Pharma et Directeur Général Adjoint de GERS Data

David Syr, Directeur exécutif chez Cegedim Pharma et Directeur Général Adjoint de GERS Data

Comment s’effectue la collecte des données par GERS Data ?

David SYR : Nous collectons les données avec l’autorisation des pharmacies participantes, en accord avec leurs logiciels de gestion officinale (LGO). Nous veillons à respecter l’intégrité des données, grâce à des partenariats avec les pharmaciens qui choisissent de participer à l’Observatoire. L’objectif est de produire des statistiques utiles pour la gestion et le développement des officines.

Dans un contexte où les officines doivent faire face à des croissances de chiffre d’affaires, mais à des marges fragilisées, une trésorerie en souffrance, notre outil permet d’appliquer un filtre analytique sur les données collectées automatiquement, afin d’explorer les dynamiques du marché intuitivement.

Quelle est la couverture actuelle de GERS Data ?

David SYR : Nous couvrons aujourd’hui 82 % des pharmacies d’officine et 85 % du chiffre d’affaires du réseau officinal. Cette large couverture nous permet d’offrir des analyses représentatives et pertinentes pour le secteur tout en garantissant l’anonymat du panel.

Comment une pharmacie peut-elle rejoindre l’Observatoire ?

David SYR : Pour s’inscrire, il suffit de prendre contact avec GERS Data. Ensuite, nous analysons l’ensemble des données commerciales de l’officine. En complément , nous avons SOG HEALTH, pour les études de santé publique, cette collecte est strictement encadrée par une autorisation de la CNIL, qui garantit la protection des données de santé.
Outre son utilité pour la pharmacie, cette démarche permet de montrer comment les officines contribuent à générer des économies pour le système de santé, et valorise les données dans une perspective de santé publique.

Quels sont les projets de GERS Data pour valoriser l’impact des pharmaciens sur la santé publique ?

David SYR : Nous avons lancé le projet SOGHealth, qui vise à mesurer l’impact des nouvelles missions des pharmaciens (comme la vaccination, les TROD, ou les entretiens en oncologie) sur les économies de santé générées par une prise en charge des patients. Par exemple, nous allons évaluer le rôle du réseau officinal en termes de prévention, d’observance thérapeutique, et de réduction de la iatrogénie sur la qualité de vie et les économies éventuelles pour la collectivité.

Le pharmacien a un rôle sociétal : il prend en charge l’humain, au-delà de la maladie.

Le pharmacien a un rôle sociétal, le seul professionnel de santé ouvert tous les jours sans rendez-vous, il prend en charge l’humain, au-delà de la maladie, et ces données permettront de mieux valoriser son rôle. Les premiers résultats de SOGHealth sont attendus pour courant 2025.

Qu’est-ce que l’application JumO+ ?

David SYR : Une langue vivante doit être parlée par tous, la data doit être lisible et actionnable, nous avons donc récemment lancé JumO+, une application destinée aux pharmaciens, qui leur permet de comparer leurs performances avec celles de pharmacies ayant une structure d’activité similaire multicritères (« pharmacies jumelles »).

Application Jumo+

Application Jumo+

Cet outil leur offre une vision claire et rapide sur des indicateurs tels que la dynamique des marchés, le positionnement prix, les taux de croissance dans des segments clés (dénutrition, beauté, santé familiale, etc.). Tout est accessible au bout des doigts via l’application, et l’objectif est de simplifier le quotidien des pharmaciens en transformant les données en un outil compréhensible et opérationnel.

Comment s’inscrire et combien coûte JumO+ ?

David SYR : L’inscription se fait directement sur le site de JumO+. Le service est accessible sans engagement, avec un abonnement à 49 € par mois pour le lancement au lieu de 59 €. Ce tarif donne accès à toutes les fonctionnalités, y compris les analyses sur le chiffre d’affaires, les volumes, le panier, les dynamiques de la prescription ou du conseil et les marges commerciales. En 6 mois, plus de 900 pharmacies utilisent la solution.

Nous espérons que cet outil permettra aux pharmaciens de comprendre rapidement ce qui fonctionne bien dans leur officine et ce qui peut être amélioré, le tout en s’économisant du temps.

Quelles tendances majeures avez-vous observées ces dernières années ?

David SYR : Les analyses traditionnelles basées sur les taux de TVA ne sont plus pertinentes, c’est terminé. Le taux de marge sur la TVA  2,1 % diminue en raison de l’augmentation du prix moyen des médicaments chers et très chers, avec une marge fixe. De plus, près de 50 % du chiffre d’affaires des produits à TVA 5,5 % provient des dispositifs médicaux remboursables (DMR), où les marges se compriment. Pour la TVA 20 %, un quart du chiffre d’affaires n’est pas porté par la parapharmacie, les gammes blanches, les pansements sont des DMR.

Les analyses traditionnelles basées sur les taux de TVA ne sont plus pertinentes : c’est terminé.

Cet environnement est complété par la hausse des charges, notamment de la masse salariale et les stocks qui fragilisent les trésoreries, et la nécessité de trouver des relais de croissance. Pour répondre à ces enjeux, les segments de marché doivent être optimisés. Les données peuvent guider les pharmaciens dans le choix des marques à référencer et dans l’optimisation des catégories pour améliorer leurs marges et valoriser leur capital.

Avec l’évolution de la réglementation, quelles données sont particulièrement utiles aux pharmaciens ?

David SYR : La substitution biosimilaire reste limitée à trois biomédicaments spécifiques, et elle ne fonctionne que si le médecin prescrit directement le biosimilaire, ce qui est rare en pratique. Le passage du médicament référent au biosimilaire est un sujet en pleine négociation dans le cadre du PLFSS. Tant que la réglementation ne bougera pas, l’adoption des biosimilaires restera limitée.

Les tensions d’approvisionnement constituent un autre sujet crucial. Par exemple, pour l’amoxicilline, le prix trop bas combiné à une demande mondiale croissante (notamment en Inde et en Chine) et à des capacités de production limitées génère des déséquilibres. Ces choix stratégiques d’allocation par pays grippent l’ensemble du système.

Comment vos données peuvent-elles aider les pharmaciens à mieux gérer leurs missions ?

David SYR : Les données montrent une forte mobilisation des pharmaciens sur les nouvelles missions : plus de 70 % prescrivent et vaccinent, 75 % ont réalisé des TROD angine, et 60 % des TROD cystite. Ces chiffres soulignent l’agilité et la capacité d’adaptation des officines.

Plus de 70 % des officines participent déjà à des nouvelles missions telles que la vaccination ou les TROD…

Cependant, certaines missions, comme les bilans de prévention, les bilans pour femmes enceintes ou les accompagnements en oncologie, souffrent. Pour intégrer ces missions dans leur quotidien, les pharmaciens doivent adopter une approche proactive raisonnée. Comment les intégrer dans un quotidien dejà très chargé, une balance équilibrée entre ces missions de santé et la nécessité d’avoir une entreprise pharmacie rentable.

…mais l’intégration de ces services reste un défi face à la nécessité de maintenir une pharmacie rentable.

La question centrale est : comment intégrer ces nouvelles missions sans mettre en péril la rentabilité ? Les données permettent d’évaluer les gains économiques et les bénéfices en santé publique, tout en identifiant les ajustements nécessaires pour optimiser l’organisation interne.

Comment voyez-vous l’évolution de l’utilisation des données en pharmacie dans les cinq prochaines années ?

David SYR : Nous sommes à l’aube d’une véritable révolution. Le métier de pharmacien, déjà au cœur du système de santé, jouera un rôle encore plus central dans la coordination des soins et dans la prise en charge de la population, sans rendez-vous. Les missions des pharmaciens continueront à s’élargir, et leur rôle sociétal sera mieux reconnu.

Les données doivent être une langue vivante.

L’enjeu réside dans l’utilisation des données comme une « langue vivante ». Les données doivent être mises en musique pour synchroniser les échanges, non seulement au niveau commercial, mais aussi avec les autorités de santé. L’objectif est de transformer les données en un outil accessible et compréhensible, qui facilite des échanges objectifs et rationnels. Nous ne parlons pas de contrôle, mais d’un partage statistique visant à enrichir la prise de décision et à valoriser le rôle des pharmaciens.