Douleurs articulaires : les clés pour soulager au comptoir
L'arthrose touche environ 10 millions de Français, faisant de cette pathologie une problématique régulièrement abordée au comptoir de l'officine. En tant que pharmacien, vous êtes en première ligne pour accompagner ces patients, en répondant à leurs questions sur la gestion de la douleur, l'activité physique adaptée ou encore les mesures hygiéno-diététiques essentielles. Ce dossier, enrichi par l'expertise du Professeur Jérémie Sellam, Professeur de rhumatologie à Sorbonne Université et praticien à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, met à votre disposition des outils pratiques et des recommandations fondées sur les dernières avancées scientifiques, notamment sur le rôle de l'alimentation dans la prise en charge des rhumatismes.

- 1. L'arthrose : une pathologie dégénérative multifactorielle
- a.Physiopathologie : un déséquilibre destructeur
- b.Quel diagnostic différentiel ?
- 1)Clinique
- 2)Radiographie
- 3)IRM
- 2. Prise en charge de l'arthrose
- a.Non médicamenteuse
- b.Traitements médicamenteux
- c.Les infiltrations intra-articulaires
- 1)Les corticoïdes : une réponse rapide et ciblée aux poussées inflammatoires
- 2)L'acide hyaluronique : un soutien à la lubrification articulaire
- d.Les traitements anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (AASAL)
- 1)Glucosamine
- 2)Chondroïtine
- 3)Diacérhéine
- e.Insaponifiables de soja et d'avocat (ISA)
- f.Chirurgie : une option en dernier recours
- 3. Prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde
- 4. Les avancées en rhumatologie
- 5. Les pathologies émergentes
- 6. Différence entre arthrose et polyarthrite rhumatoïde
- a.Origine et mécanisme
- b.Clinique et localisation
- c.Évolution
- d.Diagnostic
- 7. Quelle prise en charge ?
- 8. Arthrose, arthrite et alimentation
- a.Obésité
- b.Régime méditerranéen
- c.Non aux « régimes d'éviction » !
- 9. Prise en charge de l'entorse de la cheville en officine
- a.Évaluation initiale et recherche d'instabilité ligamentaire
- b.Prise en charge de la douleur et de l'inflammation
- c.Conseils de suivi et orientation
L’arthrose : une pathologie dégénérative multifactorielle
L’arthrose est une pathologie chronique affectant les articulations, caractérisée par une destruction progressive du cartilage articulaire et des tissus environnants. Elle touche principalement les personnes âgées en raison du vieillissement naturel des structures articulaires. Cependant, des facteurs tels que des traumatismes répétés (fractures, luxations), des anomalies architecturales congénitales (dysplasies) ou des surcharges mécaniques (surcharge pondérale, activités sportives intenses) peuvent précipiter son apparition chez des sujets plus jeunes. Les articulations les plus fréquemment atteintes sont celles supportant les plus fortes contraintes mécaniques, notamment les genoux, les hanches et les vertèbres.
Physiopathologie : un déséquilibre destructeur
Le cartilage articulaire, tissu conjonctif avasculaire, agit comme un amortisseur et un lubrifiant naturel des articulations. Il permet de réduire les frottements et d’absorber les chocs lors des mouvements. Ce tissu est constitué de chondrocytes, de protéoglycanes, de collagène de type II et d’une matrice extracellulaire riche en eau.
Dans l’arthrose, un déséquilibre apparaît entre la synthèse et la dégradation des composants de la matrice cartilagineuse. Les chondrocytes, sous l’effet de stress mécanique ou inflammatoire, augmentent la production de cytokines pro-inflammatoires (comme l’interleukine-1 et le TNF-α) et d’enzymes cataboliques telles que les métalloprotéinases matricielles (MMPs). Ces enzymes dégradent les fibres de collagène et les protéoglycanes, altérant ainsi la structure du cartilage.
Progressivement, le cartilage devient moins hydraté, plus rigide, et finit par se fissurer, exposant l’os sous-chondral. Cette exposition induit une sclérose osseuse et favorise la formation d’ostéophytes (excroissances osseuses). Parallèlement, des phénomènes inflammatoires dans la membrane synoviale, une augmentation de la viscosité de la synovie et des épanchements articulaires aggravent les symptômes, notamment la douleur et la limitation des mouvements.
Quel diagnostic différentiel ?
Le diagnostic des pathologies rhumatologiques est parfois complexe, bien que certaines soient plus aisées à identifier. Par exemple, diagnostiquer une arthrose du genou « repose essentiellement sur des critères cliniques, comme l’horaire de la douleur et la description des symptômes, » explique le Professeur Sellam. Cependant, même dans le cas de la gonarthrose, des diagnostics différentiels peuvent survenir, comme des fissures osseuses. « Lorsqu’un doute persiste, une IRM du genou peut être réalisée » précise-t-il.
Néanmoins, un recours excessif à l’IRM dans la gonarthrose peut conduire à des diagnostics erronés. « Ces examens révèlent parfois des anomalies dégénératives des ménisques, ce qui conduit parfois à des interventions chirurgicales inutiles. En réalité, le problème ne provient pas du ménisque, qui n’est qu’un dommage collatéral, mais bien de l’arthrose sous-jacente, » souligne-t-il. Traiter uniquement la pathologie méniscale dans ces cas ne résout pas l’arthrose et peut même aggraver la situation.
Pour d’autres pathologies comme la spondylarthrite ankylosante, les défis diagnostiques sont encore plus marqués. « Il arrive qu’il n’y ait pas d’arthrite visible, mais seulement des douleurs axiales ou tendineuses, ce qui complique le diagnostic » indique le Professeur Sellam. De manière similaire, l’arthrite psoriasique peut facilement être confondue avec d’autres arthropathies métaboliques, comme la goutte ou la chondrocalcinose, ou encore avec certaines formes d’arthrose érosive. « Cette complexité est au cœur de la rhumatologie ! » ajoute-t-il. Chaque patient requiert une évaluation minutieuse, alliant interrogatoire approfondi et examens complémentaires ciblés. Ainsi, le diagnostic repose sur un faisceau de signes et d’examens tels :
Clinique
Douleurs mécaniques : survenant ou s’aggravant avec l’effort et soulagées par le repos.
Raideur matinale : brève, de moins de 30 minutes.
Réduction de la mobilité : diminution de l’amplitude des mouvements articulaires.
Signes physiques : crépitations articulaires, déformations visibles, parfois gonflement articulaire modéré.
Radiographie
Pincement de l’interligne articulaire : marqueur de la perte de cartilage.
Présence d’ostéophytes : témoins d’une tentative de réparation osseuse.
Sclérose de l’os sous-chondral et kystes sous-chondraux.
IRM
Utilisée en cas de doute ou pour évaluer des structures non visibles à la radiographie (lésions précoces du cartilage, épanchements intra-articulaires).
Prise en charge de l’arthrose
Non médicamenteuse
La prise en charge de l’arthrose repose en premier lieu sur des mesures non pharmacologiques, qui sont indispensables quel que soit le stade de la maladie. La réduction du poids est prioritaire pour les patients en surpoids ou obèses, car chaque kilogramme perdu diminue significativement la charge mécanique sur les articulations portantes, notamment les genoux et les hanches. En parallèle, l’activité physique adaptée permet de préserver la mobilité articulaire et de renforcer les muscles périarticulaires. Les exercices à faible impact, tels que la natation, le vélo ou la marche, sont particulièrement recommandés pour limiter les contraintes sur les articulations fragilisées.
La kinésithérapie optimise ces bénéfices par des techniques de mobilisation active et passive, ainsi que par le renforcement musculaire ciblé (comme le quadriceps dans la gonarthrose). Des approches complémentaires, telles que l’électrothérapie ou l’ultrasonothérapie, peuvent également être intégrées pour moduler la douleur. Enfin, l’utilisation d’orthèses, telles que les genouillères articulées, ou de semelles correctrices permet de réduire les déséquilibres biomécaniques et d’améliorer la stabilité articulaire.
Traitements médicamenteux
Les traitements pharmacologiques sont généralement prescrits pour soulager la douleur et limiter les poussées inflammatoires. Le paracétamol constitue le traitement de première intention pour les douleurs légères à modérées, mais son efficacité est souvent insuffisante dans les formes avancées. Les AINS sont utilisés pour les poussées douloureuses plus intenses. Bien que leur efficacité soit démontrée, leur utilisation prolongée doit être limitée en raison des risques gastro-intestinaux, rénaux et cardiovasculaires. Les formulations topiques, comme les gels à base de diclofénac ou d’ibuprofène, sont à privilégier pour minimiser les effets systémiques.
Les infiltrations intra-articulaires
Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes et d’acide hyaluronique occupent une place essentielle dans la prise en charge de l’arthrose, en particulier dans les formes sévères. Ces traitements permettent de cibler directement les articulations touchées et de soulager les symptômes de manière localisée, bien que leur utilisation nécessite une expertise médicale et des conditions d’asepsie strictes.
Les corticoïdes : une réponse rapide et ciblée aux poussées inflammatoires
Les infiltrations de corticoïdes, également appelés glucocorticoïdes, sont un traitement local administré pour calmer rapidement l’inflammation et soulager la douleur. « Les infiltrations de corticoïdes font partie intégrante du traitement des poussées de gonarthrose » souligne le Professeur Sellam. Ces médicaments, dérivés de la cortisone, réduisent efficacement les symptômes inflammatoires tels que la chaleur, l’œdème et la rougeur, grâce à leur concentration élevée directement au site de l’inflammation.
Cependant, leur utilisation doit être encadrée. Le Professeur Sellam précise : « une polémique, venue principalement des États-Unis, suggérait que ces infiltrations pouvaient aggraver les arthroses du genou. En réalité, cette aggravation est liée à l’évolution naturelle des arthroses sévères et non aux infiltrations elles-mêmes. » Pour minimiser les risques de dommages au cartilage, les infiltrations de corticoïdes doivent être limitées à trois ou quatre par an. Des réactions douloureuses transitoires au site d’injection peuvent survenir dans les heures suivant l’infiltration, mais elles disparaissent spontanément. Par ailleurs, des règles d’hygiène strictes sont nécessaires pour éviter toute infection, une complication rare mais grave. On distingue deux types d’infiltrations corticoïdes :
À action immédiate : à base de bétaméthasone (Betnesol®, Célestène®), contenant du bétaméthasone phosphate disodique, offrant un effet rapide mais de courte durée. Ces formulations sont peu utilisées, leur bénéfice étant transitoire.
À action prolongée : également à base de bétaméthasone (Diprostène®), combinant du bétaméthasone phosphate disodique et du bétaméthasone dipropionate, pour une action plus durable.
D’autres corticoïdes à effet prolongé sont également utilisés, tels que la méthylprednisolone (Dépo-Médrol®), la triamcinolone (Hexatrione®, Kenacort Retard®) et la prednisolone (Hydrocortancyl®), chacun offrant des alternatives adaptées selon les besoins du patient.
L’acide hyaluronique : un soutien à la lubrification articulaire
En parallèle, les injections d’acide hyaluronique, utilisées en viscosupplémentation, sont une option thérapeutique reconnue par la Société Française de Rhumatologie pour le traitement symptomatique de l’arthrose. Il existe de nombreuses spécialités qui diffèrent en fonction de leur poids moléculaire : Adant®, Arthrum®, Euflexxa®, Hyalfan®, Orthovisc®, Ostenil®, Ostenil Mini®, Replasyn®, Sinovial®, Synocrom® et Synvic®. Ces spécialités sont limitées à trois injections par an par genou, et peuvent être injectées à une semaine d’intervalle. Quant à Durolane®, il s’agit d’une injection intra-articulaire à usage unique. Ces injections visent à restaurer les propriétés lubrifiantes et amortissantes du liquide synovial, réduisant ainsi les douleurs articulaires et améliorant la mobilité. « Les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique font partie de l’arsenal thérapeutique contre la gonarthrose » affirme le Professeur Sellam. « Elles offrent un soulagement symptomatique et restent un des items essentiels de la prise en charge globale, malgré leur déremboursement. »
Ces injections, bien que non curatives, jouent un rôle dans la réduction des douleurs à long terme. Toutefois, elles ne reconstruisent pas le cartilage endommagé. En France, l’acide hyaluronique peut avoir le statut de médicament (comme Hyalgan®) ou de DM, et son injection doit être réalisée par un rhumatologue ou un chirurgien orthopédique.
Les traitements anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL)
Les traitements AASAL regroupent quatre principales molécules : la glucosamine, la chondroïtine, la diacérhéine, et les insaponifiables de soja et d’avocat (ISA). Ces traitements sont spécifiquement indiqués dans l’arthrose de la hanche et du genou et bénéficient d’une AMM pour leur capacité à améliorer les symptômes à long terme, bien que leur efficacité puisse varier selon les patients.
Glucosamine
La glucosamine, composant essentiel du cartilage, agit sur la synthèse des protéoglycanes, contribuant ainsi à maintenir l’intégrité structurelle du cartilage. Plusieurs spécialités non listées et disponibles sans prescription médicale existent, comme Flexea® et Structoflex®, avec une posologie de 625 mg par jour ou encore Osaflexan® apportant 1 178 mg par jour. Il est important d’informer les patients que les effets de la glucosamine sont retardés, nécessitant un délai d’action de 1 à 4 mois avant d’observer une amélioration. Bien tolérée, elle peut néanmoins provoquer des effets indésirables mineurs tels que des nausées, des céphalées ou des troubles digestifs.
Chondroïtine
Également composant naturel du cartilage, la chondroïtine favorise la rétention d’eau dans la matrice cartilagineuse, améliorant ainsi sa résilience mécanique. Deux spécialités principales sont disponibles sans prescription : Chondrosulf® (400 mg par gélule, 3 fois par jour ou en sachet dosé à 1 200 mg en une prise par jour) et Structum® (500 mg par gélule, 2 fois par jour). L’effet de ces traitements est également différé, apparaissant après deux mois de traitement. Pour minimiser les effets secondaires digestifs (nausées, diarrhées, douleurs abdominales), il est recommandé de prendre ces médicaments au cours des repas.
Diacérhéine
La diacérhéine est une molécule listée (liste I). Commercialisée sous la spécialité Art 50® et ses génériques, elle est indiquée dans l’arthrose de la hanche et du genou. Son mécanisme d’action repose sur l’inhibition de la synthèse de IL-1, réduisant ainsi l’inflammation tout en stimulant la production de protéoglycanes, de glycosaminoglycanes (GAG) et d’acide hyaluronique. Les premiers effets sont observés après 1 à 2 mois, avec une persistance quelques semaines après l’arrêt du traitement. Cependant, la diacérhéine peut entraîner des effets indésirables significatifs, tels que diarrhées, douleurs abdominales ou coloration foncée des urines. Elle est contre-indiquée chez les patients de plus de 65 ans et ceux atteints de maladies hépatiques.
Insaponifiables de soja et d’avocat (ISA)
Les ISA contenus dans la spécialité Piasclédine®, agissent en stimulant la réponse anabolique du cartilage via l’augmentation de l’expression du TGF-β. Ce traitement, à raison d’une gélule par jour prise au cours d’un repas, commence à produire ses effets après 1,5 à 3 mois. Bien toléré, il reste une option intéressante pour les patients recherchant des alternatives complémentaires à long terme.
Ainsi, ils représentent une classe de traitements utiles pour le soulagement des symptômes arthrosiques, particulièrement dans les localisations de hanche et de genou. Leur effet retardé, nécessitant une prise régulière sur plusieurs mois et leurs profils d’effets indésirables spécifiques, doivent être clairement expliqués aux patients. Bien que l’efficacité des AASAL reste parfois modeste, comme l’indique le Professeur Sellam, « ces traitements, recommandés par la SFR, peuvent être intégrés à une stratégie thérapeutique personnalisée, prenant en compte les besoins spécifiques de chaque patient. »
Chirurgie : une option en dernier recours
Lorsque les traitements conservateurs échouent à contrôler les symptômes, la chirurgie peut être envisagée. Les ostéotomies sont indiquées pour corriger les déséquilibres mécaniques, notamment dans les cas de gonarthrose avec troubles d’alignement (genou varum ou valgum). Dans les formes les plus avancées, les arthroplasties totales, comme les prothèses de genou ou de hanche, permettent de remplacer les articulations gravement endommagées. Ces interventions, bien qu’invasives, offrent des résultats très satisfaisants en termes de réduction de la douleur et de récupération fonctionnelle.
Prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde
Les traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde visent à freiner l’évolution de la maladie et à prévenir les dommages articulaires. En première intention, les traitements synthétiques conventionnels, tels que le méthotrexate, la sulfasalazine et l’hydroxychloroquine, sont souvent prescrits, parfois en association. En cas d’échec ou d’intolérance, les biothérapies ciblées offrent des alternatives efficaces, notamment les inhibiteurs du TNF-α (Humira®, Enbrel®) ou de l’interleukine-6 (Roactemra®). Plus récemment, les inhibiteurs des Janus kinases (JAK), comme l’Olumiant® et le Rinvoq®, ont ouvert de nouvelles perspectives pour les formes réfractaires. Le choix thérapeutique repose sur une évaluation individualisée, tenant compte de l’activité de la maladie, des comorbidités et en le réservant aux patients qui en relèvent réellement, car « toutes les douleurs ne sont pas forcément inflammatoires ! » comme le souligne le Professeur Sellam.
Les avancées en rhumatologie
Les avancées en rhumatologie révèlent de nouveaux défis diagnostiques, notamment en ce qui concerne les douleurs chroniques et certaines pathologies émergentes. « Chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires, comme la spondylarthrite, toute douleur n’est pas nécessairement liée à l’inflammation » explique le Professeur Sellam. Ces patients peuvent également souffrir de fibromyalgies secondaires ou de douleurs dites nociplastiques, qui nécessitent une prise en charge spécifique. « Il est fondamental de poser le bon diagnostic pour éviter une surenchère de traitements immunomodulateurs, souvent prescrits à tort dans ces cas » précise-t-il. En effet, les douleurs diffuses de type fibromyalgique nécessitent une approche différente, combinant traitement antalgique, activité physique adaptée, et mesures non pharmacologiques.
Les pathologies émergentes
Concernant les pathologies émergentes, deux problématiques se distinguent particulièrement. La maladie d’Ehlers-Danlos, longtemps sous-diagnostiquée, attire désormais l’attention des cliniciens grâce à une meilleure reconnaissance de ses manifestations. En parallèle, « les cas de Covid long, qui peuvent inclure des douleurs articulaires persistantes, représentent un nouveau défi » pour la rhumatologie, complète le médecin.
Différence entre arthrose et polyarthrite rhumatoïde
L’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont deux pathologies articulaires distinctes en termes de mécanismes, de présentation clinique et de traitement.
Origine et mécanisme
L’arthrose est une maladie dégénérative due à l’usure progressive du cartilage articulaire, sous l’effet de contraintes mécaniques répétées, de traumatismes ou de déséquilibres biomécaniques. Elle est principalement liée à l’âge et n’implique pas de processus inflammatoire systémique. En revanche, la PR est une maladie auto-immune où le système immunitaire attaque les tissus articulaires, en particulier la membrane synoviale, conduisant à une inflammation chronique et à une destruction articulaire. Elle implique souvent la présence d’auto-anticorps spécifiques, tels que le facteur rhumatoïde (FR) ou les anticorps anti-CCP.
Clinique et localisation
L’arthrose affecte essentiellement les articulations portantes, comme les genoux et les hanches, ou celles exposées à des microtraumatismes, comme les doigts. Les douleurs sont dites mécaniques : elles s’aggravent à l’effort, sont soulagées par le repos et peuvent être associées à des crépitations ou des déformations osseuses (ostéophytes).
À l’inverse, la PR touche généralement les petites articulations, comme celles des mains, des poignets ou des pieds, et se manifeste de manière symétrique. Les douleurs sont inflammatoires, présentes au repos, souvent nocturnes, et accompagnées d’une raideur matinale prolongée (plus de 30 minutes). La PR s’accompagne fréquemment d’œdème, de rougeur et de chaleur locale, et peut présenter des manifestations systémiques comme fatigue, amaigrissement ou fièvre.
Évolution
L’arthrose évolue lentement, entraînant une usure progressive du cartilage et des altérations osseuses (sclérose sous-chondrale, ostéophytes). Elle aboutit à une raideur articulaire et une incapacité fonctionnelle dans les cas avancés. En revanche, la PR progresse rapidement en l’absence de traitement, causant des destructions articulaires irréversibles, des érosions osseuses précoces visibles à l’imagerie et des déformations marquées.
Diagnostic
Dans l’arthrose, les radiographies montrent des signes caractéristiques : pincement de l’interligne articulaire, ostéophytes et sclérose de l’os sous-chondral. Dans la PR, les analyses biologiques révèlent des marqueurs inflammatoires élevés (CRP, VS) et la présence d’auto-anticorps (FR et anti-CCP). L’imagerie, notamment l’échographie ou l’IRM, permet de détecter précocement des synovites ou des érosions osseuses caractéristiques.
Quelle prise en charge ?
L’arthrose est traitée par des approches mécaniques telles que la réduction pondérale et la kinésithérapie, des dispositifs médicaux comme les orthèses, et des traitements symptomatiques, incluant les antalgiques, les AINS (topique ou per os), ainsi que les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique ou de corticostéroïdes. En revanche, pour la PR, une prise en charge agressive et précoce est indispensable, reposant sur des traitements de fond comme le méthotrexate et les biothérapies. Comme l’a souligné le Pr Sellam, « la révolution dans les rhumatismes inflammatoires a été l’arrivée des biothérapies et des anti-TNF dans les années 2000, offrant aujourd’hui plus de 17 médicaments de ce type, qui ont permis de régler une grande partie des problèmes ».
Cependant, tous les patients ne bénéficient pas d’une réponse complète. Certains restent réfractaires à ces traitements, et les combinaisons thérapeutiques sont encore un défi. Le Pr Sellam précise également que, même lorsque l’inflammation est contrôlée, « une maladie chronique inflammatoire continue d’avoir un impact psychologique, notamment sur l’image de soi ». C’est pourquoi la prise en charge de la PR ne peut se limiter aux seuls médicaments. Une approche globale intégrant les traitements de fond, une hygiène de vie adaptée et une activité physique régulière s’avère essentielle pour optimiser la qualité de vie des patients.
Arthrose, arthrite et alimentation
Obésité
En complément des traitements pharmacologiques, l’alimentation joue un rôle central dans la prise en charge des maladies articulaires. L’obésité, en particulier, constitue un facteur aggravant majeur. Elle augmente la charge mécanique sur les articulations dans l’arthrose et exacerbe l’état inflammatoire systémique dans les rhumatismes inflammatoires en raison des adipokines sécrétées par le tissu adipeux. Comme le souligne le Pr Sellam, « l’obésité aggrave tous les rhumatismes, quels qu’ils soient », justifiant l’importance de promouvoir une prise en charge efficace du poids dans ces pathologies.
Régime méditerranéen
Concernant l’alimentation, les données les plus robustes de la littérature montrent que le régime méditerranéen est particulièrement bénéfique. Riche en fruits, légumes, légumineuses, poissons gras, huiles végétales (notamment l’huile d’olive), et pauvre en graisses saturées et en sucres raffinés, ce régime a démontré son efficacité dans la réduction de l’inflammation et l’amélioration de l’état articulaire. Bien que l’alimentation seule ne suffise pas à traiter les rhumatismes, elle constitue un complément précieux à la prise en charge globale et médicamenteuse. Le Pr Sellam la qualifie de « coup de pouce » indispensable, contribuant à une meilleure qualité de vie des patients. Tous les conseils alimentaires à adopter face à l’arthrose ou à l’arthrite sont à retrouver dans l’ouvrage « Arthrose arthrite – Je me soigne en mangeant » co-écrit par Pr Sébastien Czernichow et Pr Jérémie Sellam édité chez edi8 (voir encadré).
Non aux « régimes d’éviction » !
Il faut être vigilant face aux régimes d’exclusion à la mode, comme le sans gluten ou sans lactose, car aucune preuve scientifique n’a pu démontrer leur efficacité sur l’arthrose ou la PR. En revanche, il est important d’écouter les ressentis des patients. « Si un patient me dit que ça marche chez lui, il faut le croire ! », précise le Pr Sellam, car ces pratiques peuvent répondre à des besoins individuels, même si elles ne sont pas universelles. Toutefois, il est essentiel d’encadrer ces démarches pour éviter des carences nutritionnelles et préserver un équilibre alimentaire global.
Prise en charge de l’entorse de la cheville en officine
Lorsqu’un patient se présente avec une cheville tordue, il est indispensable d’appliquer rapidement le protocole GREC (Glace, Repos, Élévation, Compression) pour limiter l’inflammation, soulager la douleur et prévenir les complications (voir encadré « Je me lance ! » ci-contre). En parallèle, une bonne évaluation initiale est fondamentale pour adapter la prise en charge et orienter si besoin vers un médecin :
Évaluation initiale et recherche d’instabilité ligamentaire
L’évaluation commence par une anamnèse et un examen attentif pour estimer la gravité de l’entorse. Il faut rechercher des signes de gravité, comme une douleur intense empêchant tout appui, un gonflement rapide et important, ou une ecchymose précoce, qui peuvent signaler une rupture ligamentaire.
L’instabilité ligamentaire doit être suspectée si le patient ressent un « décrochage » ou une impression d’articulation lâche, signe que les ligaments latéraux (en particulier le faisceau talo-fibulaire antérieur) ont été affectés. Cette instabilité peut entraîner des récidives si elle n’est pas correctement prise en charge. En cas de doute sur l’intégrité des ligaments, ou si une fracture est suspectée (douleur à la palpation des malléoles ou impossibilité de faire 4 pas), une consultation médicale avec imagerie (radiographie, voire échographie ou IRM) est impérative.
Prise en charge de la douleur et de l’inflammation
Pour soulager la douleur, le paracétamol est recommandé en première intention, à ajuster selon l’intensité de la douleur. En cas de gonflement important et de douleurs modérées à sévères, les AINS topiques, tels que le diclofénac ou l’ibuprofène en gel, peuvent être proposés. Ces formulations permettent une action locale avec un profil de tolérance amélioré par rapport à l’administration systémique. Si nécessaire, et en l’absence de contre-indications, un AINS oral peut être envisagé pour des douleurs plus importantes.
Conseils de suivi et orientation
L’appui complet sur la cheville doit être évité pendant au moins 48 heures pour prévenir toute aggravation des lésions ligamentaires. Après la phase aiguë, une reprise progressive de la mise en charge est recommandée pour éviter l’atrophie musculaire. Une réévaluation médicale s’impose si la douleur persiste au-delà de quelques jours, si le gonflement ne diminue pas, ou si une instabilité fonctionnelle se manifeste (difficulté à maintenir l’équilibre sur la cheville touchée).
Il est important de rappeler au patient que des récidives sont fréquentes si une rééducation adéquate n’est pas mise en place. Une consultation auprès d’un kinésithérapeute est souvent nécessaire pour renforcer les muscles stabilisateurs, améliorer la proprioception et prévenir les épisodes ultérieurs d’instabilité.