Céphalée et migraine : améliorer la prise en charge à l'officine.
Face à la prévalence croissante de la migraine, les pharmaciens d'officine jouent un rôle clé dans l'orientation et le conseil des patients. Découvrez des réponses claires aux questions fréquentes, des astuces pour prévenir les interactions médicamenteuses, et des stratégies pour offrir un soutien adapté à chaque patient migraineux. Votre expertise peut faire toute la différence dans leur parcours de soins !
En France, près de 12 % de la population adulte est touchée par la migraine. Cette maladie est davantage présente chez les femmes, avec environ trois femmes pour un homme concerné. En Europe, le pourcentage monte à 15 %, ce qui représente plus de 70 millions d’adultes touchés. La migraine se classe ainsi parmi les maladies les plus courantes et invalidantes sur le continent. Or, la migraine n’est pas un simple mal de tête passager ; c’est une pathologie neurologique complexe avec des symptômes qui peuvent impacter profondément le quotidien du patient.
Caractéristiques de la migraine
- Douleur intense : souvent décrite comme pulsatile et pouvant être unilatérale, affectant un côté de la tête.
- Photophobie : la sensibilité accrue à la lumière peut conduire le patient à rechercher des environnements sombres lors d’une crise.
- Phonophobie : la sensibilité au bruit est également courante, rendant parfois insupportables même les sons faibles ou moyens.
- Nausées : elles peuvent être si intenses qu’elles entraînent des vomissements.
L’impact socio-économique de la migraine
L’impact socio-économique de la migraine est d’autant plus significatif que cette pathologie est l’une des principales causes de handicap chez les moins de 50 ans, selon l’Organisation Mondiale de la Santé. En France, les coûts annuels directs liés à la migraine sont estimés à plusieurs centaines de millions d’euros, une somme qui englobe les frais médicaux, les prescriptions pharmaceutiques et les traitements spécifiques. Sur le plan indirect, la perte de productivité due aux jours de travail perdus est encore plus conséquente. Des études ont révélé que les personnes souffrant de migraine perdent en moyenne 4,6 jours de travail par an à cause de leur affection. Si l’on considère que près de 12 % de la population adulte en France est affectée, cela représente des millions de jours de travail perdus annuellement, avec un impact économique majeur.
Consommation d’antalgiques
La France est l’un des plus grands consommateurs d’antalgiques en Europe. Près de 40 % des Français consommeraient ces médicaments au moins une fois par mois, et la migraine en est une des raisons principales. À l’échelle européenne, la consommation varie, mais dans certains pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, la consommation mensuelle d’antalgiques avoisine les 30 %.
Consommation d’opioïdes
Bien que la France ait une consommation relativement modérée d’opioïdes par rapport à des pays comme les États-Unis, la consommation a augmenté ces dernières années. Ce phénomène s’explique en partie par la recherche de solutions contre des douleurs chroniques, dont la migraine. Cependant, les opioïdes ne sont plus recommandés pour le traitement de la migraine en raison du risque de dépendance qu’ils peuvent engendrer ; c’est pourquoi les spécialités associant opioïdes, paracétamol et caféine ne sont plus remboursées par l’Assurance maladie.
La (sur)consommation d’antidouleurs
Le recours aux antalgiques est fréquent, ce qui place la France parmi les pays à forte consommation. La prise régulière et excessive d’antalgiques peut non seulement rendre le médicament inefficace, mais aussi provoquer ou aggraver des céphalées. Face à cela :
- Interroger le patient : demandez au patient depuis combien de temps il utilise l’antalgique, à quelle fréquence et à quelle dose.
- Informer sur les risques : sensibilisez le patient sur le danger des céphalées induites par les antalgiques et l’importance de respecter la posologie.
- Proposer des alternatives : suggérez des méthodes non médicamenteuses pour gérer la douleur, comme la phytothérapie, l’aromathérapie ou encore l’application de compresses froides.
Quels conseils sur la médication ?
Pour des migraines légères à modérées, des antalgiques en vente libre comme le paracétamol, l’ibuprofène ou l’aspirine peuvent être suggérés. Pour des crises plus sévères ou pour ceux qui ne répondent pas aux analgésiques courants, une orientation vers un médecin pour une prescription adaptée est conseillée. Ce dernier pourrait envisager des traitements spécifiques tels que les triptans (sumatriptan, rizatriptan).
Stratégies non médicamenteuses et complémentaires
Suggérer au patient de se reposer dans un environnement calme et sombre. Conseiller sur l’importance de l’hydratation et éventuellement de petites collations pour aider à atténuer les nausées. Proposer des lunettes anti-lumière bleue pour les patients sensibles à la lumière, ou des bouchons d’oreilles pour ceux qui ont une phonophobie. Suggérer des produits naturels tels que l’huile essentielle de lavande ou de menthe poivrée, et des compléments de phytothérapie comme la passiflore, traditionnellement utilisée pour réduire l’anxiété et favoriser le sommeil, ou encore la valériane, utilisée pour ses propriétés apaisantes et pour favoriser le sommeil.
Prévention et éducation
La tenue d’un « journal de migraine » est un outil précieux pour toute personne souffrant de migraines régulières. Non seulement il aide à identifier les déclencheurs potentiels, mais il permet aussi de suivre l’évolution des crises et d’adapter le traitement en conséquence. Il peut également mettre en lumière les liens entre certaines activités ou facteurs environnementaux et l’apparition des crises.
Céphalées induites par les antalgiques
Une prise régulière d’antalgiques peut, paradoxalement, être la cause de maux de tête récurrents. Ces céphalées sont souvent difficiles à distinguer des migraines et peuvent devenir un véritable cercle vicieux pour le patient. Les symptômes des céphalées induites peuvent ressembler à ceux des migraines classiques. Ces maux de tête surviennent généralement après une prise régulière d’antalgiques pendant plus de 15 jours par mois pendant 3 mois. Face à cette situation :
- Identifier la cause : si un patient se plaint de maux de tête persistants malgré la prise d’antalgiques, envisagez la possibilité de céphalées induites.
- Éducation du patient : informez le patient sur l’importance d’une utilisation raisonnée des antalgiques.
- Orientation médicale : si nécessaire, recommandez une consultation médicale pour un meilleur ajustement du traitement.
Le cas des triptans
Spécialement formulés pour traiter les migraines, les triptans offrent une approche ciblée. Cependant, ils ne sont pas sans risques. Les triptans agissent sur les récepteurs de la sérotonine pour réduire l’inflammation et la douleur associée à la migraine. Une utilisation excessive peut conduire à une dépendance, et il existe également des contre-indications et des interactions médicamenteuses à prendre en compte. Conseils pratiques :
- Sensibiliser sur la posologie : informez le patient sur l’importance de respecter la dose prescrite, sans dépasser 2 comprimés par 24 heures et 12 comprimés par mois.
- Interactions médicamenteuses : vérifiez les autres médicaments pris par le patient pour éviter d’éventuelles interactions.
L’innovation dans le traitement de la migraine
Face à la prévalence croissante de la migraine et à ses répercussions, le champ de la recherche médicale s’active pour innover dans les traitements disponibles. Ces dernières années, l’accent a été mis sur le développement de thérapies ciblées, telles que les anticorps monoclonaux dirigés contre le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP), une molécule impliquée dans la pathogénie des migraines. Ces nouveaux traitements, qui se présentent sous forme d’injections à réaliser tous les mois ou tous les trois mois, ont démontré leur efficacité dans la réduction de la fréquence et de la sévérité des crises chez les patients souffrant de migraines chroniques. Cependant, leur coût élevé et leur statut de prescription spécialisée restreignent leur accessibilité à une fraction des patients.