Numérique et cerveau des seniors : un allié inattendu contre le déclin cognitif ?

Loin de confirmer les scénarios alarmistes souvent brandis contre les écrans, une récente méta-analyse internationale publiée dans Nature montre que l’utilisation régulière des technologies numériques chez les adultes de plus de 65 ans pourrait au contraire freiner le déclin cognitif. Une bonne nouvelle pour les générations connectées… à condition de faire bon usage de leurs écrans.

Par Thomas Kassab, publié le 19 juin 2025

Numérique et cerveau des seniors : un allié inattendu contre le déclin cognitif ?

Une étude d’envergure pour éclairer un débat complexe

C’est une question qui taraude chercheurs, professionnels de santé et grand public : les écrans altèrent-ils nos fonctions cognitives ? Si l’inquiétude est fréquente concernant l’exposition précoce des enfants, qu’en est-il des adultes, et en particulier des seniors, premières générations à avoir intégré le numérique dans leur quotidien ? Pour tenter d’y répondre, les chercheurs américains Jared F. Benge et Michael K. Scullin ont mené une revue systématique et une méta-analyse publiées en juin 2025 dans Nature Human Behaviour.

Les auteurs ont passé au crible 136 études internationales, issues de grandes bases de données médicales (Medline, PsycInfo, Cochrane…), regroupant plus de 411 000 participants, d’un âge moyen de 68,7 ans. Une partie de ces travaux, jugée méthodologiquement robuste (57 études), a été intégrée à une méta-analyse quantitative.

Une corrélation entre usage numérique et préservation cognitive

Les résultats vont à l’encontre des idées reçues : l’usage du numérique est statistiquement associé à une réduction du risque de troubles cognitifs. Les chercheurs relèvent une diminution significative de la probabilité de déficience cognitive (odds ratio = 0,42 ; IC 95 % : 0,35–0,52), et un ralentissement mesurable du déclin cognitif dans le temps (hazard ratio = 0,74 ; IC 95 % : 0,66–0,84). Ces associations restent significatives après ajustement sur des facteurs potentiellement confondants tels que l’âge, le niveau d’éducation, la santé globale ou la réserve cognitive.

Tout dépend de l’usage : passif vs interactif

L’étude distingue deux grands types d’utilisation du numérique. Les activités passives — comme regarder des vidéos — semblent avoir peu d’effet. En revanche, les usages interactifs, tels que l’écriture, la communication en ligne, la navigation web ou les jeux de logique, s’avèrent les plus bénéfiques cognitivement. Ces activités stimulent en effet la mémoire de travail, les fonctions exécutives, la coordination œil-main et la capacité d’adaptation, autant de fonctions clés dans le vieillissement cérébral.

Une réserve technologique à explorer

Bien que les résultats soient robustes, les auteurs invitent à la prudence : une corrélation ne vaut pas causalité. Il est possible que les individus les plus cognitivement préservés soient aussi ceux qui adoptent le plus naturellement les outils numériques. Des études interventionnelles de long terme sont donc nécessaires pour mieux comprendre si et comment les technologies peuvent soutenir le vieillissement cérébral.

Une opportunité pour les professionnels de santé

Ces résultats pourraient modifier la perception des écrans chez les aînés. Pour les professionnels officinaux, le message de prévention gagne en nuance : il ne s’agit pas de diaboliser le numérique, mais d’encourager une utilisation active et stimulante des technologies chez les patients âgés. L’accompagnement à l’usage (tablettes, jeux cognitifs, appels vidéo…) pourrait s’inscrire dans une stratégie plus large de maintien de l’autonomie cognitive.

À retenir pour l’officine :

  • Le numérique n’est pas intrinsèquement délétère : tout dépend de son usage.

  • Les activités interactives sont les plus bénéfiques pour la cognition.

  • Les seniors connectés pourraient mieux vieillir sur le plan cérébral.

  • Un rôle de conseil pour accompagner l’usage raisonné des technologies.

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