« Le préservatif souffre d’un déficit d’image » : alerte sur la prévention VIH chez les jeunes
Alors que 17 % des nouvelles contaminations VIH concernent les moins de 25 ans, les idées reçues persistent et l’information fait défaut. Alexandra Guérin, Responsable R&D, Qualité et Affaires Réglementaires chez Terpan Prévention, alerte sur la nécessité de mobiliser tous les acteurs – pharmaciens compris – pour redonner toute leur place aux préservatifs et à l’éducation sexuelle.

« L’information sur le VIH régresse chez les jeunes »
Pourquoi, en 2025, l’information sur le VIH semble-t-elle régresser chez les jeunes, malgré une multiplication des moyens de prévention ?
Alexandra Guérin : Tous les jeunes n’ont pas accès au même niveau d’information, que ce soit dans le cercle familial ou dans le cadre médical. Un levier essentiel reste l’éducation à la sexualité à l’école. Pourtant, même si trois séances annuelles sont obligatoires depuis 2003, seulement 20 % des collégiens y ont réellement accès. Et une seule séance ne suffit pas à transmettre une information complète et fiable, d’autant plus que les jeunes se tournent massivement vers Internet, où les fausses idées circulent largement.
« Le dispositif de gratuité reste largement méconnu »
Le préservatif est désormais pris en charge pour les moins de 26 ans. Pourquoi cette mesure reste-t-elle si peu connue ?
A. Guérin : Il y a un vrai déficit de communication. L’État mène des campagnes visibles contre le tabac ou l’alcool, mais peu sur les IST. Il faudrait des messages forts et réguliers pour rappeler que les préservatifs sont gratuits en pharmacie. Les médecins, les pharmaciens et l’école doivent relayer l’information. Un jeune qui vient pour un tout autre motif doit pouvoir être informé de ses droits dans l’officine.
« Oui, le VIH se transmet encore »
Les slogans comme « Indétectable = Intransmissible » sont efficaces, mais peuvent-ils induire un sentiment de fausse sécurité chez les jeunes ?
A. Guérin : C’est un risque. D’après une étude OpinionWay pour le Sidaction, 42 % des jeunes croient encore que le VIH peut se transmettre par un baiser, 36 % par un siège de toilette, et 40 % pensent qu’il existe un vaccin. Un tiers pense même que le VIH se soigne définitivement. Ces fausses croyances entretiennent le non-usage du préservatif. Or le VIH se transmet encore, et on observe parallèlement une explosion des herpès, des hépatites… Le préservatif reste le seul outil réellement protecteur.
« Notre objectif : casser les idées reçues »
Quelles actions concrètes avez-vous mises en place pour renforcer la prévention ?
A. Guérin : Nous avons développé des campagnes d’affichage dans les officines avec des messages-choc comme « 24 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir ». Nous distribuons aussi des flyers reprenant les excuses fréquentes : « ça fait débander », « je te fais confiance »… accompagnés de réponses adaptées. Nous avons formé les pharmaciens, notamment sur le préservatif féminin, qui reste mal connu, y compris parmi les professionnels. Et nous avons conçu affiches et stickers pour rendre visible la gratuité en pharmacie.
« L’enjeu est aussi social et psychologique »
Les jeunes expriment-ils des freins à l’achat de préservatifs ?
A. Guérin : Oui, notamment en milieu rural, où la peur d’être reconnu par son pharmacien, voisin ou connaissance de la famille, peut créer un blocage. Pourtant, l’accès est anonyme et sécurisé : une carte Vitale suffit, et rien n’apparaît sur le compte Ameli des parents. Le pharmacien, comme le médecin, est tenu à la confidentialité. Il faut vraiment faire passer ce message.
« Pharmaciens, soyez visibles ! »
Quel message souhaitez-vous adresser aux pharmaciens d’officine ?
A. Guérin : Affichez le dispositif ! Une affiche ou un sticker visible dans l’entrée suffit à déclencher une prise d’initiative chez un jeune qui n’aurait pas osé demander. Et rappelez que vous êtes tenus au secret professionnel. Même un mineur peut venir chercher des préservatifs gratuitement, sans que rien n’apparaisse sur le décompte de ses parents. La prévention commence par la visibilité.