Dengue : alerte rouge sur l’Hexagone, le pharmacien en première ligne

Longtemps cantonnée aux zones intertropicales, la dengue gagne désormais la France métropolitaine. Face à cette progression inexorable, les pharmaciens ont un rôle majeur à jouer, tant en matière de prévention que de conseil aux voyageurs. Entretien avec Franck Favre-Besse, Responsable Médical France Vaccins chez Takeda France.

Par Thomas Kassab, publié le 18 juillet 2025

Dengue : alerte rouge sur l’Hexagone, le pharmacien en première ligne

Une arbovirose qui change de latitude

« La dengue n’est plus une maladie lointaine », alerte Franck Favre-Besse. Aedes albopictus, le moustique tigre vecteur du virus, a colonisé 84 % du territoire hexagonal, avec 81 départements touchés sur 96 en 2025. En 20 ans, son expansion a suivi les grands axes autoroutiers, notamment l’A7, jusqu’à remonter progressivement vers le nord.

Franck Favre-Besse, Responsable Médical France Vaccins chez Takeda France

Franck Favre-Besse, Responsable Médical France Vaccins chez Takeda France

Le changement climatique n’arrange rien. Alternance de fortes chaleurs et de pluies favorise la prolifération du moustique, notamment via les eaux stagnantes : coupelles, gouttières, pneus abandonnés… Or, les œufs pondus peuvent rester dormants des mois, voire des années, avant d’éclore.

Un virus à cycle discret mais persistant

Le cycle viral de la dengue est redoutable : un moustique femelle infecté peut transmettre le virus à sa descendance. Même après une période sans circulation apparente, les moustiques issus de ces œufs peuvent de nouveau contaminer l’homme.

« On ne parle pas encore d’endémie, mais la menace se précise. »

Selon l’Anses, la probabilité que la dengue devienne quasi-épidémique en France d’ici à 5 ans est évaluée à 6 sur 9. Les cas autochtones progressent : 67 en 2021, 81 en 2024. Les cas importés explosent : 378 en 2022, 2524 en 2023, plus de 1100 déjà recensés à la mi-juillet 2025.

Le pharmacien, vigie de terrain

Acteur de premier recours, le pharmacien est souvent le premier informé d’un départ imminent en zone à risque. À lui d’adopter les bons réflexes : informer, orienter, alerter.

« Vous entendez vos patients parler de vacances en Guadeloupe ou en Asie du Sud-Est ? C’est le bon moment pour leur rappeler les gestes préventifs ! »

Pour accompagner les officinaux, Takeda a lancé la plateforme DCommeDengue.fr. Son objectif : fournir une information synthétique, accessible et validée, à la fois pour les professionnels de santé et le grand public. Symptômes, modes de transmission, mesures de prévention, signaux d’alerte : tout y est.

Les bons réflexes à rappeler au comptoir

Conseils de prévention essentiels :
Répulsif cutané puissant (type DEET ≥ 50 %) sauf nourrissons
Vêtements longs et amples, pour éviter les piqûres à travers le tissu
Moustiquaires aux fenêtres ou au-dessus du lit, idéalement imprégnées
Climatisation ou ventilateur, qui perturbent le vol du moustique
Suppression systématique des eaux stagnantes à proximité du domicile

À noter : le moustique tigre est attiré par le CO₂ et la chaleur corporelle, pas par la lumière. Éteindre la lumière n’a donc aucun effet dissuasif.

Populations vulnérables : vigilance accrue

Certaines populations sont plus à risque de formes sévères de dengue :

  • Les enfants, notamment vers l’âge de 12 ans (selon l’OMS)

  • Les personnes âgées, du fait de la baisse de l’immunité

  • Les patients avec comorbidités : drépanocytose, insuffisance rénale, obésité, hémoglobinopathies, hypertension, maladies pulmonaires

Ces patients doivent être activement protégés, informés et orientés en cas de départ dans une zone exposée.

Se préparer, ensemble

Impossible désormais d’ignorer la montée en puissance de la dengue sur le territoire national. Et l’arrivée d’un second moustique vecteur, Aedes aegypti, originaire d’Afrique, en renforce l’urgence. Ce moustique tropical est désormais détecté dans le sud de la France.

« Nous n’éradiquerons pas les moustiques. La clé sera la prévention, la formation et la responsabilisation individuelle et collective. »

À l’instar de la COVID-19, la dengue nécessitera une réponse coordonnée, multisectorielle, impliquant les professionnels de santé, les autorités publiques, les industriels… et les patients eux-mêmes.