Une enquête accablante sur les violences sexistes

Étudiants en pharmacie

Face aux résultats atterrants d’une enquête auprès des étudiants en pharmacie sur les violences sexistes et sexuelles, l’Anepf propose des mesures concrètes en accord avec la Conférence de doyens pour faire face à ce fléau.

Publié le 04 février 2022

Une enquête accablante sur les violences sexistes

Les centaines de témoignages et les résultats de l’enquête sur les violences sexistes et sexuelles menée par l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) auprès des étudiants en pharmacie secouent tous les acteurs de la formation estudiantine. Réalisée fin 2021, elle a recueilli 2 103 réponses (76% de femmes et 23% d’hommes) issues d’étudiants des 24 facultés de pharmacie de France (voir Profession Pharmacienn°170 de février 2022 page 8). Toutes les promotions et toutes les filières, de la deuxième à la sixième année ont participé. La moitié des sondés (55% des femmes et 28% des hommes) déclare avoir déjà subi des agissements répétés sexistes et 42 % disent être confrontés à des situations de harcèlement sexuel, que ce soit au sein de la faculté de pharmacie, dans le cadre de stages à l’officine ou dans le milieu hospitalier, durant leur externat en 5ème année ou au cours de leur internat. Un quart des étudiants ont déjà subi des agressions sexuelles, en particulier pendant des évènements festifs, et près de 4% des sondés confient avoir subi un viol au sein de l’université ou au cours de leur activité professionnelle.

A l’officine aussi

Les auteurs de ces agissements sont la plupart du temps les étudiants eux-mêmes. Dans le cadre de la faculté 89% de ces comportements sont le fait d’étudiants, 30% proviennent du personnel pédagogique et 9% du personnel de l’Université. « Ces chiffres témoignent d’une « normalisation » de ces pratiques au sein du milieu universitaire, particulièrement exacerbé dans le milieu de la santé en raison des « traditions ». Mais nous avons été surpris par la fréquence des faits en milieu officinal » souligne Théo Vitrolles, porte-parole de l’Anepf.

En effet, l’officine n’est pas épargnée. L’enquête rapporte que 33% des étudiants interrogés (37% des femmes, 18% des hommes) sont victimes de remarques sexistes pendant leur stage officinal, 30% de harcèlement sexuel (35% des femmes et 22% des hommes). Dans huit cas sur dix ces actes sont le fait des patients mais dans 37% des cas ce sont les membres de l’équipe officinale qui sont en cause. « Autrefois, les processus d’intégration pendant les études de pharmacie intégraient des « bizutages » qui étaient acceptés mais la société évolue. Le bizutage est interdit et le respect mutuel s’impose, réagit Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pendant les confinements nous avons participé à l’orientation des femmes victimes de violences conjugales avec le numéro de Violences Femmes Info (3919). Nous, titulaires, devons maintenant aller plus loin et lutter contre ces situations. »

Treize propositions

« Ces atrocités sans nom restent trop souvent impunies » s’insurge Numan Bahroun, président de l’Anepf. Le nombre de plaintes n’est pas du tout en corrélation avec la fréquence des actes rapportés. Seuls 6% des agissements sexistes et harcèlements sexuels sont signalés (une démarche jugée inutile par 83% des déclarants), tandis que 25% des viols le sont. « Je n’ai jamais osé. Qui va me croire ? On a tellement l’habitude de ce genre de comportements qu’on finit par s’habituer et ne rien dire. Je ne sais pas comment faire ni à qui en parler » : les raisons évoquées pour ne pas agir sont nombreuses et ne doivent pas perdurer. D’autant que les conséquences sont lourdes : 55 % des personnes constatent un impact sur leur vie personnelle ou leurs études et 16% ont augmenté leur consommation d’anxiolytiques, d’alcool, de médicaments ou de tabac.

« Nous voulons mettre un terme à cette situation attristante et déplorable. L’Anepf n’acceptera jamais une omerta dans le milieu étudiant et pharmaceutique » assure Numan Bahroun. L’Anepf, soutenue par la Conférence des doyens, s’engage dans des actions concrètes et liste 13 propositions.

L’information sur les dispositifs d’accompagnement des victimes et de signalement doit s’améliorer, tout comme le suivi des signalements et les démarches préventives lors des événements festifs. « Nous sensibilisons notre propre réseau pour faire changer les attitudes entre étudiants. La Fage (Fédération des associations générales étudiantes) agit pour sécuriser les soirées et nous souhaitons des actions de prévention au sein des Universités » indique Nesrine Benabdelkader, vice-présidente en charge des affaires sociales.

« Notre première action collective sera de présenter cette enquête aux étudiants et enseignants pour libérer la parole, déclare le Pr Gaël Grimandi, président de la conférence des doyens et doyen de la faculté de pharmacie de Nantes. Ensuite nous devons faire connaître les outils d’accompagnement disponibles et rassurer sur les suites données à chaque signalement ». Etudiants, associations d’étudiants, personnel universitaire et pédagogique, maîtres de stage doivent être sensibilisés et formés sur la prise en charge des étudiants victimes. Des référents étudiants locaux seront chargés d’accompagner et conseiller les étudiants qui feraient appel à eux. L’Anepf compte aussi s’impliquer auprès du Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA) afin de développer des nouvelles missions vis-à-vis de la lutte contre ces violences dans l’enseignement supérieur. « La priorité est la prise de conscience du problème par les étudiants, appuyée sur les chiffres de cette enquête » ajoute Nesrine Benabdelkader.

« Face à ce problème de société, nous avons créé un Guide de signalement pour les étudiants, annonce le Pr Gaël Grimandi. Et nous mettrons en place les mesures proposées par l’Anepf. Nous nous engageons à faciliter les signalements ». Et l’Anepf invite l’ensemble des acteurs – équipes universitaires et hospitalières, syndicats de pharmaciens, Ordre des pharmaciens, Collège des maîtres de stage, Ministère… – à les rejoindre pour un travail de fond afin de prévenir, reconnaitre, signaler et sanctionner ces agissements.

Juliette Schenckéry

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