HTA : un fléau silencieux à dépister à l’officine

L’officine est au premier plan

Au cabinet, on parle d’HTA à partir de 140/90 mmHg, chiffres vérifiés à plusieurs reprises. Le risque cardio-cérébrovasculaire augmente de façon continue avec la pression artérielle, alors même que l’HTA reste souvent silencieuse. Au comptoir, nous avons une fenêtre unique pour repérer tôt : âge et antécédents, surpoids, tabac, diabète, stress chronique… et aussi certains médicaments hypertensiogènes (AINS, décongestionnants vasoconstricteurs, corticoïdes, immunosuppresseurs, quelques antidépresseurs). Notre rôle commence ici.

L’automesure fait foi

Pour valider une suspicion d’HTA en dehors du contexte médical, l’automesure tensionnelle (AMT) est la méthode de référence. En pratique française, on s’appuie sur la règle dite des 3-3-3 : trois mesures le matin avant la prise des médicaments et trois le soir, pendant trois jours consécutifs, puis on calcule la moyenne. Les recommandations européennes récentes admettent aussi un schéma 2 le matin / 2 le soir sur 3 à 7 jours (idéalement 7) quand c’est plus réaliste pour le patient. Le seuil diagnostique en AMT est de 135/85 mmHg : au-delà, on oriente vers le médecin pour examen, éventuelle MAPA et bilan (repère utile : moyenne 24 heures en MAPA ≈ 130/80 mmHg).

Les réflexes à avoir

  • Faire asseoir le patient au calme pendant 5 minutes.
  • Bras posé à hauteur du cœur, dos droit, jambes décroisées.
  • Brassard directement sur la peau, à 2 cm au-dessus du pli du coude.
  • Ne pas parler ni bouger durant la mesure.
  • Réaliser 3 mesures à 2 minutes d’intervalle, et garder la moyenne des deux plus basses.
  • Noter heure, date, valeurs.

Mesurer correctement

Une seule mesure ne suffit pas. On installe au calme, dos et bras bien soutenus au niveau du cœur, jambes décroisées, cinq minutes de repos. On réalise trois mesures à une à deux minutes d’intervalle, puis on écarte la première (souvent plus haute) et on moyenne les deux dernières. On interprète en contexte : stress, douleur, vessie pleine, café ou discussion pendant la mesure faussent les chiffres. Chez le sujet âgé ou en cas de vertiges/chutes, on pense à vérifier une hypotension orthostatique (assis puis debout à 1 et 3 minutes). Si des valeurs élevées se répètent à l’officine (≥ 140/90 mmHg), on propose une AMT ou on adresse. Notre mission est d’alerter, pas de poser le diagnostic.

Brassard ou poignet ?

Les tensiomètres brassards sont systématiquement recommandés par la SFHTA et la HAS. Ils offrent une meilleure précision et sont moins sensibles aux erreurs de positionnement. Les tensiomètres au poignet sont fiables à condition d’une précision rigoureuse du positionnement : poignet au niveau du cœur, bras fléchi, patient immobile.

Quel appareil conseiller ?

On privilégie les tensiomètres bras validés cliniquement, avec brassard couvrant un large tour de bras. Trois valeurs sûres et disponibles en officine : Omron Evolv (monobloc sans tuyau, lecture claire, Bluetooth), Veroval Compact bras (Hartmann) (automatique avec détection de mouvements, écran lisible) et Omron M3 Comfort (référence fiable sans connectivité). On rappelle de mesurer toujours sur le même bras, à la même heure, avant les prises médicamenteuses, et de noter systématiquement les résultats (carnet papier ou application). Détail pratique qui change tout : choisir un brassard adapté (souvent 22-42 cm ; prévoir un large au-delà) et éviter les appareils au poignet sauf impossibilité d’utiliser le bras.

Tensiometre Omron Evolv

Tensiometre Omron Evolv

Après le dépistage : tenir la distance

Repérer ne suffit pas, il faut accompagner. Jusqu’à un patient sur deux interrompt ou suit mal son traitement à un an : on vérifie la compréhension du schéma, on anticipe les effets indésirables qui découragent, on ajuste les horaires pour améliorer la tolérance, on renforce les bases hygiéno-diététiques (sel, poids d’équilibre, activité régulière, arrêt du tabac, modération de l’alcool). On garde l’œil sur les interactions et sur les médicaments qui élèvent la PA, et on échange avec le prescripteur si besoin. Points d’attention utiles au comptoir : prudence avec les substituts de sel riches en potassium chez les patients sous IEC/ARA2 ou diurétiques épargneurs de potassium, et vigilance en cas d’insuffisance rénale. Enfin, on planifie un point d’étape (1 à 3 mois) pour revoir chiffres, ressenti et observance.

Tensiomètre Veroval Compact de Hartmann

Tensiomètre Veroval Compact de Hartmann

Notre conduite, en clair

Repérer au comptoir, organiser l’AMT et en expliquer le protocole, orienter sans tarder si la moyenne dépasse 135/85 mmHg à domicile, puis accompagner dans la durée. En présence de signes d’alerte (PA très élevée ≥ 180/110 mmHg avec céphalées intenses, douleur thoracique, dyspnée, signes neurologiques), l’orientation urgente s’impose.