Vaccination en pharmacie : un syndicat infirmier attaque les officinaux

Une semaine d’attaques virales, calibrées pour faire réagir

Les publications se sont enchaînées comme une série : « Jour 1 », « Jour 2 », « Jour 3 »…
Sur chaque post, un cocktail d’images choc et de récits anonymes prétendant démontrer l’incompétence des officinaux : plaie purulente attribuée à une injection mal réalisée, erreur de patient, bon vaccinal « ignoré », SMS jugés « trop commerciaux ».

La mécanique est bien huilée : visuels percutants, réaction émotionnelle immédiate, absence de vérification. Une stratégie typique des campagnes militantes visant à installer un récit… quitte à laisser la factualité sur le bord de la route.

Une narration anxiogène, mais sans la moindre preuve vérifiable

Ni nom, ni dossier, ni date. Pas même un contexte clinique.
Les témoignages relayés ne permettent aucune authentification. Ils reposent sur la confiance… ou sur la colère.

Rapidement, plusieurs pharmaciens présents sur X ont pointé les incohérences : impossible d’établir un lien entre les images et un acte vaccinal, aucune traçabilité des messages, aucun signalement officiel correspondant.
Autrement dit : beaucoup de bruits, zéro fait documenté.

Pourquoi cibler aussi frontalement les officines maintenant ?

Parce que l’enjeu n’est pas uniquement vaccinal.
Cette campagne intervient dans un moment clé : celui de la bascule des expérimentations Article 51 — dont OSyS — vers le droit commun.

Or OSyS autorise, dans un cadre strict, les pharmaciens à assurer certaines prises en charge de premiers recours (plaies simples, conseils urgents, orientation).
Un terrain historiquement associé aux infirmiers libéraux.

Quelques jours avant d’ouvrir le feu sur les vaccinateurs officinaux, Convergence Infirmière dénonçait déjà publiquement la généralisation d’OSyS.
Impossible d’y voir une coïncidence.

La vraie bataille : celle de la place de chacun dans le système de soins

Derrière les tweets, il y a une anxiété légitime : la redéfinition rapide des métiers.
La population vieillit, les déserts médicaux s’étendent, la demande explose… et tous les professionnels avancent en première ligne.

Les pharmaciens vaccinent, dépistent, orientent.
Les infirmiers revendiquent leur rôle central dans les soins techniques et la continuité à domicile.
Les médecins alertent sur la dilution de leur périmètre.

Chacun défend sa légitimité.
Mais la méthode choisie ici — attaques virales et images anxiogènes — fracture davantage qu’elle n’éclaire.

Sur le terrain, la pratique officinale reste encadrée et plébiscitée

La vaccination en pharmacie n’est pas un far-west :

  • formation obligatoire ;

  • protocole strict (HAS) ;

  • traçabilité DMP ;

  • rémunération faible, loin du fantasme d’une stratégie lucrative.

Et surtout : elle répond à une réalité de santé publique. En 2024, une part importante des vaccinations grippe et COVID a été réalisée en officine, notamment en zones sous-denses où la pharmacie reste l’un des derniers accès aux soins.

Un risque : fracturer les alliances dont dépend l’accès aux soins

Les relations pharmaciens–infirmiers sont, sur le terrain, beaucoup plus nuancées que sur X.
Dans nombre de territoires, elles sont même constructives : échanges de patients, coordination pour les plaies, relais vaccinal, maintien à domicile.

Mais la viralité a un coût. À force de jeter l’opprobre sur une profession entière, on alimente une défiance interpro dont les patients sont les premiers perdants.

Et maintenant ?

La campagne de Convergence Infirmière a fait du bruit, mais elle ne modifie pas la trajectoire :

  • l’État veut renforcer l’accès aux soins en s’appuyant sur les officines ;

  • les protocoles Article 51 validés seront élargis ;

  • la vaccination en pharmacie continuera de progresser.

Reste un enjeu majeur : sortir de la confrontation pour revenir à la complémentarité. Car dans un système exsangue, aucun professionnel ne peut porter seul la continuité des soins.