Interview exclusive – Dr Myriam Rosilio de Lilly France : Mounjaro, des résultats inédits sur le cœur
Le tirzépatide (Mounjaro®), double agoniste des récepteurs GIP et GLP-1, s’est distingué par son efficacité sur la régulation de la glycémie et la perte de poids chez les personnes atteintes de diabète de type 2. Les résultats préliminaires de l’étude SURPASS-CVOT mettent désormais en évidence un bénéfice cardiovasculaire par rapport à un comparateur actif de référence, le dulaglutide. Pour Pharma365, le Dr Myriam Rosilio, directrice médicale Diabète & Obésité chez Lilly France, explique le lien entre le diabète de type 2 et le risque cardiovasculaire, détaille les principaux résultats et en précise les limites d’extrapolation, en amont de la présentation complète attendue lors du congrès européen de diabétologie EASD 2025, qui se tiendra du 15 au 19 septembre à Vienne.
Pourquoi les patients DT 2 présentent-ils un risque cardiovasculaire accru ?
Dr Myriam Rosilio : Le diabète entraîne des complications au niveau de la microcirculation, touchant notamment les reins, les nerfs et la rétine, en raison de l’hyperglycémie chronique qui altère la paroi des petits vaisseaux. Il provoque également des atteintes des grandes artères, comme l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral ou l’artérite des membres inférieurs, en lien avec une athérosclérose favorisée par des anomalies lipidiques. Ce risque cardiovasculaire apparaît précocement, dès le stade de pré-diabète selon des données récentes, avant même qu’un diagnostic soit posé. Chez les personnes diabétiques, l’atteinte peut concerner à la fois les gros troncs artériels et les petits vaisseaux.
Quels mécanismes peuvent expliquer les bénéfices cardiovasculaires du tirzépatide ?
Dr M.R. : Ce bénéfice repose sur plusieurs mécanismes : un meilleur contrôle de la glycémie, une amélioration du profil lipidique, en particulier grâce à une diminution marquée des triglycérides, et une baisse de la pression artérielle liée à la perte de poids. Dans l’étude SURPASS-2, le tirzépatide a montré des résultats supérieurs à ceux obtenus avec le sémaglutide 1 mg sur la réduction de l’hémoglobine glyquée et sur la perte pondérale, deux leviers qui se conjuguent pour réduire le risque cardiovasculaire.
Que montre exactement SURPASS-CVOT ?
Dr M.R. : C’est un essai comparatif direct face au dulaglutide (Trulicity®), déjà reconnu pour ses effets cardioprotecteurs dans l’étude REWIND. Chez des patients diabétiques de type 2 en prévention secondaire – c’est-à-dire ayant déjà subi un événement cardiovasculaire –, le tirzépatide a réduit de 8 % le nombre d’événements cardiovasculaires majeurs (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral non fatal) et diminué de 16 % la mortalité toutes causes confondues. Une analyse indirecte, réalisée à partir d’un groupe témoin simulé, suggère même des réductions respectives de 28 % et 39 %. Ces résultats issus d’une comparaison indirecte doivent toutefois être interprétés avec prudence.
En quoi la population SURPASS-CVOT diffère-t-elle de REWIND ?
Dr M.R. : L’étude SURPASS-CVOT a inclus uniquement des patients en prévention secondaire, c’est-à-dire ayant déjà présenté un événement cardiovasculaire, avec un âge moyen plus élevé et une durée de diabète plus longue. À l’inverse, l’étude REWIND comptait une majorité de participants en prévention primaire, soit environ 70 % sans antécédent cardiovasculaire. Les traitements de fond différaient également, notamment en ce qui concerne l’utilisation des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2. Ces différences de population et de contexte thérapeutique doivent être prises en compte avant toute comparaison directe des résultats.
Qu’en est-il de la tolérance ?
Dr M.R. : La tolérance observée avec le tirzépatide est globalement comparable à celle des autres médicaments de la même classe, les agonistes du récepteur GLP-1. Les effets indésirables les plus fréquents sont d’ordre gastro-intestinal. Dans l’étude SURPASS-CVOT, 13,3 % des patients ont interrompu le traitement pour cette raison, contre 10,2 % dans le groupe recevant le dulaglutide.
Ces résultats ouvrent-ils la voie à de nouvelles indications ?
Dr M.R. : Une étude appelée SURMOUNT-MMO est en cours afin d’évaluer l’impact du tirzépatide sur la mortalité et la morbidité chez des personnes obèses ne présentant pas de diabète. Les résultats sont attendus aux alentours de 2027. En dehors du cadre du diabète ou de l’obésité, aucun développement clinique n’est prévu à ce jour pour cette molécule.
Quel message clé adresser aux officines sur le bon usage ?
Dr M.R. : Il est important de bien définir les indications : lorsqu’on parle de protection cardiovasculaire, cela concerne des populations précises. Pour le tirzépatide, les données disponibles portent uniquement sur des patients atteints de diabète de type 2 ayant déjà présenté un événement cardiovasculaire. Notre mission commune est de veiller au bon usage du traitement et de délivrer une information claire et précise aux patients.