Sclérose en plaques : une maladie plurielle. Actualités et conseils au comptoir.
Une pathologie auto-immune et inflammatoire
La SEP se caractérise par une attaque auto-immune ciblant la myéline des neurones dans le système nerveux central. Cette destruction laisse apparaître des plaques de démyélinisation, visibles sur l’IRM, qui expliquent la palette de symptômes : troubles visuels (comme la névrite optique), difficultés motrices, douleurs, troubles de la coordination, de l’équilibre ou de la sensibilité, fatigue chronique, voire atteintes vésico-sphinctériennes et cognitives. Les critères de McDonald, révisés en 2017, demeurent la référence diagnostique : ils associent l’identification de lésions disséminées dans le temps et l’espace sur l’IRM, et la recherche de bandes oligoclonales dans le liquide céphalorachidien.
L’importance d’une écoute bienveillante
La SEP, souvent diagnostiquée chez de jeunes adultes, bouleverse profondément la vie du patient. L’emploi du terme « neuro-évolutive » remplace le fatalisme par l’incertitude. Le sociologue Sebastian J. Moser compare la maladie à « un étranger s’installant chez soi », révélant une perpétuelle négociation identitaire. Il est intéressant d’instaurer un dialogue horizontal, sans communication descendante, pour éviter déni et anxiété. En dehors des poussées, le silence de la maladie accentue l’insécurité : soutien, clarté et empathie sont alors primordiaux.
Objectif : freiner la progression
Qu’elle se présente sous forme récurrente-rémittente (poussées suivies de rémissions) ou progressive (évolution lente et continue), la SEP appelle une prise en charge globale, intégrant autant la prévention des poussées que le suivi des symptômes. Le premier réflexe, lorsqu’une poussée survient, consiste à recourir à une forte dose de corticoïdes (méthylprednisolone) pendant quelques jours, afin de réduire l’inflammation aiguë. Ce traitement de la poussée ne modifie pas le fond de la maladie, mais abrège et atténue l’épisode aigu.
En parallèle, un traitement de fond immunomodulateur ou immunosuppresseur est mis en place dès que le diagnostic est posé (ou parfois même dès le premier épisode démyélinisant).
Le diméthyl fumarate (DMF)
Le DMF, administré par voie orale, a considérablement renouvelé la prise en charge de la SEP :
- Efficacité prouvée : pris en première intention chez les patients atteints de SEP récurrente-rémittente, il réduit de manière significative les poussées annuelles et limite la progression du handicap à court terme.
- Mécanisme d’action : le DMF agit sur la voie Nrf2, ce qui confère une action anti-inflammatoire et neuroprotectrice, notamment contre le stress oxydatif.
- Posologie : après une brève phase d’initiation à 120 mg deux fois par jour, le traitement d’entretien s’établit à 240 mg deux fois par jour, de préférence avec un repas pour réduire l’inconfort digestif.
- Tolérance et effets indésirables : flush (bouffées congestives) et symptômes gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales, diarrhées) constituent les principaux effets secondaires, habituellement transitoires.
- Surveillance : un contrôle hématologique (NFS) régulier est impératif pour détecter une éventuelle lymphopénie et prévenir le risque d’infections opportunistes, en particulier la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP).
Diméthyl fumarate, les conseils à prodiguer :
- Horaire et mode de prise : prenez une gélule matin et soir, toujours avec un repas, en l’avalant entière (sans l’écraser ni la mâcher) afin de réduire les troubles digestifs et les rougeurs.
- Oubli ou vomissement : en cas de vomissement dans la demi-heure suivant la prise, reprenez immédiatement une gélule. Si vous oubliez une dose, vous pouvez la rattraper jusqu’à quatre heures avant la prochaine ; passé ce délai, contentez-vous de la dose suivante sans jamais la doubler.
- Précautions alimentaires : évitez les boissons fortement alcoolisées (plus de 30°) durant l’heure suivant la prise pour limiter les effets gastro-intestinaux.
- Effets secondaires : signalez rapidement tout symptôme inhabituel (surtout neurologique). Les flushs et maux de ventre peuvent être atténués par une prise systématique au cours d’un repas ou une prémédication adaptée, selon l’avis du médecin.
Autres options thérapeutiques
D’autres solutions thérapeutiques existent pour freiner la progression et réduire les poussées de la SEP. Les interférons bêta (Avonex®, Rebif®, Betaferon®, Extavia®), dotés d’un mécanisme de modulation de la réponse immune, sont utilisés de longue date pour diminuer la fréquence des rechutes. L’acétate de glatiramère (Copaxone®), qui interviendrait dans la tolérance immunitaire, est également prescrit en première ligne lorsque le tableau clinique n’exige pas un traitement plus intensif.
Parallèlement, le tériflunomide (Aubagio®), inhibiteur de la dihydroorotate déshydrogénase, s’avère incontournable chez les patients atteints de SEP récurrente-rémittente, grâce à sa capacité à restreindre la prolifération des lymphocytes T et B. En cas de formes plus actives ou d’échec thérapeutique, le fingolimod (Gilenya®) – qui piège les lymphocytes dans les ganglions lymphatiques en modulant le récepteur S1P -, le natalizumab (Tysabri®) – un anticorps monoclonal bloquant l’adhésion des lymphocytes au SNC -, ou l’ocrélizumab (Ocrevus®) – anticorps monoclonal ciblant les lymphocytes B via l’antigène CD20 – peuvent être privilégiés. La cladribine (Mavenclad®) apporte, pour sa part, une alternative orale de déplétion lymphocytaire ciblée, tandis que certains immunosuppresseurs comme la mitoxantrone (Elsep®) restent indiqués dans les formes très agressives, bien qu’ils soient plus contraignants du point de vue de la surveillance (risques cardiotoxiques et hématologiques).
Au-delà de ces traitements de fond, la prise en charge s’appuie également sur la kinésithérapie, le soutien psychologique et plusieurs approches symptomatiques. Parmi elles, la fampridine peut améliorer la marche en favorisant la conduction nerveuse, tandis que des myorelaxants comme le baclofène ou le dantrolène (Dantrium®) allègent la spasticité et préservent la fonction motrice. L’optimisation du choix thérapeutique repose donc sur une évaluation concertée de l’activité de la maladie, de la tolérance et du mode de vie du patient.