Biosimilaires : quels médicaments pouvez-vous désormais substituer en officine ? Guide pratique
Un cadre légal renforcé et simplifié
Émanant des ministères de la Santé et de l’Économie, ce texte abroge l’arrêté du 12 avril 2022 modifié et fixe, dans son annexe, la liste des groupes biologiques similaires pouvant faire l’objet d’une substitution par le pharmacien. Il précise également les conditions d’information à respecter envers le prescripteur et le patient, ainsi que les modalités de traçabilité des traitements délivrés.
Points clés de l’arrêté
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Information et consentement
- Le prescripteur est tenu d’informer le patient que le médicament biologique prescrit peut être substitué en pharmacie.
- Lors de la délivrance, le pharmacien annonce au patient la substitution effective et documente les informations utiles telles que la conservation du médicament.
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Traçabilité
- Le nom du médicament biologique similaire et son numéro de lot doivent être systématiquement enregistrés.
- Le prescripteur doit être informé du produit effectivement délivré afin d’assurer un suivi optimal et une continuité des soins.
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Pérennité de la substitution
- Une fois la substitution réalisée, le pharmacien garantit la stabilité du traitement en continuant de délivrer le même produit lors des renouvellements (sauf situation clinique nécessitant un changement).
Neuf groupes biologiques similaires substituables
L’arrêté dresse la liste de neuf groupes biologiques éligibles à la substitution. Chacun présente des spécificités :
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Filgrastim (Groupe 1) et Pegfilgrastim (Groupe 2) :
Indiqués notamment pour la prévention des infections chez les patients sous chimiothérapie.- Exemple pratique :
Un patient en oncologie vient renouveler sa prescription de Filgrastim (Neupogen®). Le pharmacien peut lui proposer un biosimilaire (Zarzio®, Grastofil®, etc.), tout en expliquant clairement la similitude d’efficacité, la posologie identique et la nécessité de noter le numéro de lot.
- Exemple pratique :
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Ranibizumab (Groupe 3) :
Prescrit principalement pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).- Exemple pratique :
Un ophtalmologue prescrit Lucentis®. Le pharmacien peut délivrer Byooviz® ou Ximluci®, à condition d’informer le patient de l’équivalence thérapeutique et de rassurer quant à la traçabilité en cas d’effets indésirables.
- Exemple pratique :
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Tériparatide (Groupe 4) :
Utilisé dans l’ostéoporose.- Condition particulière : Le prescripteur peut signaler un dispositif d’administration privilégié (stylo injecteur) pour faciliter l’adhésion du patient.
- Exemple pratique :
Une patiente âgée, peu familière des stylos préremplis, se voit proposer Forsteo® ou un équivalent (Movymia®, Terrosa®, etc.). Le pharmacien s’assure qu’elle comprend bien le mode d’emploi, lui remet éventuellement un dispositif factice pour s’entraîner et rappelle qu’elle peut revenir à la référence initiale en cas de difficulté.
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Etanercept (Groupe 5) et Adalimumab (Groupe 6) :
Recommandés dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques, par exemple la polyarthrite rhumatoïde ou le psoriasis.- Conditions spécifiques :
- Choix du dispositif d’administration (stylo auto-injecteur ou seringue préremplie) selon la dextérité et la préférence du patient.
- Possibilité de retour à la spécialité initiale si le patient rencontre des difficultés.
- Même dosage en substance active : on ne peut substituer un Adalimumab 40 mg par un biosimilaire à 80 mg.
- Exemple pratique :
Un patient sous Humira® (Adalimumab) vient chercher son traitement. Le pharmacien propose un biosimilaire (Imraldi®, Hyrimoz®, etc.), en veillant à respecter le même dosage. Il explique la technique d’injection avec un stylo factice et précise que le patient doit conserver ce stylo au réfrigérateur, comme le médicament d’origine.
- Conditions spécifiques :
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Enoxaparine (Groupe 7) :
Anticoagulant très fréquent, en particulier pour la prévention de la thrombose veineuse profonde.- Exemple pratique :
Un patient sortant d’une intervention chirurgicale a une prescription de Lovenox®. Le pharmacien, en vérifiant la posologie (dose en UI ou en mg), peut substituer par Inhixa® ou Enoxaparine, tout en montrant le fonctionnement de la seringue préremplie et en rappelant les règles de sécurité (élimination des aiguilles, rotation des sites d’injection, etc.).
- Exemple pratique :
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Follitropine alfa (Groupe 8) :
Administrée pour la stimulation ovarienne dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA).- Exemple pratique :
Une patiente s’apprête à commencer un protocole de FIV et dispose d’une prescription de Gonal-F®. Le pharmacien vérifie avec précision le dosage nécessaire et peut substituer par Bemfola® ou Ovaleap®. L’enjeu est de bien expliquer l’utilisation du stylo multi-dose ou unidose, la conservation au réfrigérateur et les étapes du protocole (calendarisation des injections, contrôles échographiques, etc.).
- Exemple pratique :
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Epoétine (Groupe 9) :
Employée dans la prise en charge de l’anémie, notamment chez les insuffisants rénaux.- Exemple pratique :
Un patient insuffisant rénal chronique a une prescription d’Eprex®. Le pharmacien peut délivrer Binocrit® ou Abseamed®, en rappelant l’intérêt d’une bonne observance et en tenant un registre des lots pour éviter tout risque de confusion.
- Exemple pratique :
Nouveaux enjeux pour les pharmaciens officinaux
1. Élargissement des responsabilités
Le pharmacien jouit d’une plus grande autonomie pour adapter la prescription, tout en conservant la rigueur indispensable à la sécurité et à l’efficacité du traitement :
- Dialogue renforcé avec le prescripteur : il faut l’informer rapidement de la spécialité substituée afin de coordonner le suivi thérapeutique.
- Traçabilité solide : l’enregistrement du numéro de lot devient systématique pour chaque dispensation.
2. Formation et accompagnement
- Formation continue : face à la multiplication des biosimilaires, connaître leurs spécificités (dosages, dispositifs d’administration, stabilité) est essentiel pour conseiller au mieux le patient.
- Sensibilisation de l’équipe officinale : préparer le personnel (pharmaciens adjoints, préparateurs, étudiants en pharmacie) à l’accueil des patients, à l’utilisation des stylos factices et au rôle pédagogique accru vis-à-vis de la patientèle.
3. Gains pour le Système de Santé
- Optimisation des coûts : les biosimilaires sont généralement moins onéreux que les princeps, contribuant à la maîtrise des dépenses de santé sans compromis sur la qualité.
- Accessibilité accrue : des coûts moindres peuvent élargir l’accessibilité aux traitements biologiques coûteux pour davantage de patients.
Points de vigilance
- Respect des posologies : toute substitution doit s’effectuer à dosage égal pour garantir la continuité thérapeutique.
- Choix du dispositif d’administration : certains patients (personnes âgées, malvoyantes, …) peuvent avoir des difficultés à manipuler un nouveau stylo, nécessitant un accompagnement attentif.
- Retour à la spécialité initiale : l’arrêté laisse la porte ouverte au retour vers le médicament d’origine si la substitution s’avère problématique pour le patient (tolérance, manipulation…).
- Communication : la relation triangulaire prescripteur-patient-pharmacien demeure cruciale. Une bonne coordination est nécessaire pour éviter toute confusion et assurer l’acceptation du biosimilaire par le patient.
Perspectives
Cette réforme, perçue comme une avancée majeure pour la profession, place le pharmacien au cœur du parcours de soin. Elle offre à la fois de nouvelles opportunités et de nouvelles responsabilités :
- Mieux valoriser l’expertise officinale : le pharmacien, en assurant le suivi de la substitution et la traçabilité, prend une part active dans le suivi thérapeutique du patient.
- Renforcer la confiance du public : un patient bien informé, confiant dans les conseils de son pharmacien, sera plus enclin à accepter et à bien observer son traitement.
- Ancrer la notion de biosimilaire dans l’esprit des professionnels de santé comme du grand public, dissipant les réticences par la pédagogie et l’expérience terrain.