« Ils ne pourront pas faire sans l’officine » – Alexis Berreby, Co-fondateur de Leadersanté, après la mobilisation du 16 août
Vous attendiez-vous à cet arrêté ?
Alexis Berreby : J’étais un peu au fait des discussions par mon rôle à la chambre syndicale. On sentait une certaine rigidité des autorités, mais nous pensions à un compromis autour de 30 à 35 %, une mesure symbolique. Or, l’annonce d’un palier graduel vers 20 % a tout changé. Là, on touche directement à l’équilibre économique du modèle de distribution. C’est un choix brutal, qui fragilise nos structures et menace l’emploi dans les officines.
Comment expliquez-vous cette ligne si dure vis-à-vis du maillage officinal ?
A. B. : Depuis la crise Covid, les pharmaciens se sont vus confier des missions élargies : vaccination, bilans de prévention, dépistages… Le ministère a reconnu notre rôle de proximité. Pourtant, aujourd’hui, on nous fragilise avec une décision qui reflète une méconnaissance totale du terrain. Pour économiser quelques centaines de millions d’euros, face à un déficit de 40 milliards, on sacrifie la pharmacie d’officine. Pour ma part, c’est de l’amateurisme, une vision comptable à court terme.
Le chiffrage officiel semble minimiser l’impact réel pour les officines. Qu’en est-il ?
A. B. : Absolument. On a voulu faire croire que les pertes seraient compensées par les biosimilaires. Mais la réalité est tout autre : les biosimilaires ne concernent que neuf molécules à ce jour, avec des remises complexes, conditionnées à des paliers et très variables selon les laboratoires. Cela représente au mieux quelques milliers d’euros. En face, sur le générique, nous parlons de 20 000 à 30 000 € de marge en moins par an, soit l’équivalent de un à deux postes supprimés par pharmacie. Le calcul est vite fait : le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Perdre 20 000 à 30 000 € de marge, c’est 1 à 2 collaborateurs en moins par pharmacie.
Certains estiment que cette mesure pourrait avantager certains industriels. Qu’en pensez-vous ?
A. B. : Je ne crois pas que l’État ait orchestré cela pour favoriser un acteur comme Biogaran, car derrière, il y a toujours les clauses de sauvegarde et les baisses de prix. En revanche, c’est clair : on tape directement dans la poche des officines, tout en préservant temporairement l’industriel. Mais ce calcul est dangereux. Si demain les pharmaciens décident de boycotter certains produits, ce sont des parts de marché entières qui s’effondreront. La pharmacie d’officine est un maillon incontournable : vouloir l’affaiblir est une erreur stratégique.
Quelles sont les actions engagées après la mobilisation du 16 août ?
A. B. : La journée d’hier a été un signal fort. Mais nous n’en resterons pas là. Leadersanté appelle à poursuivre et intensifier la mobilisation : grève des gardes, diffusion d’un kit de communication, et surtout une nouvelle étape majeure le 18 septembre. Nous soutenons également les recours juridiques devant le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. C’est une idée que j’ai défendue, et plusieurs syndicats ont suivi. La ligne est claire : faire feu de tout bois, défendre la solidarité et protéger la croix verte. Il n’est pas question de laisser fragiliser un système économique déjà sous tension.
Le gouvernement peut-il faire marche arrière ?
A. B. : J’en suis convaincu. Le politique gouverne à l’opinion publique. Une rentrée sociale agitée peut être décisive, voire conduire à une censure parlementaire. La pharmacie d’officine joue un rôle de stabilisateur social. Dans les quartiers sensibles, notamment en Seine-Saint-Denis où j’exerce, elle représente un lieu de vie central, un espace de lien social. Le gouvernement ne peut pas ignorer ce risque. Voilà pourquoi il est impératif de maintenir la pression : notre objectif est clair, faire reculer cette réforme.