Décryptage des nouvelles recommandations et innovations contre le zona – Interview exclusive
Quelles sont les dernières nouvelles recommandations en 2024. Pouvez-vous nous expliquer ces mises à jour ?
Pandora Jacquemet : Les recommandations vaccinales contre le zona ont été mises à jour en mars dernier. Deux indications principales sont désormais en vigueur : la vaccination de toutes les personnes de 65 ans et plus, sans limite d’âge, ainsi que celle des patients immunodéprimés dès l’âge de 18 ans. Cela représente un élargissement significatif des populations éligibles, avec environ 16 millions de personnes concernées en France.
Pandora Jacquemet, Responsable Médical Vaccins chez GSK
Les pharmaciens jouent un rôle clé dans cette stratégie vaccinale. Grâce à leurs nouvelles prérogatives, ils peuvent non seulement prescrire, mais aussi administrer ce vaccin, ce qui facilite grandement l’accès à la vaccination pour les patients.
Pourquoi cet élargissement des recommandations ?
P. J. : Il est lié à un changement de technologie vaccinale. Le vaccin vivant atténué, précédemment utilisé, n’est plus commercialisé. Il ne reste donc plus qu’un seul vaccin disponible contre le zona : Shingrix, un vaccin recombinant avec adjuvant, non vivant.
Vaccin Shingrix de GSK
L’avantage de ce vaccin est qu’il peut être administré aux personnes immunodéprimées, contrairement au vaccin vivant atténué, qui était contre-indiqué dans cette population en raison du risque d’infection disséminée par le virus varicelle-zona.
Quelle est l’efficacité de ce vaccin et sa durée de protection ?
P. J. : Shingrix a été conçu pour offrir une réponse immunitaire plus importante, y compris chez les personnes âgées et immunodéprimées.
Shingrix est administré en deux doses, idéalement à deux mois d’intervalle, avec une flexibilité allant jusqu’à six mois.
Si un patient dépasse ce délai, il n’est pas nécessaire de recommencer le schéma vaccinal : la deuxième dose doit simplement être administrée dès que possible.
Concernant l’efficacité, les études montrent une protection contre le zona d’environ 97 % chez les 50 ans et plus et 91 % chez les 70 ans et plus (suivi à plus de trois ans) avec une protection contre les névralgies post-zostériennes de plus de 88 %. Cette protection contre le zona se maintient à plus de 80 % même après dix ans.
Comment explique-t-on cette durée de protection plus longue que celle du précédent vaccin ?
P. J. : La technologie vaccinale joue un rôle clé. Shingrix contient un adjuvant qui entraîne une meilleure réponse immunitaire et contribue à atténuer le déclin immunitaire naturel associé au vieillissement. Cet adjuvant permet d’induire une réponse immunitaire cellulaire et humorale spécifique à la glycoprotéine E, une protéine présente à la surface du virus varicelle-zona et des cellules infectées.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle seuls les vaccins vivants atténués sont très immunogènes, Shingrix démontre qu’un vaccin non vivant peut générer une réponse immunitaire robuste et durable.
Quels sont ses effets secondaires ?
P. J. : Comme pour tout vaccin, des réactions locales peuvent survenir, telles qu’une rougeur, une douleur au point d’injection ou un gonflement. D’autres effets indésirables courants incluent une fatigue passagère, des myalgies ou des céphalées. Ces réactions sont généralement d’intensité légère à modérée et disparaissent en deux à trois jours. Chez les patients immunodéprimés, le profil de tolérance est comparable à celui observé chez les adultes de 50 ans et plus.
Peut-on administrer Shingrix en même temps que d’autres vaccins ?
P. J. : Oui, Shingrix peut être co-administré avec d’autres vaccins, à condition d’utiliser des sites d’injection différents. Par exemple, il peut être injecté en même temps qu’un vaccin contre la grippe saisonnière (sans adjuvant), un vaccin pneumococcique ou encore un vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite (dTcaP). Il est également possible de l’administrer avec un vaccin ARN contre la COVID-19.
Certains patients ayant déjà eu un zona se demandent s’ils doivent être vaccinés. Que leur répondre ?
P. J. : Avoir eu un zona ne protège pas durablement contre une réactivation. C’est pourquoi la vaccination est recommandée un an après un épisode de zona. Pour les patients éligibles (65 ans et plus ou 18 ans et plus immunodéprimés) souffrant de zonas à répétition, la vaccination peut être envisagée plus rapidement, dès que la phase aiguë est terminée.
On estime qu’environ 5 % des patients ayant eu un zona en développeront un autre dans leur vie, en raison d’un affaiblissement du système immunitaire.
Quels sont les principaux facteurs de risque de développer un zona ?
P. J. : Le principal facteur de risque est l’âge. À partir de 50 ans, et encore plus après 65 ans, le risque de zona augmente en raison du vieillissement du système immunitaire. D’autres facteurs incluent :
- L’immunodépression, qu’elle soit due à une pathologie (cancers, VIH) ou à des traitements immunosuppresseurs.
- Le stress important, qui est un facteur déclenchant bien connu.
GSK prévoit-il des innovations concernant Shingrix ?
P. J. : Oui, nous travaillons sur une nouvelle présentation du vaccin sous forme de seringue préremplie, ce qui simplifiera son administration. Actuellement, Shingrix est conditionné en deux flacons, l’un contenant l’adjuvant et l’autre l’antigène, nécessitant une reconstitution avant l’injection. L’Agence européenne des médicaments a récemment accepté d’évaluer ce nouveau format, qui pourrait être disponible d’ici fin 2026.
Dispose-t-on de données sur la couverture vaccinale actuelle en France ?
P. J. : Pour l’instant, non, car le remboursement de Shingrix est très récent (décembre 2024). Toutefois, nous savons que la couverture vaccinale avec l’ancien vaccin était très faible, en dessous de 5 %. À l’international, plus de 65 millions de personnes ont déjà été vaccinées avec Shingrix, notamment aux États-Unis, où il est disponible depuis 2017.
Un mot pour conclure ?
P. J. : Un élément intéressant à mentionner est qu’une partie de la production de Shingrix est réalisée en France, à l’usine de Saint-Amand-les-Eaux. Bien entendu, cette production alimente le marché mondial, mais il est toujours bon de rappeler que la France joue un rôle important dans la fabrication de vaccins innovants.