« Puis-je laisser mon préparateur seul le temps de la pause déjeuner ? »
Une obligation stricte de présence pendant les heures d’ouverture.
L’article L. 5125-16 du Code de la santé publique (le « CSP ») dispose clairement qu’une officine : « ne peut rester ouverte en l’absence de son titulaire que si celui-ci s’est fait régulièrement remplacer ».
Cette exigence découle de l’obligation faite au pharmacien d’exercer personnellement sa profession qui lui impose d’une part, de préparer lui-même les médicaments ou de surveiller directement leur préparation (art. L. 5125-15, al. 3 du CSP) et, d’autre part, plus généralement d’exécuter lui-même les actes professionnels ou d’en surveiller l’exécution (art. R. 4235-13 du CSP).
En son absence, le pharmacien est tenu de fermer l’officine.
Toute absence exige un remplacement régulier.
Seul son remplacement régulier et effectif permet de maintenir l’officine ouverte. Le remplacement d’un pharmacien est encadré aussi bien s’agissant des professionnels pouvant réaliser ce remplacement, mais également s’agissant de la durée de celui-ci qui ne peut – sauf exception – excéder un an (voir notamment art. L. 5125-16 et R. 5125-39 du CSP).
En substance, plus la durée du remplacement est longue, plus les règles de remplacement sont strictes :
- Pour un remplacement compris entre un et quatre mois, le pharmacien devra être remplacé par un pharmacien inscrit au tableau et n’ayant pas d’autre activité professionnelle pendant la durée du remplacement, ou par un pharmacien adjoint de la même officine,
- Pour un remplacement compris entre un et quatre mois, le remplacement pourra être effectué par un pharmacien en cours d’inscription au tableau et n’ayant pas d’autre activité professionnelle pendant la durée du remplacement, ou par un étudiant en pharmacie ayant validé la cinquième année d’études et un stage de six mois de pratique professionnelle,
- Pour un remplacement n’excédant pas un mois, le pharmacien pourra être remplacé par n’importe lequel de ces professionnels ou par un pharmacien co-titulaire de l’officine.
Le remplacement doit être formalisé par une délégation écrite et acceptée par le remplaçant qui doit préciser ses attributions (art. R. 4235-14 du CSP). L’acception est généralement mentionnée dans le contrat de travail ou la fiche de poste du pharmacien adjoint.
En cas de délégation irrégulière, la chambre de discipline sanctionne le pharmacien titulaire (voir par exemple : CNOP, ch. disc., 8 juil. 2024, n°AD/06386-2/CN : pour une délégation non formalisée et non acceptée).
Un manquement sanctionné disciplinairement.
Les manquements tenant à l’absence de pharmacien dans une officine durant les horaires d’ouverture sont habituellement détectés dans le cadre de contrôles réalisés par les pharmaciens inspecteurs de l’Agence Régionale de Santé, voire à la suite de plaintes émanant de patients.
Les sanctions disciplinaires prononcées par la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens varient selon les circonstances de chaque espèce et la gravité du manquement.
Les sanctions prononcées peuvent ainsi consister en des avertissements (dans les cas les moins graves), mais également – et le plus souvent lorsque d’autres manquements sont constatés – en des interdictions d’exercer d’une durée pouvant aller de quelques jours à une voire plusieurs années, cette interdiction pouvant le cas échéant être assorties d’un sursis partiel.
Le constat de l’ouverture d’une pharmacie en l’absence d’un pharmacien s’accompagne le plus souvent du constat d’autres manquements qui vont conduire à une aggravation de la sanction prononcée par la chambre de discipline.
Certains de ces manquements apparaissent généralement comme une conséquence de l’ouverture sans pharmacien, notamment la délivrance de médicaments par du personnel non qualifié, tandis que d’autres manquements y sont étrangers.
Voici un aperçu de la diversité des sanctions récentes qui ont été prononcées dans l’hypothèse d’un constat d’absence d’un pharmacien sur les horaires d’ouverture (ces décisions étant susceptibles de recours) :
- Une interdiction d’exercer de 6 mois, en cas d’absence et de dispensation de médicaments prescrits par des personnes non autorisées ainsi que de mauvaise conservation de produits thermosensibles,
- Une interdiction d’exercer de 4 mois dont 3 mois avec sursis en cas d’absence et de défaut de port de l’insigne professionnel, de conditions irrégulières de conservation des médicaments thermolabiles, d’absence du registre des matières premières, d’absence de constitution de dossier de lot de préparation magistrale et d’insuffisance de la tenue de l’ordonnancier des préparations,
- Une interdiction d’exercer la pharmacie de 18 mois dont 9 avec sursis, en cas d’absence et de délivrance de médicaments par du personnel non qualifié, de mauvaise tenue ordonnancier, de délivrance de médicaments sur la base d’une ordonnance délivrée par un médecin établi hors Union européenne, de mauvaise tenue de l’officine, de non-conformité des locaux ainsi que d’absence de déclaration du chiffre d’affaires,
- Enfin, une interdiction d’exercer de 1 an en cas d’absence, de non-conformité de l’aménagement des locaux, de non-respect des services de garde et d’urgence ainsi que de mauvaise tenue de l’ordonnancier et des registres.
Le pharmacien pourra également être sanctionné s’il ne s’est pas assuré du respect des conditions du remplacement.
Il lui appartient en effet de vérifier la régularité de la fiche de poste de son adjoint et son inscription au tableau (art. R. 4235-15 du CSP.
Au demeurant, le pharmacien est tenu de fermer l’officine dans l’hypothèse où il serait informé de l’absence du remplaçant, qu’il s’agisse d’une absence ponctuelle ou d’une absence définitive.
Le risque de sanctions pénales et civiles.
Au-delà du risque de sanction disciplinaire, le pharmacien encourt un risque de sanction pénale en cas d’absence. A titre d’exemple, l’article L. 5424-6 du Code de la santé publique puni de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait notamment pour un pharmacien de « d’exploiter une officine sans que les médicaments soient préparés par ou sous [sa] surveillance directe ». Enfin, si cette absence cause un dommage à un patient, sa responsabilité civile pourra être recherchée.
On citera notamment l’hypothèse dans laquelle un patient subirait un dommage qui serait consécutif à la délivrance d’un médicament par du personnel non habilité.
En définitive, en pause déjeuner ou en congé, le pharmacien devra se faire remplacer… ou baisser temporairement le rideau.