Sanofi condamné : 150 millions d’euros à verser à l’Assurance maladie
Un dossier vieux de quinze ans
Tout commence en 2009-2010, à l’approche de l’arrivée des premiers génériques du Plavix® (clopidogrel), antithrombotique blockbuster de Sanofi. Selon l’Autorité de la concurrence, le laboratoire a alors mis en place une stratégie de communication visant à instiller le doute sur la qualité et l’équivalence thérapeutique des génériques. Argument phare : la différence de sel entre le clopidogrel princeps et ses copies, présentée comme un obstacle à la substitution.
En mai 2013, l’Autorité sanctionne Sanofi-Aventis à hauteur de 40,6 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles. Cette décision deviendra la pierre angulaire de la procédure engagée par l’Assurance maladie pour obtenir réparation du préjudice économique.
L’action de l’Assurance maladie
Dans la foulée, la CNAM engage une action civile indemnitaire devant la Cour d’appel de Paris. L’argument est simple : la campagne de dénigrement a retardé la pénétration des génériques, générant des surcoûts massifs pour l’Assurance maladie et les officines (honoraires inclus).
Le 24 septembre 2025, la Cour d’appel (chambre 5-4, RG n° 19/19969) lui donne raison. Le préjudice est évalué à 126,2 millions d’euros pour les remboursements excédentaires et 24,5 millions d’euros pour les dommages financiers annexes, soit un total de 150,7 millions d’euros.
Des effets prolongés jusqu’en 2021
La défense de Sanofi insistait sur la brièveté de la pratique, limitée à quelques mois en 2009. Mais les juges considèrent que l’impact s’est prolongé plus d’une décennie : les habitudes de prescription, façonnées par le discours de dénigrement, ont freiné la diffusion des génériques bien au-delà de 2010.
Cette approche a conduit la Cour à extrapoler le préjudice jusqu’en 2021, reconstituant les surcoûts de remboursement sur l’ensemble de la période.
Quelle suite pour Sanofi ?
Le groupe pharmaceutique a déclaré « analyser l’arrêt » et se réserve la possibilité d’un pourvoi en cassation. Celui-ci porterait non sur la réalité des pratiques — déjà reconnues par l’Autorité de la concurrence en 2013 — mais sur le calcul et l’ampleur du préjudice retenu par les juges civils.
Ce dossier illustre la portée des actions indemnitaires “follow-on” en droit français, rendues possibles après une décision de concurrence. La Cour de cassation avait déjà validé le principe en 2023.
Les enseignements pour l’officine
Pour le réseau officinal, cette affaire rappelle deux réalités :
- La confiance dans le générique est un enjeu économique et de santé publique majeur. Tout retard de pénétration entraîne un surcoût pour l’assurance maladie et freine la rémunération liée aux honoraires de dispensation.
- Les pratiques de communication des laboratoires ont un impact direct sur nos conseils et sur la dynamique du marché.
À savoir !
Le Plavix® (clopidogrel, Sanofi) représentait l’un des médicaments les plus prescrits en France au moment de la perte de brevet. L’arrivée des génériques aurait dû générer une économie substantielle immédiate. Selon les juges, les pratiques anticoncurrentielles ont retardé ce gain d’au moins plusieurs centaines de millions d’euros pour la collectivité.