Cour des comptes : vers un nouveau modèle officinal ?
Une densité en recul, surtout en zones rurales
En 2024, la France comptait 20 502 pharmacies, contre plus de 23 000 en 2006. Le phénomène de fermeture s’est accentué ces dernières années et l’on compte 216 établissements clos pour la seule année 2024.
Cette évolution touche d’abord les territoires ruraux : le temps d’accès moyen à une officine y a augmenté de 7 % entre 2020 et 2023. Les communes situées à plus de 15 minutes d’une pharmacie sont devenues plus nombreuses. À l’inverse, les zones urbaines voient davantage de regroupements volontaires.
Des mesures correctrices peu efficaces
Pour répondre à ces difficultés, plusieurs dispositifs ont été mis en place : aides financières jusqu’à 20 000 € par an, exonérations fiscales dans certains espaces ruraux, expérimentation des antennes officinales…
Mais, selon la Cour des comptes, ces mesures manquent de cohérence. Le zonage des « territoires fragiles », défini par les agences régionales de santé, repose sur des critères trop variables d’un département à l’autre. Quant aux antennes, seule l’une d’entre elles est aujourd’hui en activité, en Corse.
La Cour propose ainsi de changer d’approche et d’abandonner le raisonnement par zone. Elle suggère plutôt d’identifier les « officines essentielles » à maintenir ou à soutenir, selon des indicateurs concrets : l’éloignement géographique, l’absence de médecin ou l’âge du pharmacien titulaire.
Une démographie en tension, un modèle d’installation en cause
Les zones rurales, souvent marquées par l’isolement, le manque de médecins et des perspectives économiques restreintes, peinent à attirer de nouveaux professionnels. Cependant, ces territoires se doivent eux aussi de garantir l’accès aux soins à leur population. À cette perte d’attractivité s’ajoute un cadre d’installation devenu obsolète.
Le modèle actuel, fondé sur la démographie communale, est jugé trop rigide. Il ne tient pas compte des réalités locales et peut freiner l’implantation d’une officine là où elle serait pourtant indispensable.
La Cour des comptes recommande donc de s’appuyer sur un critère jugé plus pertinent : le temps d’accès à la pharmacie la plus proche. Une stratégie qui permettrait de mieux évaluer les besoins, notamment dans les zones les plus isolées.
Un revenu encore centré sur le volume de boîtes
Malgré une hausse du chiffre d’affaires global (45 Md€ en 2023), la rentabilité de nombreuses officines a reculé. Aujourd’hui, 74 % des revenus proviennent de la vente de médicaments. Les nouvelles missions, comme la vaccination, ne représentent, pour le moment, que 4 % des honoraires.
En réponse à ces chiffres, la Cour des comptes recommande une rémunération fondée sur l’acte de dispensation, indépendamment du volume vendu, et l’intégration des remises fournisseurs dans le calcul du revenu.
L’adjoint, un statut à réévaluer
Le nombre de pharmaciens adjoints progresse, mais leur rôle dans la gouvernance reste limité. Le plafond de détention de capital (10 %) est jugé peu incitatif. En parallèle, la règle du nombre d’adjoints en fonction du chiffre d’affaires ne tient pas compte des spécificités des produits ou de l’organisation des officines.
La Cour invite à repenser ces critères, en lien avec l’évolution des pratiques et la montée des missions.
Surveillance accrue face à la financiarisation
Avec l’entrée de fonds d’investissement dans le capital des officines, la question de l’indépendance des pharmaciens vient à être soulevée. Certaines structures proposent des montages financiers complexes, assortis de clauses qui orientent l’activité vers des segments rentables.
La Cour appelle à un contrôle renforcé par l’Ordre des pharmaciens.