« Faux sel » : fausse bonne idée ?
Quand remplacer le sodium expose à l’hyperkaliémie
Dans une note d’alerte récente, l’Anses appelle à une vigilance renforcée concernant les substituts de sel contenant du chlorure de potassium. Si l’objectif est louable — limiter l’apport sodé chez les patients hypertendus ou insuffisants cardiaques —, l’usage de ces produits sans avis médical peut se révéler contre-productif, voire dangereux. Le problème ? Un apport excessif en potassium peut entraîner une hyperkaliémie, trouble électrolytique potentiellement grave, surtout chez des personnes présentant déjà une fonction rénale altérée.
Qui sont les patients à risque ?
Certaines populations sont particulièrement sensibles à un excès de potassium, même modéré. Sont notamment concernées :
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les patients insuffisants rénaux (notamment stade 3B à 5),
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les personnes âgées polymédiquées (IEC, sartans, diurétiques épargneurs de potassium…),
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les patients sous traitement pour insuffisance cardiaque,
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les diabétiques,
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les hypertendus.
Chez ces patients, la capacité d’élimination rénale du potassium est diminuée, exposant à un risque accru d’accumulation, avec à la clé des symptômes parfois discrets (fatigue, crampes, nausées), mais pouvant évoluer vers des troubles du rythme ou une paralysie.
À l’officine : repérer, informer, alerter
De nombreux substituts de sel sont en libre accès en GMS ou en magasins bio, parfois aussi présents en officine. Il est donc crucial de rappeler que ces produits ne sont pas anodins :
- Interroger le patient : suit-il un régime hyposodé prescrit ? Prend-il un traitement antihypertenseur ? Est-il suivi pour une maladie rénale ou cardiaque ?
- Alerter sur l’automédication à risque : remplacer le sel classique sans contrôle biologique peut induire un déséquilibre grave.
- Informer clairement : le « faux sel » ne convient pas à tous.
- Encourager la consultation médicale avant toute substitution chez les profils fragiles.
Vers un encadrement renforcé
L’Anses recommande désormais l’ajout d’un message de précaution sur les emballages des produits contenant des sels de potassium, précisant que leur utilisation doit se faire sous contrôle médical chez les personnes traitées pour hypertension, diabète, insuffisance rénale ou cardiaque. Elle propose également une meilleure signalisation au moment de l’achat, notamment pour les substituts vendus en pharmacie.
Conseil + prévention = mission pharmaceutique
En première ligne sur les conseils nutritionnels, l’équipe officinale joue un rôle clé dans la prévention des erreurs d’usage liées à ces produits. En particulier auprès des patients âgés ou polymédiqués, chez qui les interactions potassium-médicament peuvent passer inaperçues.
📌 À retenir pour le comptoir :
Le « faux sel » n’est pas un produit neutre.
Son usage doit être encadré, en particulier chez les patients fragiles.
Le pharmacien est un acteur de prévention des déséquilibres ioniques évitables.