Vaccination contre le chikungunya : suspension partielle du vaccin Ixchiq
Trois cas graves confirmés : une alerte sanitaire
Lancée début avril dans le contexte d’une épidémie active à La Réunion, la campagne de vaccination avait démarré timidement, avec environ 3 000 personnes vaccinées. Toutefois, trois cas d’effets indésirables graves, survenus chez des patients de plus de 80 ans présentant des comorbidités importantes, ont changé la donne. Deux patients ont développé une symptomatologie évocatrice d’une forme sévère de chikungunya quelques jours après leur injection ; l’un d’eux est malheureusement décédé.
Le centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux, saisi en urgence, a estimé que le lien de causalité avec le vaccin était « très vraisemblable ». Parallèlement, trois autres signalements — dont un en métropole — sont actuellement en cours d’investigation.
Suspension immédiate pour les plus de 65 ans
Face à cette situation, le ministère de la Santé a décidé de retirer temporairement les plus de 65 ans de la cible vaccinale pour Ixchiq®, aussi bien à La Réunion qu’en métropole dans le cadre de la vaccination préventive du voyageur. La Haute Autorité de Santé (HAS) a été saisie en urgence pour un nouvel avis sur la conduite à tenir.
Le président de l’Ordre des pharmaciens de La Réunion, Claude Marodon, a appelé, par précaution, à suspendre l’ensemble de la campagne, y compris pour les moins de 65 ans, le temps de clarifier les risques encourus. Une recommandation partagée par Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF), qui estime qu’une pause complète est préférable pour garantir la confiance des patients.
Une divergence de recommandations
Tandis que les instances ordinales et syndicales prônent une suspension globale, les autorités sanitaires nationales, elles, s’en tiennent à la dernière position officielle de la HAS. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a rappelé que la vaccination reste fortement recommandée pour les 18-64 ans présentant des comorbidités (diabète, insuffisance cardiaque, rénale, obésité, etc.). Cette consigne a été réaffirmée lors de la publication du nouveau calendrier vaccinal 2025.
Cette dissonance entre les représentants de terrain et les autorités nationales crée un climat d’incertitude, aussi bien pour les professionnels que pour les patients, déjà réticents face à un nouveau vaccin.
Le vaccin Ixchiq® : entre espoirs et prudence
Rappelons qu’Ixchiq® est le premier vaccin homologué contre le chikungunya, autorisé aux États-Unis en 2023 et en France en 2024. Développé selon une technologie à virus vivant atténué, il avait été jusqu’ici bien toléré lors des essais cliniques. Toutefois, des cas d’effets indésirables graves avaient été signalés aux États-Unis, sans que leur lien avec le vaccin n’ait pu être formellement établi.
Le laboratoire Valneva a, de son côté, publié un communiqué insistant sur le fait que le lien de causalité avec son vaccin n’est pas définitivement prouvé. L’entreprise affirme collaborer pleinement avec les autorités pour analyser ces événements.
Quelles perspectives pour la vaccination contre le chikungunya ?
La nécessité de disposer d’un vaccin contre le chikungunya reste incontestable, surtout dans les zones d’endémie. Depuis le début de l’épidémie actuelle à La Réunion, neuf décès liés au virus ont été recensés. La balance bénéfice-risque de la vaccination devra être réévaluée à la lumière des données de pharmacovigilance en cours.
Par ailleurs, un second vaccin contre le chikungunya, Vikumya® (Bavarian Nordic), a reçu un avis favorable du Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne du médicament, ouvrant une éventuelle alternative à Ixchiq® dans un avenir proche.
À retenir pour nos pratiques officinales
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La vaccination avec Ixchiq® est suspendue pour les plus de 65 ans.
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Chez les 18-64 ans avec comorbidités, elle reste recommandée par la HAS, mais la prudence est de mise.
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Une vigilance accrue dans la déclaration des effets indésirables est indispensable.
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L’information claire des patients sur les risques potentiels et l’évolution des recommandations est primordiale pour maintenir leur confiance.
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Enfin, restons attentifs aux futures décisions de la HAS et aux possibles alternatives vaccinales à venir.