Oxyurose : quels réflexes au comptoir ? Décryptage d’ordonnance

Un diagnostic avant tout clinique

Provoquée par Enterobius vermicularis, l’oxyurose se transmet par voie oro-fécale, le plus souvent chez l’enfant. Les femelles pondent à la marge anale, entraînant un prurit nocturne caractéristique, parfois associé à des troubles du sommeil ou à une vulvovaginite chez la fillette. Le diagnostic repose avant tout sur la clinique ; la mise en évidence des vers à la marge anale ou le scotch-test réalisé le matin avant la toilette suffisent à le confirmer.

Cycle parasitaire

 

Dans la majorité des cas, le contexte épidémiologique rend l’examen complémentaire inutile.

Flubendazole, la référence officinale

Le flubendazole (Fluvermal®), non listé, constitue le traitement de première intention des formes simples. Une prise unique, suivie d’un rappel à 15 à 20 jours, permet en général d’interrompre le cycle parasitaire. Disponible en comprimé et en suspension buvable à 2 %, cette dernière convient à l’enfant à partir de deux ans. Le flubendazole agit localement dans l’intestin avec une absorption systémique négligeable, ce qui explique sa bonne tolérance. Il convient néanmoins de signaler la présence de saccharose dans la suspension chez les patients diabétiques. L’efficacité repose sur la réalisation du rappel et le traitement simultané de tous les membres du foyer.

Prescription

M. Julien B., 22 ans, 1,76 m, 72 kg

1 cp. ce jour, à renouveler dans 7 jours

Prescription : flubendazole prolongé ou albendazole

En cas de récidives ou d’infestation collective, un traitement sous prescription médicale est recommandé. Le flubendazole peut alors être prescrit selon un schéma hors AMM de trois jours (100 mg matin et soir).

L’albendazole, classé en liste II, présente un spectre plus large couvrant l’ensemble des helminthoses intestinales courantes. Il s’administre en prise unique, à renouveler à 7 jours. Sa prise doit se faire au cours d’un repas, de préférence gras, afin d’optimiser son absorption. Une surveillance hépatique et rénale est nécessaire, et certaines interactions sont à connaître : la cimétidine, la dexaméthasone ou le praziquantel augmentent ses concentrations, tandis que la rifampicine et les antiépileptiques les réduisent.

Seconde prise obligatoire

La seconde prise est indispensable : elle permet d’éliminer les vers issus des œufs restants après la première administration. Aussi, il est préférable de synchroniser l’ensemble du foyer pour simplifier la coordination et éviter la réinfestation.

Grossesse et allaitement : prudence indispensable

Les benzimidazolés (flubendazole, albendazole) sont à éviter pendant la grossesse.

Le flubendazole est déconseillé, en particulier durant les cinq premiers mois, sauf nécessité absolue. L’albendazole est contre-indiqué pendant la grossesse : il faut s’assurer de l’absence de grossesse avant traitement et instaurer une contraception efficace pendant la cure et jusqu’à un mois après son arrêt.

En cas d’administration ponctuelle, l’allaitement doit être interrompu au moment de la prise et pendant environ trois jours.

En cas de nécessité, le pyrantel (Helmintox®) constitue une alternative : 10 à 12 mg/kg en prise unique, avec un rappel entre 15 et 20 jours.

L’hygiène, condition essentielle

Les œufs d’oxyures peuvent survivre plusieurs jours sur les textiles et les surfaces. Le succès thérapeutique repose donc sur une hygiène rigoureuse : lavage fréquent des mains, ongles courts, toilette quotidienne de la région anale, changement journalier des sous-vêtements et des vêtements de nuit, lavage du linge et de la literie à 60 °C, et aspiration régulière des chambres. Chez l’enfant, le sur-pyjama limite le grattage nocturne. Ces mesures doivent être appliquées simultanément par l’ensemble du foyer.

Suivi et rôle officinal

Le suivi repose sur la disparition du prurit et la prévention des réinfestations. Il convient de vérifier la réalisation du rappel, la coordination du traitement familial et la bonne application des mesures d’hygiène : lavage du linge et de la literie à 60 °C, changement quotidien des sous-vêtements et des pyjamas, aspiration régulière des chambres. Pour les textiles ou ameublements non lavables, l’usage ponctuel d’un spray antiparasitaire textile peut être envisagé en complément. Des produits comme A-Par® (Omega Pharma) ou encore Puressentiel® Spray Textiles Antiparasitaire permettent de désinfecter les tissus ou matelas. Leur emploi doit toutefois rester raisonné, en respectant les précautions d’usage (aération, séchage complet, absence de personnes asthmatiques pendant la pulvérisation).

Les conseils clés

« Toute la famille doit être traitée le même jour, même les adultes sans symptômes. »

« Notez dès aujourd’hui la date de la seconde prise : c’est essentiel pour éviter la récidive. »

« Lavez le linge, les draps et les pyjamas à 60 °C et coupez les ongles courts pour limiter la contamination. »

« Si le prurit réapparaît ou persiste malgré ces mesures, reprenez contact avec le médecin. »

La rigueur et la coordination de ces gestes assurent une éradication complète de l’oxyurose.

Un scotch-test de contrôle peut être proposé trois mois après la cure en cas de doute persistant. Dans la majorité des cas, l’échec du traitement résulte d’un rappel oublié ou d’une hygiène insuffisante. L’équipe officinale conserve un rôle clé dans le repérage, la pédagogie des mesures préventives et le suivi coordonné du foyer.

Thomas Kassab, DU de Pharmacie clinique