En direct de la Journée de l’Ordre – Nouveau code de déontologie : quels changements ?

Un texte de 1995 enfin révisé : une profession en quête d’actualisation

Le code de déontologie actuel date de 1995.
Trente ans plus tard, la pratique pharmaceutique ne ressemble plus en rien à ce qu’elle était : montée en puissance de l’officine clinique, prise en charge en premier recours, transformation numérique, visibilité accrue des pharmaciens, et exposition directe aux vagues de désinformation en santé.

Cette révision, lancée en 2016, arrive aujourd’hui à maturité. Le nouveau texte vient de franchir deux étapes décisives :

  • passage au Conseil d’État,

  • notification formelle à la Commission européenne, préalable incontournable avant publication.

Selon Carine Wolf-Thal, la publication interviendra sous trois mois, engagement confirmé par la ministre de la Santé Stéphanie Rist.

Information fiable, lutte contre le charlatanisme : un recentrage sur la responsabilité professionnelle

Le futur code ne se limite pas à une mise à jour technique.
Il renforce plusieurs obligations clés, adaptées aux défis contemporains.

Obligation d’information fiable et vérifiable

Dans un contexte où les pharmaciens sont en première ligne face à la désinformation, le nouveau texte impose une exigence accrue : délivrer une information :

  • scientifiquement fondée,

  • vérifiable,

  • cohérente avec l’état des connaissances,

  • sans ambiguïté pour le public.

Ce principe s’applique à toute communication :

  • au comptoir,

  • en ligne,

  • sur les réseaux sociaux,

  • dans les interventions professionnelles ou médiatiques.

Encadrement renforcé contre le charlatanisme

Le texte intègre explicitement la lutte contre :

  • les dérives pseudo-médicales,

  • les pratiques non fondées scientifiquement,

  • les discours pouvant induire un renoncement ou un retard de soins.

Les pharmaciens qui diffuseraient des informations contraires aux données acquises de la science, ou cautionneraient des pratiques non éprouvées, pourraient être sanctionnés.

Sanctions disciplinaires renforcées et désormais rendues publiques

La présidente de l’Ordre l’a annoncé clairement :
certaines sanctions seront désormais publiées.

Objectif :

  • instaurer de la transparence,

  • dissuader les fautes les plus graves,

  • renforcer la confiance envers la profession.

Dispensation, PDA, refus de soins : des obligations déontologiques élargies

Au-delà de l’information, le nouveau cadre intègre des responsabilités directement liées aux pratiques de terrain.

Dispensation et devoir de sécurité

La refonte européenne du paquet pharmaceutique remet à l’agenda l’organisation de la chaîne du médicament.
L’Ordre défend un modèle français structuré, reposant sur la présence d’un pharmacien à chaque étape.

Cette position est cohérente avec la logique déontologique : sécurité, traçabilité et responsabilité professionnelle.

PDA : vers un cadre clair pour la délivrance à l’unité

Le rapport récent de la Cour des comptes a confirmé la pertinence d’un recours large à la préparation des doses à administrer (PDA) pour lutter contre :

  • les ruptures,

  • le gaspillage,

  • la mauvaise observance.

L’Ordre soutient pleinement cette orientation et se dit prêt à travailler sur une intégration concrète dans le futur cadre déontologique et réglementaire.

Refus de soins discriminatoires : une vigilance accrue

La Défenseure des droits a récemment documenté plusieurs cas de :

  • refus de délivrance,

  • discriminations à l’égard de patients,

  • difficultés d’accès aux traitements.

L’Ordre, via le Cespharm, diffusait déjà des outils d’information.
Le futur code devrait clarifier les situations constitutives d’un manquement et les obligations du pharmacien en matière d’accueil, de neutralité et de continuité de l’accès aux soins.

Violences sexistes et sexuelles : un volet attendu dans les obligations professionnelles

La présidente de l’Ordre a annoncé :

  • une prochaine convention avec la MIPROF,

  • un renforcement des actions de prévention,

  • et surtout une enquête nationale sur les violences sexistes et sexuelles en pharmacie.

Cette enquête vise à :

  • objectiver l’ampleur du phénomène,

  • mesurer le niveau de connaissance des dispositifs d’aide,

  • proposer ensuite des solutions structurées.

Ces engagements devraient se traduire dans le futur code par des obligations nouvelles en matière :

  • de prévention,

  • de signalement,

  • et d’accompagnement.

Réforme du troisième cycle : un cadre déontologique adapté aux futurs “pharmaciens juniors”

La ministre de la Santé l’a confirmé :
la réforme du troisième cycle sera publiée avant la fin de l’année pour une application à la rentrée 2026.

Elle prévoit notamment :

  • un DES court officine,

  • un DES court industrie,

  • une rénovation complète des maquettes,

  • une rémunération et un statut évolutifs en stage.

Cette évolution nécessitera un code de déontologie en phase avec :

  • l’arrivée des “pharmaciens juniors”,

  • l’augmentation des missions cliniques,

  • et l’intégration progressive des jeunes diplômés dans les activités de premier recours.

Un code modernisé pour une profession exposée, visible et attendue

Cette révision du code apparaît comme l’un des chantiers les plus structurants des prochaines années.
Elle répond à plusieurs réalités :

  • un exercice pharmaceutique plus clinique,

  • une visibilité renforcée auprès du public,

  • une exposition directe à la désinformation,

  • un rôle croissant dans l’accès aux soins,

  • des enjeux sociétaux (violences, discriminations, sécurisation) devenus essentiels.

La publication attendue dans les trois prochains mois ouvrira une nouvelle ère.
Reste à observer comment ce texte sera appliqué, interprété et accompagné dans les différents métiers de la pharmacie.