Jaydess : l’ANSM demande l’arrêt des prescriptions
Comment gérer la situation en officine ?
L’ANSM vient de franchir un cap : ne plus prescrire ni poser Jaydess, le DIU hormonal au lévonorgestrel 13,5 mg.
Cette recommandation exceptionnelle s’appuie sur une étude française de grande ampleur publiée le 25 novembre dans NEJM Evidence, qui confirme un risque accru de grossesse extra-utérine (GEU) chez les utilisatrices de Jaydess, comparé aux femmes porteuses d’autres DIU hormonaux ou de DIU au cuivre.
Malgré l’arrêt de commercialisation depuis fin 2024, le dispositif peut encore se trouver dans certaines officines jusqu’en 2027, et environ 60 000 femmes le portent toujours. Résultat : les équipes officinales vont forcément être sollicitées.
Un signal statistique net, mais un risque réel modéré
Cette étude Epi-Phare a analysé, sur la période 2018-2022, les données de plus d’1,5 million d’utilisatrices.
Elle établit, pour chaque DIU, le taux de GEU dans l’année suivant la pose :
| Stérilet | Dosage | Incidence GEU (pour 100 personnes-années) |
|---|---|---|
| Mirena / Donasert | 52 mg | 0,04 |
| Kyleena | 19,5 mg | 0,10 |
| Cuivre | — | 0,07 |
| Jaydess | 13,5 mg | 0,18 |
Le résultat est clair : Jaydess est associé au taux le plus élevé.
Cependant, ce sur-risque doit être replacé dans son ordre de grandeur : même à 0,18/100 personnes-années, le risque absolu reste faible. L’ANSM insiste d’ailleurs :
Le risque de GEU sous Jaydess reste bien inférieur à celui observé chez les femmes sans contraception.
Autrement dit, Jaydess n’est pas une méthode dangereuse, mais elle n’est plus la meilleure option disponible.
Pourquoi maintenant ?
Un rapport bénéfice-risque qui bascule
Avec plusieurs stérilets au lévonorgestrel désormais disponibles (19,5 mg et 52 mg), la place de Jaydess devient moins justifiable.
Les alternatives :
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offrent une efficacité contraceptive comparable,
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ont un risque de GEU plus bas,
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et présentent une large expérience d’usage.
Dans un contexte où les DIU hormonaux sont de plus en plus prescrits chez des patientes jeunes, la prudence s’impose.
Une commercialisation déjà stoppée depuis fin 2024
Bayer avait cessé la distribution du produit. L’ANSM vient simplement aligner les pratiques de prescription sur l’état du marché, en évitant les poses résiduelles.
Une population importante encore porteuse
Entre 55 000 et 60 000 femmes gardent un Jaydess en place.
Les équipes officinales seront donc en 1re ligne pour rassurer, informer, orienter ou organiser une transition vers une autre méthode.
Retrait ou non ?
Contrairement à ce que certaines patientes imagineront, il n’est pas recommandé de retirer le DIU de manière systématique.
Jaydess reste une contraception efficace : le sur-risque ne justifie pas une dépose immédiate chez une femme asymptomatique.
Le retrait est envisagé uniquement dans les situations suivantes :
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désir de grossesse,
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fin de durée d’efficacité,
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apparition de symptômes évoquant une GEU,
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test de grossesse positif,
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demande de la patiente.
Ce point mérite d’être expliqué avec pédagogie pour éviter les retraits précipités et les pertes de couverture contraceptive.
GEU : quels signes doivent faire réagir ?
Une grossesse extra-utérine peut rapidement engager le pronostic vital en cas de rupture tubaire.
Les signes d’alerte à rappeler systématiquement sont :
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retard de règles,
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test de grossesse positif, même sous DIU,
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douleurs pelviennes, souvent localisées d’un côté, parfois violentes,
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saignements vaginaux inhabituels,
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vertiges, malaise, ou douleur en barre (urgence).
Conduite à tenir : orienter sans délai vers un médecin, une sage-femme ou les urgences gynécologiques.
Si la douleur est brutale ou associée à un malaise : appel du 15.
Conseils au comptoir : formulation, posture et gestion des inquiétudes
1. Lorsque la patiente vient chercher des informations
Il n’y a plus de nouvelles poses de Jaydess parce qu’on dispose aujourd’hui de stérilets hormonaux avec un risque de grossesse extra-utérine plus faible. Votre dispositif reste efficace ; on ne le retire pas d’emblée. L’essentiel est de savoir reconnaître les symptômes qui doivent faire consulter.
2. Si elle demande si elle doit le remplacer “par précaution”
Ce n’est pas obligatoire si vous allez bien et que le DIU n’est pas en fin de vie.
Si vous souhaitez un changement, les DIU à 19,5 mg ou 52 mg sont aujourd’hui plus recommandés.
3. Si elle présente un signe d’alerte
Orientation immédiate. Le rôle de tri, d’orientation et de vigilance de l’officine est déterminant.
4. Si elle veut un conseil “d’avenir”
Jaydess n’étant plus prescrit, le prochain remplacement se fera forcément par un autre DIU. On peut déjà en discuter pour préparer une transition sereine.
Aspects pratiques en officine : stocks, substitutions, vigilance
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Les stocks résiduels peuvent encore apparaître dans certaines pharmacies jusqu’en février 2027.
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Aucun remplacement direct ne doit être proposé : la pose d’un DIU relève strictement du médical.
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En conseil, rappeler que le choix du nouveau dispositif appartient à la patiente et au prescripteur, mais que les options à 19,5 mg et 52 mg sont aujourd’hui les plus privilégiées.
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Noter systématiquement dans le dossier patient si une patiente porteuse de Jaydess a reçu une information ou un rappel des signes de GEU.
À retenir pour l’équipe officinale
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Jaydess : arrêt total des prescriptions et poses.
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Risque de GEU : confirmé comme supérieur, mais faible en valeur absolue.
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Aucun retrait systématique.
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Information claire et rassurante, sans minimiser les symptômes d’alerte.
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Orientation rapide en cas de doute.
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Anticipation des renouvellements → autres DIU hormonaux privilégiés.